vendredi 25 mars 2011

Jean Parvulesco - Les mystères de la villa Atlantis (1990)

Jean Parvulesco Mysteres Villa AtlantisDans Les mystères de la villa Atlantis, Jean Parvulesco publie le journal intime/roman complet de Jean Raimondi, subitement disparu à Deauville le 14 septembre 1980, fête de l'Élévation de la Croix. Disparu, semble-t-il, vers les "Indes Noires".

Les Mystères de la villa Atlantis
offrent une fameuse distribution. Parmi les personnages du roman, on trouve Jacques Bergier, Barbet Schroeder, Bulle Ogier, Frédéric Pardo, Philippe Garrel, "à la veille précisément de reprendre le tournage de son étrange Berceau de cristal, Jean-Pierre Rassam, Claude Sautet, Éric Rohmer, Jean-Pierre Mocky, Robert Bresson, Daniel Schmid, Pascal Jardin, Alain Ravennes, Philippe Sollers, Ezra Pound et François Mitterrand. Le roman est également parsemé de nombreuses citations des Évangiles, de Plotin, Ernst Jünger, Gérard de Nerval, Thérèse d'Avila, Sainte Thérèse de Lisieux, Gustave Meyrink, Eliphas Levi, Raymond Abellio, Jean-Jacques Schuhl, Dominique de Roux (forcément), Norman Spinrad, H.P. Lovecraft et Martin Heidegger. Heidegger ? "Non point le philosophe, mais le haut visionnaire qui, après l'échec de Sein und Zeit, n'a plus arrêté de s'enfoncer, comme extatiquement, dans les ténèbres ardentes de la poésie, de la plus grande poésie et des sous-bois hantés de celle-ci, par où, qui sait, parfois, l'être scintille encore dans ses traces, dans ses haleines et ses fruits sauvages".

Jean Parvulesco Ezra PoundJean Parvulesco et Ezra Pound dans les années 1970 à l'aéroport d'Orly.

Le roman débute à la librairie du Drugstore Publicis, à l'Étoile, à Paris, sur une évocation d'Approches, drogues et ivresse d'Ernst Jünger, et se termine dans le même Drugstore, par une discussion entre Jean Raimondi et Jacques Bergier, sur l'appartenance prétendue du même Ernst Jünger à la Consultante Schwarzenberg, une société nihiliste, égrégore paramaçonnique issu de groupes occultistes d'engagement bouddhiste tibétain. Entre ces deux événements fondamentaux, le lecteur se retrouve plongé dans le journal intime/roman de Jean Raimondi, dans une quête métapolitique et érotico-mystique de l'avènement du Grand-Continent Eurasiatique. Du Jean Parvulesco pur jus. A la fin de son journal, Jean Raimondi explique sa mission finale :
"J'ébauche déjà le plan de ma propre expédition secrète au Harrar, et plus loin que tout Harrar rimbaldien, vers les "Indes Noires" de l'Être blanc et noir entrevu par Nerval quand il avouait que cette nuit-là, pour lui, la nuit sera "blanche et noire", vers l'Antarctique en suprême auto-blanchissement à laquelle était venue aboutir la fugue ontologique d'Arthur Gordom Pym".

Claude Sautet © Les Grands Films Classiques / François Darras.

Tout comme Frédéric Pardo et Barbet Schroeder, Claude Sautet est l'une des personnalités secondaires - en réalité primordiales - du roman. Jean Raimondi - Jean Parvulesco - se fend d'ailleurs d'un vibrant hommage de plusieurs pages sur le cinéma de Claude Sautet, "génialement bâti comme une interrogation à peine dissimulée sur ce que l'on pourrait appeler, avec les mots pourissants d'aujourd'hui, l'impossibilité du mariage" :
Comme dans le livre de Malcolm Lowry, la vraie vie, la vie encore et toujours vivante de Claude Sautet ne se passe qu'"au-dessous du volcan", dans la fournaise occulte de ce qui s'interdit de connaître l'interdit et la honte des choses qui se donnent à voir sous le jour de leur propre impuissance, des chemins sans retour de l'oubli de l'être. La profonde, l'irrémédiable, la vertigineuse et si bele tristesse du cinéma de Claude Sautet est la tristesse même de l'existence séparée, de l'existence ayant perdu jusqu'au souvenir même du Yihud et du souvenir sans souvenir de ses chairs vivantes et adorantes.

