En 1978, en pleine vague nippone du "film de viol", Koji Wakamatsu réalise Serial Rapist ou The Violent man who attacked 13 people - Le Démon de la violence en français. Wakamatsu n'est pas étranger à ce genre cinématographique particulièrement vivace au Japon mais rare en Occident. Au États-Unis, Wes Craven et Meir Zarchi s'y sont essayés avec The Last house on the left en 1972 et I Spit on your grave en 1978, à la différence près et majeure que le "film de viol" japonais est rarement un film de vengeance après viol, ce qui est le cas pour les deux films ici cités. Au contraire, il suit les pérégrinations sadiques de violeurs en série. Pour en revenir à Wakamatsu, le moins qu'on puisse dire, est que le viol est un de ses thèmes de prédilection. Les titres de ses films sont assez explicites : Les Anges violés (1967) Sombre histoire d'un violeur japonais 1 et 2 (1967), Vierge violée cherche étudiant révolté (1969), Histoire contemporaine du viol au Japon (1972) ou le sulfureux pseudo-documentaire Viol ou sexe avec consentement ? (1974). La liste est encore longue mais épargnons-nous cette peine.
Femme flic violée et séquestrée. Joey Starr, propriétaire d'un appartement et d'une voiture de luxe, est choqué.
En 1978, Wakamatsu, bien qu'indépendant, est connu dans le cénacle cinématographique. Si le terme de famille du cinéma a un sens, disons que Koji Wakamatsu est un peu le demi-frère honteux qu'on invite en rechignant au repas de famille annuel. Moins prolifique que dans les années 1960, il n'en tourne pas moins de 3 à 5 films par an, avec des budgets très limités. Serial Rapist ou L'Homme qui attaqua 13 personnes rassemble les thèmes chers à Wakamatsu et reprend la théorie du paysage, établie en 1969 avec Masao Adachi et Nagisa Oshima, en pleine période de militantisme gauchiste (Masao Adachi finira auprès de terroristes en Palestine, en lutte contre l'impérialisme et le sionisme). Lire la chronique du film sous-estimé Il est mort après la guerre de Nagisa Oshima pour plus de renseignements. Mais disons que dans la théorie du paysage, l'environnement façonne l'identité personnelle et politique de la personne, en même temps qu'il l'aliène.
L'histoire de Serial Rapist ou L'Homme qui attaqua 13 personnes ? Les titres alternatifs du film sont explicites sur la marchandise. Un type paumé, salopette bleue, T-shirt rose et quinze kilos en trop, parcours la ville à bicyclette et viole au hasard les femmes qu'il rencontre. En 58 minutes, ce ne sont pas 13 mais 11 viols qui ont lieu. Le début du film rappelle étrangement celui de Secrets behind the wall (1965) : des plans sur des immeubles uniformes suivis d'une scène intimiste en appartement.
Le violeur en série agit sans états d'âme. Après un premier méfait, il aborde une peintre du dimanche qui peint le paysage d'une usine industrielle dégageant de la fumée (pas de taxe carbone à l'époque, le rêve industriel !). Dialogue :
"Qu'est ce que tu peins ?
- Le paysage. C'est magnifique, n'est-ce pas ?
- Ne te moque pas de moi, ce n'est pas du tout magnifique !"
A bout de nerf, oppressé, agressé, l'homme se jette sur la pauvre femme, l'abat d'un coup de revolver et la viole. Un viol nécrophile, donc. Ce ne sera pas le dernier.
Parmi les malheureuses proies du violeur en série, on dénombre :
- une femme flic. Le violeur, après l'acte : " Tu n'étais pas vierge. Je pensais que toutes les femmes flics étaient vierges."
- Une jeune fille peu farouche abordée dans la rue. Le violeur, pendant l'acte : "c'est ta faute, tu n'étais pas obligée de me suivre."
- Un couple en pleine coucherie dans leur appartement. Après avoir violé la femme devant le mari puis les avoir abattu, le violeur placarde, écrit avec du sang, le mot "N'oubliez pas de fermer votre porte"."
- Une femme ivre suicidaire. Le violeur : "Tu veux vraiment mourir ?"
- Une femme sauvée par le violeur d'une tentative de suicide. Le violeur : "Tu ne mérites pas de vivre."
- Deux couples en pleine nature. Le violeur : "Ne vous exhibez pas !"
- Une aveugle. Le violeur, après son méfait : "Pourquoi tu n'as pas appelé à l'aide ?"
Jamais au cours du film, le violeur ne donne d'explication à sa subite pulsion de viols et de meurtre. Seulement peut-on invoquer la théorie du paysage et l'aliénation du personnage. Nombreux sont d'ailleurs les plans de bateaux, d'avions, de voitures, de voies de communication, comme on dit, alors que le personnage, désespéré au possible, roule en bicyclette sur des routes désertes. Fin de billet façon dissertation ou quotidien français merdique : et si le viol était politique ? Vite, un débat national.
Comme le titre du billet peut le laisser penser, certaines scènes sont susceptibles de choquer la sensibilité de certaines personnes.
Ci-dessus, le début du film qui rappelle donc le début de Secrets behind the wall du même Koji Wakamatsu, treize ans plus tôt.
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