dimanche 25 mars 2012

Baron Bulto - Oscar Wilde à Hollywood

baron bulto oscar wilde hollywood
Création littéraire de Michel Bulteau, le baron Bulto est un mélange de Baron Corvo et de personnages romanesques tirés des romans de Henri de Régnier ou Scott Fitzgerald. Le mot dandysme n'est pas loin. Ce baron Bulto est l'auteur d'une œuvre mince, tirée à peu d'exemplaires (200 ou 250) : L'ennemi des tentations (1984), Le rêve absolu (1986), Carnet de Stresa (1986), la quatrième de couverture de Minuties (1989) et, en 2010, Oscar Wilde à Hollywood. Dans son livre d'entretien Aérer le présent (1999), Michel Bulteau évoque un autre livre, inédit, Walk on the Wilde Side où l'on y croise Anita Pallenberg...

baron bulto carnet stresa
Carnet de Stresa, tiré à 250 exemplaires sur papier cristal bleu.

Voici le texte introductif d'Oscar Wilde à Hollywood :
J'ai beaucoup fréquenté le baron Bulto. Je l'ai croisé à Paris, à Venise, à Vienne, à New York, à Los Angeles. Pourtant, je le connais peu.

"Pour moi", disait avec bienveillance le prince de Metternich, "l'homme commence au baron..."

L'homme échappait. Sa conversation en disait assez peu sur le fond de son âme. Assez distant, le baron pouvait être drôle. "L'humour noir est mon sport préféré" disait-il. Je regrette de ne pas avoir noté ses divagations inattendues... Heureusement, il reste au fond de ma mémoire quelques anecdotes sulfureuses concernant des personnages appartenant à une époque disparue.

Le baron me faisait penser à ces roués de la Régence. Sa supériorité naturelle avait la magie des araignées d'eau cheminant à la surface des étangs.

Ses goûts vestimentaires n'avaient rien de surprenant. Il garda toute sa vie un goût pour les costumes en tweed et les chaussures à boucles. Il achetait ses chemises et ses cravates chez Charvet.

Son livre de chevet était : Vie de Henry Brulard. Je crois qu'il prenait aussi beaucoup de plaisir à la lecture de Restif de la Bretonne.

Le baron Bulto n'a laissé que peu de pages. j'en ai rassemblé ici quelques-unes. Certains lecteurs attentifs auront reconnu le texte qui donne son titre à ce petit ouvrage, paru dans le numéro de juin 1987 de La Nouvelle Revue de Paris.

Le baron nous a faussé compagnie en 1994.Nous étions peu nombreux à son enterrement à Possenhofen en Bavière. Je fus fort étonné d'y croiser le comte de Vaudreuil et John Drew Barrymore (qui avait fait le voyage de L.A. et avec qui je ne manquai pas d'aller boire quelques whiskies). Le dernier regret du baron aura été, j'en suis sûr, de ne pas pouvoir se joindre à nous.

jeudi 8 mars 2012

Jang In-hak - Journal d'une jeune Nord-Coréenne (2006)

cinema corée du nord
Suite des chroniques du cinéma de Corée du Nord. Cette fois-ci, une fois n'est pas coutume, le film a été diffusé dans plusieurs pays capitalistes dont la France puisque les droits de Journal du jeune Nord-Coréenne, présent au marché du film au festival de Cannes en 2007, ont été acheté par le distributeur Pretty Pictures. Auparavant, le film avait été projeté au festival international du film de Pyongyang.


cinema corée du nord

Film social d'inspiration prolétarienne, Journal d'une jeune Nord-Coréenne narre les années de lycée de Su-ryeon, qui vit pauvrement dans la périphérie de Pyongyang, avec sa mère, sa sœur et sa grand-mère. Le père ? Absent quasiment tout le temps depuis la naissance de ses filles. C'est un scientifique qui travaille depuis des années dans un centre pour développer une innovation technologique qui révolutionnera la Corée du Nord. Le problème est que pour l'instant, il n'a rien encore rien rien trouvé et ne peut pas prétendre au statut de "docteur", condition sine qua non pour se voir attribué un appartement moderne et poser en photo auprès de Kim Jong-il. Du coup, la pauvre Su-ryeon se sent délaissée par son père, est moquée à l'école, et en arrive à détester son père. Crise d'adolescence + crise sociale = bon sujet.

cinéma corée du nord

Le rejet du père atteindra son sommet quand Sun-ryeon se rendra pour la première fois sur le lieu de travail de son père pour découvrir que c'est un simple ouvrier incapable qui travaille sous l'ordre de femmes. Finalement, quelques bobines plus tard, Sun-ryeon et sa sœur retournent voir leur père. Stupeur ! C'est maintenant un scientifique qui dirige une équipe de cinq personnes affairées devant des écrans d'ordinateurs très nineties (mais alors pourquoi la scène précédente sur le serrage de boulons ?). Il vient de trouver son invention : une automatisation par ordinateur d'une chaîne de production (ça ne va pas augmenter le chômage ?). C'est un héros. Il est enfin pris en photo auprès de Kim Jong-il. Sun-ryeon peut être fière de son père et décide de suivre ses pas en s'inscrivant à l'université.

cinéma corée du nord
Plan façon "Kim Jong-il looking at"...

