En 1920, après plusieurs années à cachetonner chez Gaumont comme acteur et scénariste, le belge Jacques Feyder commence le tournage du film à grand spectacle, L'Atlantide, tiré du roman à succès du même nom de Pierre Benoît, publié juste à la fin de la Première guerre mondiale. Pierre Benoît a beaucoup inspiré les réalisateurs puisque L'Atlantide a été adapté six fois, Koenigsmark quatre fois, et La Châtelaine du Liban trois fois. L'Atlantide, le film de Jacques Feyder, fut un grand pas dans le cinéma français : le film, d'une durée de 2h40, coûta 1,8 million de francs de l'époque, une somme alors jamais dépensée pour un film. Quand le film fut terminé, la publicité l'annonça sous le slogan : Seul un homme a osé ! illustré d'une photographie de Jacques Feyder en casque colonial. Fait original : le film a entièrement tourné dans des lieux naturels, en Algérie, pendant huit mois, de février à octobre 1920.
Prise de vue en plein air à Paris...
... et dans le désert algérien.
Le scénario de L'Atlantide est simple mais regorge de détails d'intrigues secondaires : deux officiers français, Morhange (Jean Angelo) et Saint-Avit (Georges Melchior), se perdent dans le Sahara et finissent par arriver au cœur du Hoggar dans le fabuleux palais où vit l'impératrice de l'Atlantide, l’énigmatique Antinéa (Stacia Napierkowska), qui règne sur un peuple de touareg. Elle les a attirés là pour en faire ses amants. Elle a l'habitude de les tuer après usage, et conserve leurs cadavres, soigneusement embaumés, dans une salle spéciale. Ensorcelé par Antinéa, Saint-Avit tue son rival Morhange, puis s'enfuit du palais. Mais épris d'amour pour Antinéa, il n'a qu'un désir, retourner s'asservir auprès d'Antinéa.
Morhange hilare et détendu sous l'effet du hachich.
Le lieutenant Massard désespéré sous l'effet de l'opium.
L'Atlantide fut un grand succès. Dans son Histoire générale du cinéma, Georges Sadoul estime que de 1921 à 1932, Atlantide a "probablement été vu par 10 ou 15 millions de personnes, chiffre vraiment exceptionnel dans le cinéma français de cet époque". Le film connut pourtant quelques critiques. Si tout le monde s'accorda à louer la beauté des prises de vue en décor naturel, les décors du palais d'Antinéa et le jeu d'actrice de Stacia Napierkowska (Antinéa) furent critiqués. George Sadoul remet même en question le physique de l'actrice et son "corps singulièrement alourdi par l'abus des loukoums et des couscous". Sympathique. Aujourd'hui, les décors un peu surannés et le jeu excessif de l'actrice principale ne choquent plus le spectateur, qui reste par contre émerveillé des plans en décors naturels, superbes. L'Atlantide a donc très bien vieilli.
Morhange et Antinéa.
Le 15 mai 1923, dans la revue Ciné-Miroir, Napierkowska revint sur les conditions du tournage :Nous sommes restés cinquante jours à Touggourt, avec les Touaregs et leurs méhara, et l'on peut se rendre compte par quelques détails des difficultés que rencontra le grand metteur en scène qu'est Jacques Feyder. Les bandes de méhara, par exemple, devaient évoluer, combattre ou défiler dans le champ de prise de vues juste au moment précis où l'action comportait leur apparition.
Or, dans l'immensité du désert, le champ visuel embrasse parfois des étendues de plusieurs kilomètres. Ordinairement, dans ce cas, on se sert d'appareils téléphoniques en campagne, reliant les différents groupes avec les metteurs en scène. Mais il était impossible d'utiliser ces appareils, parce que la chaleur du sable où reposait le fil était telle qu'elle faisait fondre la couche isolante, et le courant se perdait dans le sable. il fallait utiliser des estafettes à cheval ou des signaux optiques, et nous étions souvent obligés de recommencer plusieurs fois les mêmes scènes, en plein Sahara, par 45° de chaleur à l'ombre.
Petite publicité pour Guerlain.
Ci-dessous, la scène de l'Atlantide où Saint-Avit assassine son ami Morhange, sous l'effet néfaste de la drogue et du charme d'Antinéa.
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