Autre moment alléchant, le réveillon 1979-1980 chez Alain Ravennes, en compagnie de Robert Bresson et Philippe Sollers :
A minuit, Philippe Sollers met le feu, et brûle, dans un plateau d'argent, et quelle délicieuse flambée bleuâtre, diabolique, une épaisse liasse de billets de 500 francs, "pour humilier, rabaisser, injurier le Veau d'Or dans ses matières mêmes, pour, l'espace d'un instant, rompre la chaîne".

Jean Parvulesco.

Jean Parvulesco profite de ce roman pour donner, une fois de plus, son idéologie du roman occidental. Attention, il s'agit d'une seule et même phrase :
Je suis persuadé que tout grand roman ne saurait parler de rien d'autre que du secret même du roman, du dévoilement tour à tour conçut suivant la plus extrême, la plus brutale des violences et, aussi, et en même temps peut-être, tout à fait virginalement, j'entends le dévoilement à n'en plus finir du secret du roman en tant qu'essence même du roman, tout roman n'étant en vérité que le roman de la naissance éternelle du roman, du seul roman, ou, plus clairement, plus tragiquement dit de la Seule Romance, dévoilement de l'être intérieur, de la forme intérieure du roman, de sa forme absolument occulte, du roman dans ses gouffres mêmes, et je parle au singulier - je dis le roman - parce que tous les romans occidentaux ne font qu'un seul roman, mouvement indéfiniment repris de sa propre forme première et celle-ci ayant virginalement émergé avec le roman - la romance - du Cycle Arthurien, où la Reine Guenièvre est Marie - c'est bien ce que j'appelle la forme absolument occulte du roman - et toutes ses Dames de Compagnie ne sont que ses remplaçantes existentielles, conduisant, toutes, suivant la mise en structure sérielle de leurs noms voilés, de leurs souffles, de leurs corps appelés à l'œuvre, de l'entaille et de la fournaise philosophiques de leurs sexes à la fois éperdument scellés, éperdument entrouverts et utiles, conduisant, dis-je, toutes, vers le Lieu Unique en Marie, où "veille le Graal", l'être même de l'Unique et son Reflet, ce Reflet étant Marie et leur rapprochement, lui, la Romance, la Seule Romance.
Voir également :
Nicolas Bonnal et Jean Parvulesco
Dominique de Roux par Jean Parvulesco
Jean Parvulesco - Rapport secret à la nonciature (1995)

vendredi 18 mars 2011

Juraj Jakubisko - Les Années du Christ (1967)

Juraj jakubisko annees christ kristove roky
Les Années du Christ (Kristove Roky) est le premier long métrage de Juraj Jakubisko, cinéaste slovaque tout juste diplômé de l'École du cinéma tchèque (FAMU). Ce premier film a été récompensé par douze prix et distinctions dont le prix Josef von Sternberg au Festival du film international de Mannheim-Heidelberg. Avec un ton loufoque et anticonformiste, Juraj Jakubisko narre les péripéties existentielles de Juraj, un peintre bohème et homme à femmes, qui doute de son talent et du sens de la vie. Juraj fait la connaissance d'une autre peintre, Jana (délicieuse Jana Stehnova, avec des faux airs d'Anna Karina), ce qui donne lieu à un amour dilettante - ou un amour qui ne dit pas son nom.

Juraj jakubisko annees christ kristove rokyAndrej et Juraj : une histoire de flingue.

Juraj jakubisko annees christ kristove rokyÇa boit pas mal dans Les Années du Christ, même dès le matin.

Juraj jakubisko annees christ kristove roky Jana StehnovaJana Stehnova.

Arrive bientôt le frère de Juraj, Andrej, officier de l'armée de l'air, marié, père de famille et apparemment sûr du sens de sa vie et de sa carrière militaire. En plaisantant, Juraj propose à Andrej de courtiser Jana, ce qu'étant jeunes, il faisait souvent. Andrej y parvient et Jana, bien que consciente du mal qu'elle fait à Juraj, ne veut pas renoncer à Andrej. Jusqu'au dénouement tragique du film.

