jeudi 13 novembre 2008

Une introduction à Jess Franco, acte 1

Ceci est une étude consacrée au réalisateur espagnol Jess Franco. Ce texte a fait l'objet d'une allocution universitaire à Rennes 2, le 12 novembre 2008, grâce à l'enthousiasme et l'implication fervente du professeur Laurey Braguier. Merci à lui de faire connaître l'œuvre de Jess Franco.


Jess Franco est un réalisateur très controversé, raillé par les tenants d’un cinéma élitiste et adulé par les cinéphiles amateurs de cinéma fantastique et de série B. Depuis quelques années, il est de plus en plus fréquent de prendre au sérieux et de réhabiliter le cinéma de Franco. Ses films sortent en DVD et les cinémathèques organisent rétrospectives et hommages à l’Espagnol. L’hommage le plus significatif est la rétrospective de la Cinémathèque Française en juin 2008. 66 films dont des inédits furent projetés et Jess Franco lui-même vint s’entretenir avec le public.

Franco évolue depuis les années 50 dans les marges de la production mondiale mais a réussi le tour de force de réaliser près de 200 films. Le nombre exact de ses films est difficile à déterminer pour trois raisons.
Premièrement, Franco a utilisé plusieurs pseudonymes donc les plus connus sont David Khunne, Franco Manera, Pablo Villa, Clifford Brown ou James Lee Johnson (ces deux derniers, noms de jazzmen célèbres, montrant la passion de Franco pour la musique). Il a soit choisi ces pseudonymes soit pour ne pas rendre les autres metteurs en scène jaloux de sa prolixité, soit parce qu'ils lui ont été imposés par les nombreux producteurs qui ont croisé sa route (en France, en Italie ou en Allemagne).
Deuxièmement, un même film peut avoir plusieurs titres, au gré des pays ou, plus récemment, au gré des rééditions en DVD. Succubus est ainsi le titre américain de Necronomicon.
Troisièmement, il existe plusieurs versions d’un même film. En 1973, La Comtesse Noire devient tour à tour La Comtesse aux Seins Nus puis Les Avaleuses, le film contenant sous ce dernier titre des inserts pornographiques non voulus par le réalisateur. Dans les années 70, beaucoup de films de Franco existent au moins en 3 versions. Une version « director’s cut » s'il on peut dire, une version « producteur » pour alimenter le marché pornographique et des versions courtes, pour l’Espagne par exemple, où les plans de nus sont supprimés. Aussi, Franco n’hésite pas reprendre un ancien film, à retourner quelques scènes supplémentaires puis à remonter le tout pour créer un nouveau film. Ainsi, Exorcisme et Messes Noires en 1974 devient Le Sadique de Notre-Dame en 1979.

La brune Lina Romay, muse de Jess Franco: elle n'a pas la langue dans sa poche.

Malgré toutes ces particularités propres au cinéma d’exploitation, Franco est un véritable auteur qui a développé un style. Si vous regardez 5 ou 6 films, vous remarquerez par exemple l’usage de très gros plans et de flous.

Notre étude se déroulera en trois points. Je précise que cela n’aura rien d’exhaustif. L’œuvre de Franco est trop vaste pour l’étudier dans ses moindres détails. Toutefois, on peut en esquisser les contours. Nous verrons dans un premier temps, les premières années de Franco cinéaste, de la fin des années 50 au milieu des années 60, où il développe un cinéma de genre avec des films d’horreur, des films d’aventure et des film d’espionnage. Nous dresserons ensuite un état des lieux du cinéma sous le régime franquiste et les raisons qui ont poussé Jess Franco à s’exiler , pour continuer une œuvre de plus en libre et de plus en plus expérimentale. Enfin, nous aborderons le cinéma de Jess Franco depuis les années 70, naviguant entre érotisme, fantastique et pornographie, et qui semble raconter toujours les mêmes histoires.

Klaus Kinski dans la peau du Marquis de Sade. L'Allemand fou est aussi présent dans Venus In Furs, Les Nuits de Dracula et Jack L'Eventreur.

Avant cela, nous allons visionner une première séquence vidéo, les cinq premières minutes des Justine ou les Infortunes de la Vertu, réalisé en 1968, d’après l’ouvrage du Marquis de Sade. On y voit Klaus Kinski dans le rôle de Sade, enfermé à la Bastille, en proie à des visions, des fantasmes et de pulsions qui le forcent à écrire son œuvre. On peut établir ici un parallèle entre Sade et Franco, dans leurs œuvres respectives, sont dictées par le fantasme et la volonté de les mettre en scène. Ce passage est aussi une allégorie parfaite des conditions de travail de Jess Franco, la prison de Sade faisant office de l'Espagne franquiste où règne alors la censure. A propos du tournage de cette scène, Kinski a déclaré: « Trois caméras sont braquées sur moi continuellement, je peux donc en finir vite (…). C'est pourquoi mon tournage fut le plus court de l'histoire du cinéma. Deux heures ». Kinski apparaît en effet seulement quelques minutes dans ce film. Mais quelles minutes !

1 commentaire:

Stef a dit…

Un des meilleurs films de Jess Franco est incontestablement Justine de sade avec la sublimement belle Romina Power. On peut d'ailleurs voir un extrait en cliquant sur le lien ci-dessous
http://www.laboutiquedezaza.fr/product_info.php?products_id=891
Pour moi, Justine de sade est un film essentiel. A voir ! Stef