lundi 2 mars 2009

Nagisa Oshima - Il est mort après la guerre (1970)


Mondialement connu pour son magistral L'Empire des Sens, Nagisa Oshima réalisa en 1970 un film non moins magistral, dans un noir et blanc superbe: Il est mort après la guerre, également connu sous le titre de The Man Who Left His Own Film bien que la traduction littérale du titre japonais soit The Secret Story of the Time after the War of Tokyo. Quoi qu'il en soit...

Nagisa Oshima, six ans avant L'Empire des Sens... Troublant n'est-ce pas ?

Ce film est un peu le Blow Up japonais. A la fin des années 1960, dans un Japon exposé aux manifestions étudiantes et à l'activité grandissante de partis communistes révolutionnaires, un groupe d'étudiants décide de propager la révolution à travers leurs films. Lors d'une manifestation, un des leurs, Endo, échappe à la police en possession de sa caméra. Il est suivi par Motoki. Mais Endo quitte subitement Motoki. Ce dernier tente de le poursuivre mais perd sa trace. Un peu plus loin, Motoki aperçoit Endo sur le toit d'un immeuble. Il se suicide. La police arrive sur les lieux et Motoki essaie de s'emparer de la caméra laissée par Endo. La police la reprend de force. Motoki n'a qu'une idée en tête: voir ce qu'a filmé Endo. Qui y a-t-il sur la pellicule pour la police s'y intéresse ?

Mais Motoki a-t-il vraiment vu Endo se suicider ? Motoki est-il un affabulateur ou un schizophrène ? Motoki récupère très vite le film d'Endo, en quelque sorte son testament. Il n'y voit que des paysages, des rues vides, des autoroutes... Des images bien loin de diffuser les idées de la révolution. Endo était-il fou ? Avait-il perdu la foi du prolétariat ? Endo existe-t-il ? Pour découvrir la signification du film, Motoki interroge Yasuko, la petite amie d'Endo. Une relation spéciale va s'instaurer entre eux...

La caméra d'Oshima a beau dévisager ses acteurs, leurs sentiments et leurs pensées restent impénétrables.

En 1970, Nagisa Oshima fréquente les cinéastes Koji Wakamatsu et Masao Adachi. Proches de l'extrême gauche, ils veulent diffuser un cinéma révolutionnaire et politique comme Jean-Luc Godard en France. Masao Adachi, scénariste de plusieurs films de Koji Wakamatsu (dont Quand l'embryon part braconner - interdit au moins de 18 ans lors de sa rediffusion en France en 2007 - ou Sex Jack) créé à cette époque sa théorie des paysages. Selon lui, l'environnement façonne l'identité personnelle et politique de l'individu. De plus, le pouvoir oppresseur de l’État se manifeste dans l'environnement le plus quotidien. Il est mort après la guerre illustre cette théorie. En 1971, Masao Adachi délaisse le cinéma et rejoint l'Armée Rouge Japonaise, un groupuscule armé. Il militera ensuite pour la cause palestinienne.



Ci-dessus, une scène d'un érotisme rare. Motoki projette le film d'Endo tandis que Yasuko se déshabille et utilise son corps comme écran. Par le cinéma et la pellicule, elle entre en communion avec l'art et la pensée d'Endo. Bien vu. A noter, pour terminer, qu'Oshima utilise fréquemment les plans rapprochés, les plongées et les contre-plongées. Le traitement du son est lui aussi particulier. Oshima alterne les silences, les bruits de pas, les bruits de la circulation des voitures ou une musique chill qui rappelle le Grateful Dead.

Pour terminer, cette question: David Lynch a-t-il vu ce film avant de réaliser Lost Highway ? Si oui, l'hommage de Lynch est touchant, si non, le hasard fait bien les choses. Ceux qui verront le film d'Oshima comprendront...

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