Juraj jakubisko annees christ kristove roky Jana StehnovaUne femme nue et des vinyles... que demande le peuple ?

Juraj jakubisko annees christ kristove rokyAndrej et Juraj. Dernière beuverie avant le départ.

Les Années du Christ est l'illustration de l'influence de la Nouvelle Vague française sur le cinéma tchécoslovaque : on passe du néoréalisme à l'individualisme, de la narration à la représentation du vécu, du système de grande production à la production indépendante fauchée et au cinéma d'auteur. Dans son ouvrage History of the cinema (from its origin to 1970), le britannique Eric Rhode analyse :
"Les cinéastes des pays d'Europe de l'Est ont développé les idées de Godard avec beaucoup plus d'invention et d'imagination que leurs contemporains occidentaux, qui eux sont tombés dans dans l'imitation de la poétique de la nouvelle vague sans en comprendre le sens, ou se sont perdus dans les ténèbres."

Un mouvement libérateur, dans le fond et la forme, qui prendra fin peu après la révolte manquée du Printemps de Prague, en1968. Signe des temps, Juraj Jakubisko subira la censure en 1969 avec Déserteurs et nomades, puis en 1970, avec Au revoir en enfer, mes amis, qui ne sortira sur les écrans qu'en 1990. Entre temps, il réalisera des courts métrages (dont Bubeník Cerveného Kríza en 1977), des documentaires et des productions pour la télévision.


Début des Années du Christ.

mercredi 16 mars 2011

Mojzesz Towbin - Les Matryrs de Pologne (1908)

Mojzesz towbin pruska kultura martyrs pologne
Les Martyrs de Pologne (Pruska Kultura) de Mojzesz Towbin est le film polonais le plus ancien qu'on ait conservé. La bobine a été retrouvée à Paris en 2000 par les professeurs Magorzata et Marek Hendrykowski, puis restaurée par les Archives Cinématographiques de Paris. Le film dure huit minutes. La qualité est plutôt bonne à l'exception de la dernière scène, où les images sont quelque peu endommagées. La mise en scène est sommaire comme dans la plupart des films de l'époque. La caméra statique filme en plans larges chaque scène, façon théâtre.

Mojzesz towbin pruska kultura martyrs pologne

Le propos, politique, est un témoignage de l'oppression des Polonais par les Allemands, plus précisément de la "germanisation" des écoliers polonais. A l'époque, la Pologne était en effet partagée entre les empires allemand et russe et l'Autriche-Hongrie. Les Martyrs de Pologne film largement nationaliste, avait d'ailleurs été censuré par l'Empereur Guillaume II, c'est pourquoi Mojzesz Towbin avait décidé de le montrer à Moscou, en Italie et en France. D'où la redécouverte du film à Paris en 2000.


Mojzesz Towbin - Les Martyrs de Pologne (1908).

samedi 12 mars 2011

Evgueny Bauer - Les Enfants du siècle (1915)

Evgueny Bauer Enfants Siecle Deti Veka
En 1915, Evgueny Bauer réalise le drame bourgeois Les Enfants du siècle (Deti Veka). Maria Nicolaevna, épouse d'un modeste employé de banque, mène une existence paisible avec son mari et son bébé. Elle retrouve par hasard une amie d'enfance, Lidia, qui, ayant hérité de la fortune de son époux, l'initie aux plaisirs d'une vie luxueuse et mondaine. Maria fait connaissance par son intermédiaire de Lebedev, un homme aussi riche qu'influent. Fortement épris de Maria, ce dernier décide de faire la cour à la jeune femme. Comme Maria refuse de céder à ses avances, Lebedev fait licencier son mari de la banque. Maria n'hésite pas longtemps à choisir entre vivre avec un chômeur ou avec un riche banquier. La mari trompé se suicide.

Evgueny Bauer Enfants Siecle Deti VekaPetite sauterie entre aristocrates.

Evgueny Bauer Enfants Siecle Deti VekaLes décors raffinés qu'affectionnaient particulièrement Evgueny Bauer.

Evgueny Bauer Enfants Siecle Deti Veka
Encore un bel intérieur.

Evgueny Bauer Enfants Siecle Deti VekaLe suicide façon russe : se brûler la cervelle.

