Pulgasari est à ce jour le film le connu produit en Corée du Nord. Ironie du sort : cette adaptation de Godzilla est l’œuvre d'un Sud-Coréen : Shin Sang-ok, enlevé par les autorités nord-coréennes en 1978.
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Pulgasari au milieu des drapeaux rouges. Vive la révolution ! |
Pulgasari raconte le soulèvement d'un peuple contre son roi et son système féodal inégalitaire. Armés de simples fourches et de marteaux, les insurgés reçoivent l'aide providentielle de Pulgasari, un monstre qui se nourrit de métal : plus il mange de métal, plus il grandit, jusqu'à devenir un géant invincible. Outre ce monstre gentil,
Pulgasari met en scène plusieurs figures de martyrs de la révolution des masses : Takse, un vieux forgeron, sa fille Ami, et Inde, futur époux celle-ci. Ces personnages jouent tous les trois un rôle essentiel dans la lutte contre le roi. Takse créé le totem de Pulgasari qui prendra au contact du sang d'Ami, tandis qu'Inde est l'initiateur de la rébellion populaire. Le rôle de la femme étant très élevé dans la mythologie nord-coréenne, c'est Ami qui sera le martyr final, en se suicidant et en "tuant" Pulgasari, pourtant principal acteur de la victoire populaire.
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Inde : le fougueux rebelle. |
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La belle Ami qui n'hésite pas à se sacrifier pour le bien commun. |
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Le roi dégénéré et ses signes ostentatoires de richesse. |
Pulgasari, toujours plus gourmand en métal, mettait le peuple en danger : sans métal, le peuple ne peut pas fabriquer d'outils pour la chasse et la récolte et se voit obliger d'attaquer les peuples voisins pour s'en procurer. Libérateur du peuple, Pulgasari est également une menace pour la paix. Tuer délibérément un héros de la révolution ? Une fin qui a de quoi étonner. Le spécialiste du cinéma de Corée du Nord, Johannes Schönherr, explique que toutes les révoltes médiévales échouent car selon l'histoire officielle, chaque révolution a échoué jusqu'à l'arrivé d'un grand chef rassembleur, en l’occurrence Kim Il-sung. Au final,
Pulgasari est un film correct, semblable à son modèle
Godzilla. D'ailleurs, la personne qui enfile le costume de Pulgasari est Kenpachiro Satsum, un Japonais qui a déjà joué Godzilla pour plusieurs films des studios Toho.
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Peine de mort sans procès pour Inde. |
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Pulgasari décide de rejoindre le peuple contre le roi. |
Shin Sang-ok (1926-2006) fut un réalisateur prolifique : plus de soixante-dix films - mais il est surtout connu pour ses années passées en Corée du Nord. En juillet 1978, sur ordre de Kim Jong-il, Shin Sang-ok est enlevé. Six mois avant cet événement, c'est l'actrice et ex-femme de Shin Sang-ok, Choi Eun-hee, qui avait été enlevée ! Tous deux se retrouvent donc en Corée du Nord. Sur un conseil de Kim Jong-il, le couple se remarie. Le projet de Kim Jong-il est de faire réaliser des films de propagande de meilleure qualité par Shin Sang-ok et de faire de Choi Eun-hee une star internationale. Entre 1983 à 1986, Shin Sang-ok a réalisé sept films et en a produit treize. Il profita d'un voyage d'affaires à Vienne pour fuir aux États-Unis. Lors de sa période nord-coréenne, Shin Sang-ok a eu carte blanche : création d'un studio, budgets à rallonge, acteurs, innovations technologiques, invitations de spécialistes étrangers et tournages en Europe de l'Est.
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Pulgasari quand il n'a pas encore mangé beaucoup de métal. Kawaï. |
En 1984, Shin Song-ok a ainsi réalisé le premier film nord-coréen tourné à l'étranger (en Tchécoslovaquie) :
An Emissary of No Return, tiré d'un livre (prétendument) écrit par Kim Il-sung lui-même. qui, raconte l'histoire de trois émissaires coréens participant à la Seconde conférence de La Hay, en 1907, pour dénoncer la colonisation de la Corée par le Japon. Mécontent du résultat, Shin Song-ok laissa à Choi Eun-hee les crédits de réalisateur du film. Les autres réalisations de Shin Song-ok sont
Love, Love, my Love (1984),
Runaway (1984),
Salt (1985),
The Tale of Shim Chong (1985) et
Pulgasari (1985).
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Pulgasari très énervé contre la propriété privée. |
En 1986, Kim Jung-il envoie le couple sud-coréen en mission en Europe pour promouvoir le cinéma de Corée du Nord aux festival de Berlin, de Cannes et de Vienne. C'est donc à Vienne que le couple se réfugie à l'ambassade des États-Unis pour demander l'asile politique. Sous le nom de Simon Sheen, il réalisera quelques films de ninja pour enfants. Il était mieux traité en Corée du Nord qu'à Hollywood !
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