samedi 4 octobre 2008

Ce soir, je dîne avec Henry Miller

Miller. Un nom propre assez commun qui compte au moins un moins que rien, Gérard, et deux hommes saints, Arthur (REP, 1915-2005), parce qu'il a épousé l'une des femmes les plus belles et intelligentes de l'histoire (Marilyn Monroe) et Henry, parce qu'il est Henry Miller.

henry miller

Henry Miller. Avec Sade, l'auteur favori des 15-20 ans. Ceci est plus qu'un compliment, c'est un hommage. Qui n'a pas relu de suite Tropique du Cancer après l'avoir fini une première fois, se brûlant les yeux après plusieurs heures de lecture continue (les lecteurs de Miller portent presque tous des lunettes, vérifiez par vous même) ? Qui n'a pas rêvé d'incarner le Henry Miller de la trilogie Sexus-Plexus-Nexus, mourant presque de faim (et pas seulement en hommage à Knut Hamsun) à Brooklyn, quittant son travail, se faisant entretenir par une maîtresse experte en sexe (pléonasme), songeant à Paris et finalement, dans les dernières pages de Nexus, quittant le Nouveau Monde pour une nouvelle vie. La seule vie qui compte. Celle d'artiste. D'écrivain. Une activité qui ne sert à rien sauf à tout, en opposition aux activités qui servent à tout sauf à rien...

La suite relève de l'histoire. Lire le chef-d'oeuvre Tropique du Cancer pour plus de renseignements. Publié en 1934 en France et en... 1966 pour les USA. Je ne reviens pas ici sur cette date historique qui mit fin aux procès pour obscénité intentés à nombre d'écrivains.

henry miller
Maintenant, Miller est entré dans la norme. Voir un film de Scorsese pour s'en rendre compte. Le réalisateur catholique cite Tropique du Cancer dans Afterhours (la scène du fast-food au début du film) et Cape Fear (Robert de Niro, excellentissime, avec son accent du Sud très prononcé, qui parle de Sexus-Plexus-Nexus à une Juliette Lewis juvénile avide de baisers saliveux)

Bon. Alors, un dîner avec Henry Miller. "Certainement, madame, certainement" pour plagier Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline... Pourquoi parler de Céline ? Chose aisément compréhensible, à vrai dire. Miller a eu entre les mains les épreuves du Voyage au Bout de la Nuit avant la publication de son Tropique du Cancer. L'Américain a tout simplement décidé par la suite de ne pas censurer son langage et d'utiliser l'argot et le le parler de la rue. Bien lui en a pris !

Bon. Alors, un dîner avec Henry Miller. Un dîner où il parle du Prix Nobel. Un an avant sa mort, Miller s'inquiète pour ses héritiers et s'intéresse au Nobel pour payer ses dettes. Il parle du lobbying à faire pour obtenir le chèque ! Il parle aussi de la conception du travail chez l'Américain ("He don't give a shit about what he's working at") et chez le Japonais ("He often begs his employer, may he stay over time")

Miller parle surtout de Blaise Cendrars, son héros, qui quitta la Suisse en volant les bijoux de sa famille pour prendre le Trans-sibérien pour aller en Chine puis en Russie. Il explique l'origine de son nom: "Blaise is close to braise and Cendrars is close to cendres". Il raconte une anecdote: Cendrars qui traite Proust de tapette en racontant que l'Albertine de La Recherche du Temps Perdu était en fait un Albert, videur dans une boite de Montmartre. Miller raconte aussi comment Cendrars a braqué avec un flingue deux infirmiers dans une ambulance pendant la première guerre pour qu'on l'opère au plus vite de son bras arraché. Comment Miller a quitté la pièce où Cendrars agonisait sans avoir pris de sédatif et pleurant de douleur, simplement pour savoir ce qu'était la mort.

Le dîner en question: http://www.ubu.com/film/miller_dinner.html

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