Evgueny Bauer est, avec Yakov Protozanov, l'un des cinéastes les plus importants de la Russie tsariste. Il mourut malheureusement d'une pneumonie en 1917. Il a abordé de nombreux genres : la comédie, le drame bourgeois, la farce grivoise, le policier et le film patriotique (notamment au début de la guerre de 1914). Les films d'Evgueny Bauer sont reconnaissables par leurs plans séquences, les décors raffinés et les costumes sophistiqués des acteurs. Le réalisateur Vladimir Gardine disait de Bauer :
Ses décorations fantastiques s'harmonisaient surtout pour eux dont les yeux étaient déjà blasés. Il choisissait ses acteurs en fonction de ses colonnades, de ses aristocrates, de ses boudoirs délicieux. Il n'attendait guère de ses acteurs des émotions vécues exprimées très profondément, il éliminait tout ce qui pouvait défigurer la beauté représentative de ses films.
Evgueny Bauer Enfants Siecle Deti VekaLa femme pécheresse se laissera-t-elle séduire par le riche banquier ?

Evgueny Bauer Enfants Siecle Deti VekaEt la femme devint adultère sur la banquette d'une calèche.

Dans le tome 4 de son Histoire générale du cinéma, Georges Sadoul ajoute :
Quel que fussent son esthétisme décadent, son goût excessif de la forme, son raffinement maladif, son goût du mélodrame, Bauer eut le mérite d'être le premier artiste conscient dans le cinéma russe (et mondial). Il fit porter ses recherches sur la plastique, la décoration, une présentation soignée, une composition raffinée de ses tableaux, une arabesque s'harmonisant avec le rythme du mouvement de ses acteurs. Ses films furent de la peinture en mouvement, et par là il fut un novateur dont l'influence restera profonde pendant longtemps, dans le domaine qui fut essentiellement le sien, celui de la forme et de la technique.


Petite scène de séduction à la russe. Succès non garanti.

vendredi 11 mars 2011

Marc Questin et Alain Pacadis - Les Calices de Bali (1974)

Le blog Les Carrefours de l'Étrange a mis en ligne les scans complets d'une plaquette confidentielle : un recueil poétique d'une trentaine de pages de Marc Questin, Les Calices Bali, publié en 1974. Dans l'air du temps seventies plus porté sur le Velvet Underground et William Burroughs que sur le patchouli et les disques de Pink Floyd, Marc Questin livre une poésie fortement influencée par celle de Michel Bulteau, Matthieu Messagier, Patrick Geoffrois et consorts, c'est-à-dire le petit groupe de junkies nervaliens, auteurs du recueil collectif Le Manifeste électrique aux paupières de jupe en 1971 (l'édition originale se monnaie cher aujourd'hui - on la trouvait à 40 euros il y a 5 ans - 300 euros maintenant- mais qui est intégralement disponible dans l'anthologie Précis de dynamitage).

La fièvre amphétaminée et opiacée du New York du Lower East Side warholien et de l'ambiance pré-punk y sont très présentes. Les chemises drapées et les vestes en velours côtoient les vestes en cuirs et la cravate-garrot. Arthur Rimbaud, Jean Lorrain, William Burroughs et Lou Reed sont réunis dans un même maelström de stupre fitzgeraldien, de visions oraculaires et de délires opiacés. Le recueil de Marc Questin s'ouvre par le poème "ETHER / ETERNITE" dont voici les premières strophes :
Blood Velvet of Satin
Jupes Bleues Intra-Veineuses
Bain de Minuit Lunaire
Étire son Corps Félin
L'Air Liquide Transparence
Deux Corps Pâles s'Agglutinent
Palfium & Codéine
Sa Main Grise Éclatée
Syd Barret / John Cale
Frondaisons d'Or Marquis
Lumière Bleutée Liquide
Flashs Éclairs Miroirs

Overdose Diamant / Veine
Dans les Kimonos Verts de Fourrures Glacées
Vertèbres Malcolm Lowry
Flashs Nuits de Satin
Lexington Station
Évanouie aux Quincey des Multiples Splendeurs
Glisse dans l'Eau Limpide d'un Nuage de Fumée Bleue
Voile d'Etain Poignets Verts
Your Body de Velours Suspendu dans l'Air Vide
Alcool de Rubis
Gestes Ardents de la Foudre
Clouée au Bleu du Ciel
Aussi Blanche que l'Amour la Buée Fraiche de tes Lèvres
Dans le Luxe d'AXEL
Fièvres Rares de Crystal
Sous la Pluie Pas à Pas Nos Doigts Bleus S'Etreignant
Illustration des Calices de Bali : toute la provocation punk et les délires californiens
de Charles Manson / Bobby Beausoleil sont au rendez-vous.

