Article de Lucien Doublon sur le film La Roue d'Abel Gance, publié le 22 novembre 1922 dans Cinémagazine. Critique dithyrambique s'il en est. La Roue est même préférée à J'accuse, ce monument pacifiste. Une époque où le cinéma français rivalisait et surpassait le cinéma américain.
Voici certainement le plus grand effort d'art cinématographique qui ait été tenté à ce jour en France, et Abel Gance nous a prouvé avec La Roue qu'il pouvait se montrer supérieur à lui-même et que son J'accuse pouvait être surpassé.
Pourtant j'ai entendu, à la sortie de la présentation, au Gaumont-Palace, un concert de critiques (au fait, était-ce bien un concert ?). Critiques qui venaient précisément de ceux-là même qui, à l'intérieur, avaient applaudi et crié au miracle ! Étrange effet de l'air de la rue Caulaincourt sur un cerveau de cinéaste !
[...] Non seulement à nous autres, ses compatriotes, il nous donne de frappantes leçons, mais il prouve aux Américains qu'il leur ai bien supérieur, en tout. Reconnaissons-le, Abel Gance est le maître incontesté, il faut s'incliner et j'avoue que j'éprouve une certaine joie à le faire.
Et parlons un peu maintenant, si vous le voulez bien, de ce film que Gance intitule La Roue, tragédie des temps modernes. Le scénario a été conçu par l'auteur et animé sous sa direction, est magnifiquement long, un peu trop long à mon gré. Il se divise en six parties de 1.500 mètres chacune, soit, au total 9.000 mètres que les directeurs devront passer à raison d'un chapitre par quinzaine.
Deux chapitres et le prologue nous ont été présentés jusqu'ici. Tout y est remarquable. Le découpage est admirable, et l'action telle, qu'elle vous saisit, vous enveloppe, s'empare de vous entièrement, au point de vous étreindre jusqu'à l'angoisse.
Nous assistons même à une catastrophe de chemin de fer qui est bien la chose la plus effroyable, la plus cruellement "vivante" qui soit, foi de vieux journaliste.
Nous sommes étreints encore par une lutte formidable qui met aux prises, au bord d'un précipice, Pierre Magnier et G. de Gravone.
Quant aux interprètes, qu'en dire ?
Abel Gance, amoureux de son sujet, ne pouvait s'entourer que d'artistes judicieusement choisis. En tête vient le regretté Séverin-Mars [décédé à la fin du tournage ndt], que La Roue nous fera regretter davantage encore. Quel bel acteur, d'une si émouvante conscience ! De Gavrone à toute la jeunesse voulue par l'auteur pour incarner ce fils de mécanicien rêveur, et Miss Ivy Close est la plus touchante rose du rail qu'il eût été possible de rêver. Térof, dans un rôle pittoresque de chauffeur, se classe parmi les vedette de l'écran.
J'attends avec impatience la suite. Et je crois que cette fois le cinéma français possède son "monument".
Pourtant j'ai entendu, à la sortie de la présentation, au Gaumont-Palace, un concert de critiques (au fait, était-ce bien un concert ?). Critiques qui venaient précisément de ceux-là même qui, à l'intérieur, avaient applaudi et crié au miracle ! Étrange effet de l'air de la rue Caulaincourt sur un cerveau de cinéaste !
[...] Non seulement à nous autres, ses compatriotes, il nous donne de frappantes leçons, mais il prouve aux Américains qu'il leur ai bien supérieur, en tout. Reconnaissons-le, Abel Gance est le maître incontesté, il faut s'incliner et j'avoue que j'éprouve une certaine joie à le faire.
Et parlons un peu maintenant, si vous le voulez bien, de ce film que Gance intitule La Roue, tragédie des temps modernes. Le scénario a été conçu par l'auteur et animé sous sa direction, est magnifiquement long, un peu trop long à mon gré. Il se divise en six parties de 1.500 mètres chacune, soit, au total 9.000 mètres que les directeurs devront passer à raison d'un chapitre par quinzaine.
Deux chapitres et le prologue nous ont été présentés jusqu'ici. Tout y est remarquable. Le découpage est admirable, et l'action telle, qu'elle vous saisit, vous enveloppe, s'empare de vous entièrement, au point de vous étreindre jusqu'à l'angoisse.
Nous assistons même à une catastrophe de chemin de fer qui est bien la chose la plus effroyable, la plus cruellement "vivante" qui soit, foi de vieux journaliste.
Nous sommes étreints encore par une lutte formidable qui met aux prises, au bord d'un précipice, Pierre Magnier et G. de Gravone.
Quant aux interprètes, qu'en dire ?
Abel Gance, amoureux de son sujet, ne pouvait s'entourer que d'artistes judicieusement choisis. En tête vient le regretté Séverin-Mars [décédé à la fin du tournage ndt], que La Roue nous fera regretter davantage encore. Quel bel acteur, d'une si émouvante conscience ! De Gavrone à toute la jeunesse voulue par l'auteur pour incarner ce fils de mécanicien rêveur, et Miss Ivy Close est la plus touchante rose du rail qu'il eût été possible de rêver. Térof, dans un rôle pittoresque de chauffeur, se classe parmi les vedette de l'écran.
J'attends avec impatience la suite. Et je crois que cette fois le cinéma français possède son "monument".
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