samedi 11 octobre 2008

Royal Trux, acte 1 (1985-1990)

royal trux
De 1985 à 2000, le couple Neil Hagerty-Jennifer Herrema forma Royal Trux, un drôle de bolide sillonnant 16 ans d’espace musical sans jamais trouver un réel succès. Des débuts à Washington D.C. en compagnie de Jon Spencer jusqu’au split en pleine tournée, Royal Trux a incarné une idée du rock comme art et mode de vie.

Le couple se rencontre en 1985 à Washington D.C. où Neil Hagerty vient de s’installer après une année universitaire ratée dans le Connecticut. Le guitariste a fait ses premiers faits d’armes au sein de Jetboys Northwest, un groupe de punk rock influencé par le Velvet Underground et Television. « C’était une période importante pour moi parce que je passais mon temps à prendre des drogues et à écrire des chansons. J’en pouvais plus d’attendre d’aller à New York mais je suis parti à Washington D.C. à la place. » La rencontre avec Jennifer Herrema mérite de figurer dans les annales. Selon Jennifer, « on a juste parlé ensemble mais il était vraiment bizarre. Il était le contraire des autres et se comportait d’une manière imprévisible. Alors au début, j’ai pris mes distances. Mais deux-trois mois plus tard, il vivait avec un vieux type dans un entrepôt. Une nuit, avec des amis, on a suivi Neil chez lui parce qu’il avait des acides. Le type qui vivait avec lui picolait de la bière forte et trippait depuis plusieurs jours ; des bouteilles remplies de pisse étaient alignées dans la pièce. C’était fascinant et ça méritait de s’attarder un peu. À la base, j’étais là pour voir Neil et prendre un acide et j’ai fini par rester trois jours à tripper avec lui. »

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Jennifer Herrema, chanteuse.

Pendant un an le couple prend de l’acide et compose des chansons, sans l’intention de former un groupe sérieux ni de jouer dans des clubs. C’est alors que Jon Spencer, chanteur et guitariste de Pussy Galore, fait appel aux soins de Neil pour jouer les parties de guitare. Pussy Galore, groupe culte de la scène rock indépendante de Washington D.C. enregistre et presse à 550 exemplaires sa version d’Exile on Main Street des Stones: véritable incivilité ! délinquance bien réelle ! Flics à tous les hauts parleurs ! Massacre sonore enregistré dans des conditions plus que précaires, en deux jours sur un 4-pistes sans ingénieur du son ni producteur et en connaissant à peine les chansons originales. Cela s’entend. A l’origine, les Sonic Youth devaient, eux, réenregistrer l’album blanc des Beatles mais le projet n’a pas abouti. Ils préféreront commettre des reprises de Madonna sous le nom de Ciccone Youth. Pussy Galore s’installe à New York, tourne beaucoup et enregistre à un rythme soutenu mais des dissensions apparaissent au sein du groupe: Jon Spencer règne en tyran et écrit toutes les chansons avec la bassiste Julie Catritz. La première composition de Royal Trux, « Fix it », se trouve néanmoins sur l’album Right Now! mais une première rupture survient après un concert dans le New Jersey où Jon Spencer, ce straight age casse-bonbons, refuse de donner 10 dollars à Hagerty pour s’acheter des cigarettes. La coupe est pleine. Hagerty quitte Pussy Galore mais revient sporadiquement pour l’enregistrement des albums Dial M For Motherfucker et Historia de la Musica alors que le groupe n’est plus vraiment stable.

pussy galore james bond
Honor Blackman alias Pussy Galore. Tous aux abris...

Royal Trux est le projet principal de Neil Hagerty en compagnie de Jennifer Herrema même s’ils opèrent dans un quasi-anonymat. Entre 1987 et 1992, le groupe n’a joué qu’une trentaine concerts devant un public parsemé. Mais il mérite de reposer au Panthéon artistique du fameux New York des années 80 aux côtés de Sonic Youth, Lydia Lunch, Richard Kern, Nick Zedd ou Jean-Michel Basquiat. Et ce même si Royal Trux n’a enregistré que son premier album dans la Grande Pomme et part sur la côte Ouest en 1989. C’est assez.

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Pochette du 45-tours Red Tiger enregistré à San Fransisco en 1989.