Et ça continue comme ça pendant plusieurs pages. Cela sonne vraiment comme un pastiche des recueils de Michel Bulteau. Peu importe. Alain Pacadis, chroniqueur à Libération, obsédé par Berlin de Lou Reed et par le Velvet Underground en général, a signé la préface du recueil de Marc Questin. On y trouve les références habituelles (mais qui ne l'étaient pas à l'époque) au Velvet Undergound, aux Flaming Groovies, à "Rock and Roll Suicide" de David Bowie", à Marylin Monroe, à Jean Lorrain et au mouvement pré-punk. On ne peut d'ailleurs que recommander la lecture d'Un Jeune homme Chic (journal intime sur la naissance du mouvement punk en France) et de Nightclubbing (recueil de chroniques publiées sur Libération entre 1973 et 1986 - journal qui n'était pas le torchon qu'il est maintenant). La préface d'Alain Pacadis s'intitule "Paris Vamp Bleue", elle est reproduite ici intégralement.

Aujourd'hui dans cette vieille Europe, la Nostalgie de l'Age d'Or devient obsessionnelle pour quelques âmes rares et sophistiquées. En quête d'un Impossible Rêve, au creux des boas mauves et des chats angoras, la blonde troublante et platinée sirote un Cognac pour le reste de la Nuit. A l'heure du thé au "Horse", vêtue de flanelle blanche, ses rubis diaphanes comme des perles de sang éjaculées d'une seringue. Dans cette Riviéra nacrée de talent pourpre et de promenade en fiacre, toute Vie un peu Étrange était Vouée au Sublime : "La Sophistication, le goût de la Parure, transforment certains êtres décadents en personnages scéniques, en Intouchables, ceci en hommage au ciel, à la terre, à la rue." Sous l'effet de cette éblouissante piqûre de joie, Paris resourira avant de continuer sa lente et sinistre Agonie.

Délire électrique par une chaude nuit d'été. Le vert est un comme un dollar d'émeraude roulé pour un sniff, le rouge comme le sang, le noir comme les cuirs luisants se reflétant dans des taches d'huile. White light, le soleil brûle dans le désert. La fumée a jeté un voile opaque devant mes yeux, le temps a pris une cigarette / suces un doigt, puis l'autre. Et puis un demi-Mandrax dans le bazar pour avoir des fourmi dans les doigts. J'ai acheté un badge avec une tête de mort pour mettre en sticker sur mon blouson noir, la révolution psychédélique est finie... Back to teenage head ! Espace illimité, coucher de soleil, pleine lune et voiture américaine avec la stéréo K7 et frigidaire incorporé et puis une bière glacée dans le désert, oh you know I am not as strong !/...

Et il y eut un jour et il y eut une nuit. White heat. Mon blouson est plus noir que la nuit et des étoiles brillent dans le ciel ; "Stars Stars" - L'ombre de Marilyn plane sur l'Afghanistan : elle porte des bijoux afghans et un sari indien. Turquoises are the girls best friends. Je me souviens je me souviens une lueur blanche de plus en plus intense et puis un flash. Le train file à cent à l'heure à travers la campagne, la ville est endormie, les beaux métal Kids croisent les dealers les travlos et les junks en manque. Istambul dort, Mashad s'éveille / ... Une Bentley passe devant l'hôtel conduite par une panthère électrique. Costume de flanelle beige et voiture de sport, et toujours cette même musique, le vrombissement des guitares, les riffs saccadés, et les amplis saturés jusqu'à ce que ma tête explose / ..... L'ange aux cheveux blonds s'enfonce vers le ciel à la recherche du MAL dans une vertigineuse descente.

