Publié en 1929, Colombine ou la grande semaine est le premier roman de Pierre de Régnier (1898-1943). L'auteur avait certes déjà publié quatre ouvrages: les recueils de poésie Erreurs de Jeunesse (1924) et Stances, instances et inconstances (1926), Deauville (1927) et l'étude mœurs La Femme (1928). Dédié à son "père" Henri de Régnier, Colombine s'ouvre par l'avant-propos suivant:
Je m'excuse, bien qu'ayant "moins de trente ans", d'en avoir attendu vingt-neuf pour publier mon premier roman, au lieu de l'avoir fait à dix-huit ans, comme tout le monde. Peut-être malgré cela n'en sera-t-il pas meilleur. Mais que le lecteur n'aille surtout pas s'imaginer de trouver ici des "souvenirs de jeunesse", des "incertitudes" ou quelque chose dans le genre d'une auto-biographie. Je présente timidement, à une époque où les jeunes filles passent pour être redoutables, et la vie mondaine absolument dépravée, une petite histoire bien chaste, un tant soit peu ridicule, et complètement démodée.Mes personnages, qui paraîtront antédiluviens aux générations qui me suivent immédiatement, et d'une banalité totale à celles qui me précèdent, vivent malgré cela dans le temps présent ; mais on a trop médit de l'adolescence moderne pour que les personnes qui ne vont pas inventer le mal où il n'y en a point ne soient pas indulgentes, d'un bout à l'autre de la microscopique aventure, à ma pauvre Colombine...
Colombine et Pierrot, personnages issus de la Comedia dell'arte au XVIIe siècle. Pierre de Régnier nous présente la Colombine des années 1920.
Colombine narre une semaine de la vie amoureuse de Bernard de Geonssac, vingt-deux ans, entre ses après-midis à l'hippodrome, ses apéritifs chez des marquises, ses cuites à Pigalle et son amour pour Colombine, dix-sept ans et nouvelle recrue du Paris mondain. Moins dépravé qu'Une vie de Patachon (second roman publié en 1930, voir ici), Colombine est même très chaste et bon enfant. Le flirt remplace les coucheries.
Court portrait psychologique de Colombine :
"Colombine, si elle n'avait pas encore toutes ses dents de sagesse, possédait encore toutes ses illusions ; Colombine était insupportable et délicieuse, Colombine avait l'air de ne rien ignorer de l'existence, tout en ignorant presque tout, ce qui lui donnait le sens pratique, Colombine était vierge, ce qui est rare, et malgré cela Bernard de Geonssac se sentait très amoureux de Colombine."
Pierre de Régnier, comme à son habitude, révèle un côté comique et dérisoire. Voir ce dialogue entre Bernard et Colombine :
[Bernard] - Je vous donne ma parole d'honneur que je n'ai rien à voir dans la vie privée de Mme Daurange...
[Colombine] - Mais couchez avec elle, mon garçon !... ça m'est égal... d'ailleurs, ça ne me regarde pas... je n'ai aucun droit sur vous...
- Mais, Colombine, vous ne voyez donc pas que je vous aime...
- Oh ! je vous en prie, pas de grands mots !... Je vous plais physiquement, ça oui... je ne suis pas une tourte ; je sais très bien que suis jolie... seulement, il n'y a rien à faire, vous m'entendez ?... Rien - à - faire... alors vous vous rabattez sur Suzanne...
Il y eut un temps ; puis elle dit, d'une voix adoucie:
- Au fond, vous êtes dans le vrai...
Le reste est à l'avenant.
Colombine ou la grande semaine n'a jamais été réédité.
1 commentaire:
Miracle d'Internet : quelqu'un qui écrit (et bien) sur Pierre de Régnier. Je viens de terminer Colombine : épatant !
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