Journal d'une jeune Nord-Coréenne est un film essentiellement féminin, comme les films de Pedro Almodovar. Cela n'est guère étonnant quand on connaît le statut de la femme, surtout de la mère, en Corée du Nord. Pour plus d'explication, lire The Cleanest Race: How North Koreans See Themselves- and Why It Matters de B.R. Myers. Contrairement à d'autres films, les allusions à Kim Jong-il sont très discrètes même si toute la morale du film finit par faire du dévouement au pays et au "Great Leader" le but majeur de la vie. En plus de cela, le spectateur a le droit à une scène de football très sympathique. Et les actrices sont plutôt convaincantes, surtout l'héroïne Pak Mi-hyang, délicieuse d’effronterie et de dynamisme. Un bon film.


La scène obligatoire de chanson suivie d'un drame familial dû à la honte d'une
apparente pauvreté. Pas de Gucci, pas de Dior : un simple pic-nic qui tourne mal.

mercredi 7 mars 2012

Jean Parvulesco - La Servante Portugaise (1987)

La sortie du roman de Jean Parvulesco La Servante portugaise, en 1987, est passée inaperçue à l'époque, sauf par la revue Style, créée par Luc-Oliver d'Algange, et à laquelle collaborait Jean Parvulesco lui-même. Dans son deuxième numéro, Style, en plus de publier un poème inédit de Jean Parvulesco ("Le Pacifique nouvel axe du monde"), livre une note de lecture de La Servante portugaise, signée Luc-Oliver d'Algange. En voici des extraits.

jean parvulesco servante portugaise
La récente parution de La Servante portugaise ne manquera pas d'apparaître, à ceux qui savent encore lire, comme le signe annonciateur de l'imminente résurgence, en France, d'une authentique littérature sacrée. Celle-ci, d'ailleurs, ne fut jamais occultée qu'en apparence. or, à l'heure qu'il est, ces apparences sont destinées à devenir de plus en plus transparentes, jusqu'à, finalement, disparaître. Je veux dire que face à la littérature profane, naturaliste, universitaire ou mondaine, il y eut toujours une autre littérature, qui sous divers aspects (célébrateurs, herméneutiques, mystiques, épiques ou prophétiques) relève indubitablement du sacré, au même titre que les hymnes védiques, le Zohar, les poèmes de Saint-Jean de la Croix ou les cycles arthuriens. Encore faut-il percevoir les complicités qui, au-delà de l'histoire et de la géographie profanes, unissent le plus lointain et le très-proche, l'immémorial et l'instant où nous sommes, ce qui fut dit et ce qui doit encore être déchiffré, et le livre de Jean Parvulesco nous y porte irrésistiblement.

[...]

A l'instar d'autres livres de Jean Parvulesco, La Servante portugaise est aussi un livre de Haute-Magie et une mise en demeure métahistorique. une apocalypse dirions-nous, mais au sens étymologique de révélation, ce qui, d'ailleurs, n'atténue en rien le caractère terrible de l'expérience à laquelle nous sommes conviés. Mais sans doute faudrait-il parler ici d'une apocalypse radieuse, porteuse d'une espérance dont la vastitude idéale serait la mesure d'un Ciel d’Été, tracé, divisé vertigineusement (en vue de quelle géométrie ouranienne ?) par la criante vitesse des vols d'hirondelle.

L'histoire de ce "roman" serait en quelque sorte celle d'Orphée et d'Eurydice. L’Eurydice est la préexistence de l’œuvre sur laquelle, au moment de l'accomplissement, il ne faut point se retourner. Celui qui s'avance dans les ténèbres des signes et des mots doit garder à l'esprit, mais hors de portée de ses yeux de chair, cette silhouette antérieure qui ne le suit que parce qu'il s'avance vers la sortie des ténèbres, la Grande Lumière de la Souveraineté du Sens. Telle serait la victoire d'Orphée, son échec le vouant à être dépecé par les Ménades pour avoir été infidèle à cette unique souveraineté.

L'importance du livre de Jean Parvulesco, d'une beauté incandescente, est de nous replacer d'emblée au cœur de cette dramaturgie qui est elle-même le cœur battant de la spiritualité hespériale. Après les ténèbres, mais long aura été le chemin, nous voici de nouveau au seuil des très-philosophales splendeurs de l'Aube Dorée.