Lire le recueil intégral au Carrefour de l'Étrange.

mercredi 9 mars 2011

Bostjan Hladnik - La danse sous la pluie (1961)

Bostjan Hladnik danse pluie rain
Bosjan Hladnik, réalisateur slovène (1929-2006), a d'abord étudié à l'Académie du théâtre, du film et de la radio (AGRFT) de Lubljana avant de tourner des courts-métrages et de séjourner à Paris à la fin des années 1950. Il est alors en contact avec plusieurs personnalités de la Nouvelle Vague naissante dont Claude Chabrol et Philippe de Broca. En 1961, il réalise La danse sous la pluie (Ples v dežju), un film d'inspiration surréaliste qui fait la part belle au rêve, comme dans les films de Luis Buñuel et les livres de Raymond Roussel. Le film est d'ailleurs inspiré d'un roman de Dominik Smole, considéré comme un des plus grands auteurs slovènes modernes.

Bostjan Hladnik danse pluie rain
L'histoire est somme toute très simple : Peter, professeur des écoles, peintre à ses heures perdues, est un homme taciturne qui vit chichement et rêve de la femme idéale, tout en vivant une relation chaotique avec une femme tout aussi banale et plus vieille que lui, comédienne ratée, Marusa. Le couple vit séparément et se rencontre seulement pour les éléments essentiels d'une relation (manger, boire, fumer, baiser, se disputer). Tous les deux n'ont qu'une échappatoire à leur vie médiocre : la fuite dans les rêves et les fantasmes.

Bostjan Hladnik danse pluie rainScène de rêve : Peter en pyjama dans un rue, en pleine nuit, au milieu d'une procession de cercueils.

Bostjan Hladnik danse pluie rainMarusa, une femme de tous les jours.

Le film, en noir et blanc, illustre les talents de Bostjan Hladnik pour la mise en scène, notamment dans le passage fluide entre le rêve et la réalité. Malgré les nombreuses scènes prosaïques témoignant du désœuvrement économique et affectif des personnages principaux, Hladnik introduit une touche d'érotisme qui permet au spectateur de respirer un peu. Dans la suite de sa carrière, Bojstan Hladnik réalisera d'autres films plus marqués par l'érotisme : Erotikon (1963) et Maskarada (1971).



Ci-dessous, une scène où Peter se remémore une scène de son enfance : le jour il a surpris une prostituée se vendre à un client.

samedi 5 mars 2011

Nieuwenhuijs et Seyferth - Venus in Furs (1995)

Maartje Seyferth Victor Nieuwenhuijs Venus in Furs
Venus in Furs, la Vénus à la fourrure. Livre bien connu de Leopold Ritter von Sacher-Masoch. Une histoire de domination sexuelle bien connue. Tellement connue que l'auteur a donné son son nom à la pratique du masochisme. Un terreau bien fécond qui a engendré une des meilleures chansons du Velvet Underground, un film de Jess Franco (qui n'a d'ailleurs rien à voir avec l'œuvre de Sacher-Masoch) et un film moins connu des néerlandais Maartje Seyferth et Victor Nieuwenhuijs.

Maartje Seyferth Victor Nieuwenhuijs Venus in Furs
Maartje Seyferth Victor Nieuwenhuijs Venus in Furs
Maartje Seyferth Victor Nieuwenhuijs Venus in Furs
Une chose est sure, c'est que le Lou Reed et le Velvet Underground ont vampirisé l'œuvre de Sacher-Masoch et qu'à chaque fois que ce dernier sera cité, viendront en tête les paroles de la chanson "Venus in Furs", lacérée par le violon de John Cale, comme le corps humain peut être lacéré par les coups de fouet. Leçon musicale et éthique.