Le style de Royal Trux ? À la base, du rock défoncé. Les morceaux sont enregistrés sous l’influence revendiquée des drogues (héroïne, acide, cannabis, coco & co). Le couple psychotrope suit l’exemple des poètes du Grand Jeu ou d’Henri Michaux qui créèrent une partie de leurs œuvres sous tétrachlorure de carbone et mescaline. Au grand dam des détracteurs des légendes sur l’apport des drogues dans l’art. « Hashish » sur le premier album est visiblement une improvisation de six-cordes envoûtée par les épaisses volutes blanches. On se souvient de la légende de T.S. Coleridge écrivant son poème « Kubla Kahn » sous opium pendant un sommeil narcotique. Royal Trux, le premier opus, offre une collection de titres minimalistes dans l’esprit des années 50 mais joués avec approximation par des instruments pas forcément accordés, pour des chansons souvent sans couplets ni refrain. Du lo-fi extrême, en quelque sorte. On perçoit malgré tout le syncrétisme propre au groupe, qui vampirise de nombreuses influences pour les exploiter à son rhésus. Le riff de guitare de « Bad blood » sonne comme un calque mal joué de « Day tripper » des Beatles, « Touch » passe pour un version FM de Metal Machine Music de Lou Reed et le synthétiseur de « Walking machine » pourrait provenir d’une production de Lee Scratch Perry. En plus de ces réminiscences, le couple fait quelques incursions dans l’orientalisme (flûte, tambourin, soli de guitare inspirés par la musique indienne). Les bases du groupe sont déjà solides.

royal truxConcert non identifié à une date non identifiée... Tout reste encore à dire sur ce groupe. Avis aux amateurs...

Royal Trux déménage alors à San Fransisco pour accoucher en 1990 du double album Twin Infinitives. Comment d’écrire l’opus ? Imaginez Captain Beefheart et Damo Suzuki reconverti en travelo raides défoncés au speed-ball jouant des ébauches inédites de Can avec le Sonic Youth de 1982, le tout produit par Alan Vega dans l’entrepôt désaffecté d’un monde post-apocalyptique, et vous êtes encore loin du compte. On a beau citer des références, imaginer les définitions possibles et évoquer de vagues ressemblances avec des groupes existants, Royal Trux possède ce son unique, cette patte qui les différencie toujours. Twin Infinitives est une agression pour les oreilles comme les écrits de Georg Trakl et William Burroughs sont une agression pour les yeux. Et la santé mentale. Un ex-voto à l’héroïne, un panégyrique de la défonce, un hymne à la gloire des narcotiques et de l’inspiration hallucinée. Une visite à l’improviste dans le bourbier sous perfusion des veines d’un couple grattant le même accord de guitare noyé sous les échos et la saturation, appuyant sporadiquement sur la touche d’un clavier, bidouillant un synthétiseur pour en sortir des bruitages électroniques, essayant de faire fonctionner une boite à rythme, gémissant à bout de souffle leurs mantras, sélectionnant les meilleurs moments de leur voyage intérieur et les montant les uns sur les autres, en cut-up, sans se soucier de cohérence. D’errance plutôt. Seule l’impression compte. Les limites du format musical traditionnel sont dépassées. On entend le mépris de Royal Trux pour le reste de l’industrie musicale. Royal Trux bâtit son Œuvre sur les cendres encore fumantes de ce que l’on appelle Musique. Twins Infinitives pourrait être le premier album jamais conçu, un « Rock & Roll, année 00 » . Tabula rasa.

royal truxL'austère pochette du double LP Twin Inifinitives (Drag City, 1990)

Passé le premier aspect inaudible et repoussant de la double galette toxique, on se délecte de son charme envoûtant. De son ambiance de songe et de dérive bruitiste. On aime même le chant atypique de Jennifer Herrema et les cris artaldiens de Neil Hagerty. L’affaire se termine par un morceau au piano qui contraste avec les nuisances sonores accumulées par l’auditeur pendant une heure. Dès lors, deux avis sont possibles: imposture ou génie, junkies incapables de jouer ou junkies illuminés. Pour les amateurs du groupe, le couple apparaît comme une version moderne de Keith Richards et d’Anita Pallenberg, si cette dernière s’était mise au chant. Un bad couple à l’influence néfaste. Manquerait plus qu’ils se mettent à l’occultisme…

Royal Trux, Twins Inifinitives:
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Royal Trux, acte 2 (1991-1997)

Royal Trux, acte 3 (1998-2000)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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