Entre 1978 et 1995, Olivier Germain-Thomas anime l'émission "Agora" sur la radio France Culture. En plus de Kenneth White, Philippe Sollers et bien d'autres, il interroge l'écrivain méconnu Jean Parvulesco. En 1989, pour l'émission "Océaniques" diffusée par France 3, il s'entretient une nouvelle fois avec ce dernier. En 1991, Olivier Germain-Thomas publie Agora, les aventuriers de l'esprit, un recueil de 26 entretiens réalisés dans le cadre de son émission radiophonique. L'entretien le plus étrange, le plus crypté, le plus dangereux, est celui de Jean Parvulesco. En voici la chute, où le Roumain francophone livre sa vision du roman, en directe ligné de la romance médiévale. Une conception qu'il défend également dans Les Mystères de la villa Atlantis.
Jean Parvulesco repose maintenant au nouveau cimetière de Boulogne.
O G-T : Depuis La Servante portugaise, le "grand œuvre" du roman se poursuit. Jusqu'où ? Quelle vision d'ensemble avez-vous de vos romans, de la mission spéciale de vos romans dans leur succession ? Comment en êtes-vous venu au roman ? Parlez-moi de vos roman déjà parus, de vos romans en chantier, de vos romans à venir, ou qui ne viendront peut-être jamais, romance d'un long rêve prédéterminé.
Je ne sais pas si je vais pouvoir répondre à vos questions d'une manière qui soit et satisfaisante et tout à fait claire, mais je vais essayer de le faire. Suivant les conceptions originelles qui ont été, en de tous autres temps, et pour la dernière fois lors du bref ensoleillement ontologique et théologal de notre haut Moyen Âge, les conceptions hyperboréennes du printemps du cycle actuel de l'histoire occidentale de la fin, ce que vous appelez, vous, aujourd'hui, ici, le "grand œuvre" de mes romans en cours se doit d'être pensé et compris, se doit d'être vu et existentiellement poursuivi - à nouveau - en tant que Romance, dans le sens du roman, de la "romance" de la Table Ronde, dans le sens aussi du "roman amoureux" de l'embellie courtoise et des manipulations nuptiales les plus occultes des Fedeli d'Amore, des agents à couvert de la Fede Sancta.
Ainsi se fait-il que l'expérience si tragiquement aventureuse du "grand œuvre" actuellement en cours à travers certains de mes romans se pose, aujourd'hui, à son niveau le plus saisissable, à son niveau de témoignage, dans les termes d'une poursuite, d'une écriture ininterrompue du roman, en fait d'un même roman, en tout cas de la même "romance".
Roman après roman, toujours le même roman même si l'action le véhicule, son propre historial de l'être, évolue sans cesse, et toujours, aussi, la même "romance", car il n'y a pas, car il n'y a jamais eu qu'une seule et même Romance d'Amour, romance établissant les développements nuptiaux visibles et les plus clandestins aussi de l'Unique Maîtresse de l'Unique Amour, Reine d'Amour, Reine Guenièvre constituant le Pôle Ardent de la Forteresse Amour, son "cœur vivant et battant dans les profondeurs de Son Sang", où "chantera la Source du Sang, qui a déjà chanté".
Véhiculés subversivement par la même spirale prophétique, dont la montée ni le secret ne leur appartient guère, chacun de ces romans, publié ou à publier : La Servante portugaise, Les Mystères de la villa Atlantis, La Conspiration de l'Axe Majeur, Un Bal masqué à Genève, L'Hôtel Victoria, vient définir un nouveau palier de montée ontologique du témoignage d’œuvre en cours, et qui à chaque fois risque de dépasser vertigineusement, intègre nuptialement la somme des achèvements antérieurs en vue très certainement de ce Passage de la Ligne dont l'inconcevable espérance attire, porte tout en avant.
Un dernier mot. J'avais écrit, un jour, que, dans les profondeurs, la France n'est pas à proprement parler une nation, mais une conjuration, une "société secrète", le produit d'un pacte héroïque et salvateur, de prédestination et d'être eschatologique. Dans un certain sens, on peut en dire autant du roman, du grand roman occidental et de son aventure finale : le roman est en lui-même une conspiration, une société secrète d'influence et de passage, de présence charismatique au-dessus des gouffres.
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