Shiny, shiny, shiny boots of leather
Whiplash girlchild in the dark
Comes in bells, your servant, don't forsake him
Strike, dear mistress, and cure his heart


Maartje Seyferth Victor Nieuwenhuijs Venus in Furs
Maartje Seyferth Victor Nieuwenhuijs Venus in Furs
Que dire de Venus in Furs de Victor Nieuwenhuijs et Maartje Seyferth ? Pas un mauvais film mais qui tourne en rond au bout de 30 minutes (le film dure 65 minutes). Les réalisateurs ont privilégié le côté esthétique au scénario. Dans un noir et blanc et des décors superbes, le film narre la soumission de Severin (André Arend van de Noord) à Wanda (Julia Braams). Mais le film est très vite vide de substance. Les décors et la beauté des acteurs ne font pas un film. Et pourtant les acteurs (au nombre de quatre) sont très beaux (André van de Noord fait penser à Joe D'Allesandro, Julia Braams a les seins lourds superbes), les décors sont sublimes (château vide et gigantesque). Mais la magie n'opère pas. On attend toujours l'adaptation ultime de l'œuvre de Sacher-Masoch. Pour se consoler, on a les livres et le Velvet Underground.


Bande-annonce de Venus in Furs de Niewenhuijs et Seyferth.

vendredi 4 mars 2011

Takashi Miike - Zebraman 2 (2010)

Takashi Miike Zebraman 2
C'est pénible d'assister à la mort lente d'un grand réalisateur. C'est à peu près ce qui se passe avec Takashi Miike depuis, au choix, 2003, 2004 ou 2005. Pour faire simple, cet excellent réalisateur n'a pas vraiment sévi positivement sur la toile blanche depuis presque dix ans. Ce qui, pour Takashi Miike, stakhanoviste de la pellicule, correspond au moins à une vingtaine de longs métrages. Depuis 2003, Miike a alterné de très bons films (Gozu et La mort en ligne), un ofni (Izo), des films moyens (Sukiyaki Western Django, God's Puzzle et Yatterman), des téléfilms (Detective Story) et des catastrophes lucratives (Crow Zero 1 et 2, merdes ultimes dans lesquelles même Klaus Kinski n'aurait pas accepté de jouer). Zebraman 2 se situe dans la lignée des films moyens... mais comme Miike est un cinéaste de renom, on dira que Zebraman 2 est un mauvais film.

Takashi Miike Zebraman 2La Zebra Police sexy : très fasciste et très zeitgeist.

Oui, c'est vraiment pénible de dire du mal de Miike tant il a fait rêver avec son chef-d'œuvre Bird People in China (1998), découvert en retard en Occident, avec ses polars vitaminés junkies, violents et scatologiques (la trilogie Shinjuku), ses délires oniriques (Dead or Alive 2) et sa parodie d'ultra-violence (Ichi the Killer). Autant de films superbes réalisés en moins de 10 ans, dans une frénésie créative, qu'on jurerait sous laudanum et sous méthédrine. Depuis cet âge d'or, Miike, qui tourne, il est vrai, sans cesse (malgré un léger calme ces trois dernières années), s'est usé, et a, semble-t-il, tourné le dos aux films de yakuzas et d'extrême violence surréaliste.

Takashi Miike Zebraman 2
Zebra Queen en voie de "pétassisation". Alain Soral appréciera.

En 2010, il y a donc Zebraman 2, suite de Zebraman (2004), histoire parodique de super-héros en plein Tokyo, renommé "Zebra City". L'histoire ? En 2010, le sauveur de l'humanité des attaques extra-terrestres, Zebraman, est capturé par des êtres malfaisants. Il se réveille en 2025, le cerveau lavé et la ville transformée : deux fois par jour, pendant cinq minutes, l'anarchie la plus totale peut régner dans la ville (meurtres arbitraires, viols. bombes au phosphore). S'ensuit étrangement (ou pas), une baisse de la criminalité de 50 % : l'histoire de la dualité entre le bien et le mal. Du mal, qui, permis dix minutes par jour, entraîne un défouloir maitrisé et impuni sur les plus faibles. Toute allusion au conflit israélo-palestinien est évidemment fortuite.

Takashi Miike Zebraman 2Luttez contre le SIDA grâce à Zebraman. CQFD.

Au final, Zebraman 2 est un film bien soporifique, avec, bien sûr, trois ou quatre scènes dignes de Takashi Miike. Ce qui reste court pour l'amateur du nippon fou. Et on craint pour la suite de son œuvre, qui relève plus de la commande de bureau que de l'intérêt artistique (13 Assassins, à suivre).


Petit extrait de Zebraman 2 : pastiche des clips salaces de Christina Aguilera.