vendredi 25 mars 2011

Jean Parvulesco - Les mystères de la villa Atlantis (1990)

Jean Parvulesco Mysteres Villa AtlantisDans Les mystères de la villa Atlantis, Jean Parvulesco publie le journal intime/roman complet de Jean Raimondi, subitement disparu à Deauville le 14 septembre 1980, fête de l'Élévation de la Croix. Disparu, semble-t-il, vers les "Indes Noires".

Les Mystères de la villa Atlantis
offrent une fameuse distribution. Parmi les personnages du roman, on trouve Jacques Bergier, Barbet Schroeder, Bulle Ogier, Frédéric Pardo, Philippe Garrel, "à la veille précisément de reprendre le tournage de son étrange Berceau de cristal, Jean-Pierre Rassam, Claude Sautet, Éric Rohmer, Jean-Pierre Mocky, Robert Bresson, Daniel Schmid, Pascal Jardin, Alain Ravennes, Philippe Sollers, Ezra Pound et François Mitterrand. Le roman est également parsemé de nombreuses citations des Évangiles, de Plotin, Ernst Jünger, Gérard de Nerval, Thérèse d'Avila, Sainte Thérèse de Lisieux, Gustave Meyrink, Eliphas Levi, Raymond Abellio, Jean-Jacques Schuhl, Dominique de Roux (forcément), Norman Spinrad, H.P. Lovecraft et Martin Heidegger. Heidegger ? "Non point le philosophe, mais le haut visionnaire qui, après l'échec de Sein und Zeit, n'a plus arrêté de s'enfoncer, comme extatiquement, dans les ténèbres ardentes de la poésie, de la plus grande poésie et des sous-bois hantés de celle-ci, par où, qui sait, parfois, l'être scintille encore dans ses traces, dans ses haleines et ses fruits sauvages".

Jean Parvulesco Ezra PoundJean Parvulesco et Ezra Pound dans les années 1970 à l'aéroport d'Orly.

Le roman débute à la librairie du Drugstore Publicis, à l'Étoile, à Paris, sur une évocation d'Approches, drogues et ivresse d'Ernst Jünger, et se termine dans le même Drugstore, par une discussion entre Jean Raimondi et Jacques Bergier, sur l'appartenance prétendue du même Ernst Jünger à la Consultante Schwarzenberg, une société nihiliste, égrégore paramaçonnique issu de groupes occultistes d'engagement bouddhiste tibétain. Entre ces deux événements fondamentaux, le lecteur se retrouve plongé dans le journal intime/roman de Jean Raimondi, dans une quête métapolitique et érotico-mystique de l'avènement du Grand-Continent Eurasiatique. Du Jean Parvulesco pur jus. A la fin de son journal, Jean Raimondi explique sa mission finale :
"J'ébauche déjà le plan de ma propre expédition secrète au Harrar, et plus loin que tout Harrar rimbaldien, vers les "Indes Noires" de l'Être blanc et noir entrevu par Nerval quand il avouait que cette nuit-là, pour lui, la nuit sera "blanche et noire", vers l'Antarctique en suprême auto-blanchissement à laquelle était venue aboutir la fugue ontologique d'Arthur Gordom Pym".

Claude Sautet © Les Grands Films Classiques / François Darras.

Tout comme Frédéric Pardo et Barbet Schroeder, Claude Sautet est l'une des personnalités secondaires - en réalité primordiales - du roman. Jean Raimondi - Jean Parvulesco - se fend d'ailleurs d'un vibrant hommage de plusieurs pages sur le cinéma de Claude Sautet, "génialement bâti comme une interrogation à peine dissimulée sur ce que l'on pourrait appeler, avec les mots pourissants d'aujourd'hui, l'impossibilité du mariage" :
Comme dans le livre de Malcolm Lowry, la vraie vie, la vie encore et toujours vivante de Claude Sautet ne se passe qu'"au-dessous du volcan", dans la fournaise occulte de ce qui s'interdit de connaître l'interdit et la honte des choses qui se donnent à voir sous le jour de leur propre impuissance, des chemins sans retour de l'oubli de l'être. La profonde, l'irrémédiable, la vertigineuse et si bele tristesse du cinéma de Claude Sautet est la tristesse même de l'existence séparée, de l'existence ayant perdu jusqu'au souvenir même du Yihud et du souvenir sans souvenir de ses chairs vivantes et adorantes.

Autre moment alléchant, le réveillon 1979-1980 chez Alain Ravennes, en compagnie de Robert Bresson et Philippe Sollers :
A minuit, Philippe Sollers met le feu, et brûle, dans un plateau d'argent, et quelle délicieuse flambée bleuâtre, diabolique, une épaisse liasse de billets de 500 francs, "pour humilier, rabaisser, injurier le Veau d'Or dans ses matières mêmes, pour, l'espace d'un instant, rompre la chaîne".

Jean Parvulesco.

Jean Parvulesco profite de ce roman pour donner, une fois de plus, son idéologie du roman occidental. Attention, il s'agit d'une seule et même phrase :
Je suis persuadé que tout grand roman ne saurait parler de rien d'autre que du secret même du roman, du dévoilement tour à tour conçut suivant la plus extrême, la plus brutale des violences et, aussi, et en même temps peut-être, tout à fait virginalement, j'entends le dévoilement à n'en plus finir du secret du roman en tant qu'essence même du roman, tout roman n'étant en vérité que le roman de la naissance éternelle du roman, du seul roman, ou, plus clairement, plus tragiquement dit de la Seule Romance, dévoilement de l'être intérieur, de la forme intérieure du roman, de sa forme absolument occulte, du roman dans ses gouffres mêmes, et je parle au singulier - je dis le roman - parce que tous les romans occidentaux ne font qu'un seul roman, mouvement indéfiniment repris de sa propre forme première et celle-ci ayant virginalement émergé avec le roman - la romance - du Cycle Arthurien, où la Reine Guenièvre est Marie - c'est bien ce que j'appelle la forme absolument occulte du roman - et toutes ses Dames de Compagnie ne sont que ses remplaçantes existentielles, conduisant, toutes, suivant la mise en structure sérielle de leurs noms voilés, de leurs souffles, de leurs corps appelés à l'œuvre, de l'entaille et de la fournaise philosophiques de leurs sexes à la fois éperdument scellés, éperdument entrouverts et utiles, conduisant, dis-je, toutes, vers le Lieu Unique en Marie, où "veille le Graal", l'être même de l'Unique et son Reflet, ce Reflet étant Marie et leur rapprochement, lui, la Romance, la Seule Romance.
Voir également :
Nicolas Bonnal et Jean Parvulesco
Dominique de Roux par Jean Parvulesco
Jean Parvulesco - Rapport secret à la nonciature (1995)

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