vendredi 8 janvier 2010

Paul Claudel et la menace anarcho-bolchévique au Japon

Paul Claudel, à l'instar de Joachim du Bellay et de Dominique de Villepin (Éloge du voleur de feu, forcément !), fut à la fois diplomate français et poète. Il excella dans les deux domaines. Entre 1921 et 1927, il fut le représentant de la France au Japon. Quand on pense à ce qu'est la diplomatie aujourd'hui, on croit rêver... mais ceci est une autre histoire. Le 28 février 1922, Paul Claudel adresse au gouvernement français une lettre qui met en exergue la réduction de l'armée japonaise, la question du suffrage universel et la répression du bolchévisme et de l'anarchisme.

Paul-Claudel-Japon
Des gagne-petits pleurent aujourd'hui la mort de Philippe Seguin. Certes. Moi je pleure depuis toujours la mort de Paul Claudel, grand penseur, poète et théologien français.

La répression des bolchéviques et des anarchistes est une question en vogue au Japon, quelques années après la guerre russo-japonaise. Lire les billets consacrés à Osugi Sakae pour s'en rendre compte, puisque ce penseur anarchiste fut tout simplement assassiné illégalement par l'armée nippone quelques jours après le tremblement de terre du 1er septembre 1923. Dès février 1922, la montée des mouvements bolchévique et anarchiste (très différents mais à l'époque, toute menace du pouvoir se confond) inquiète le pouvoir impériale japonais. Voila ce qu'en dit Paul Claudel :

Osugi-Sakae-Kiju-YoshidaOgusi Sakae dans le film Eros + Massacre de Kiju Yoshida. Assassiné par les militaires nippons en 1923 de façon illégale et cruelle.

"Enfin une mesure qui donnera probablement lieu à des discussions passionnées est le projet de loi déposé par le Gouvernement contre les menées anarchistes. Non content des armes qu'une loi draconienne sur la presse lui donnait déjà, il a déposé un bill en six articles dont la teneur est à peu près la suivante : Toutes personnes qui sont engagées dans la propagande du communisme, du bolchévisme, de l'anarchisme et autres principes contraires à la constitution ou qui forment des associations secrètes ou qui se livrent à des démonstrations ou qui convoquent des réunions dans le but de mettre en pratique les idées indiquées ci-dessus, seront punies de 7 à 10 années de servitude pénale ou d'emprisonnement, et ceux qui donnent ou reçoivent de l'argent pour la dite agitation seront punis conformément aux stipulations de la présente loi.

On voit toute l'étendue qu'une magistrature ou une police zélée peuvent donner à des délits définis d'une manière aussi vague. Tout fait penser que le Japon dont le commerce extérieur décline d'une manière effrayante et dont les débouchés les plus précieux sont en train de se fermer par suite du relèvement insensé du coût de la production locale, est à la veille d'une crise économique et peut-être sociale extrêmement sérieuse et le Gouvernement tient à prendre ses précautions dans la prévisions de cette éventualité."

Le tremblement de terre de 1923 : 1945, les radiations en moins. Une catastrophe qui n'empêcha pas les événements dramatiques de la seconde guerre mondiale et le viol sauvage de la Chine.

Le tremblement de terre terrible de 1923 et l'état d'urgence (des villes complètement détruites et une répression militaire féroce - voir le cas dramatique d'Osugi Sakae) empêchèrent cette révolte sociale. Le Japon connaîtra ses premières révoltes après la fon de la seconde guerre mondiale et l'arrivée des États-Unis sur le sol nippon, véritable terreau à l'insurrection. Mais ceci est une autre histoire.

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