mercredi 8 août 2012

La Maison Jaune de Dominique de Roux

En 1969, Dominique de Roux publie Maison Jaune, hybride de roman et de réflexions sur le temps présent. On y trouve des dialogues (réels ?) avec François Truffaut, des paragraphes sur l'avenir de la littérature, sur mai 68, Che Guevara, le gaullisme, le maoïsme, Bonnie and Clyde d'Arthur Penn, le "Grand Pan" d'Ezra Pound, Brancusi, Heinrich von Kleist. A son habitude, Dominique de Roux est péremptoire. Extraits.

Faye Dunaway et Warren Beatty dans Bonnie and Clyde.

 Dans ce temps de mythomanie convulsionnaire où, par truchement du cinéma, chacun peut jouir quand il le veut des corps désintégrés de Brigitte Bardot, de Faye Dunaway et même des deux ensemble, infernale caricature de la multiplication des pains et des poissons, il devient aussi inconcevable de baiser sa jeune femme que d'imaginer pour ces mythes un lit avec des draps.

Donnez-moi deux cent mille Irlandais et je fous la monarchie anglaise en l'air.

C'est Nietzsche, l'écrivain de la maison de César Auguste, qui a défini en une seule phrase la Politique Absolue : "Depuis l'effondrement de l'Empire romain, l'histoire de l'Europe n'est plus que l'histoire d'un soulèvement d'esclaves."

Tout est là : la civilisation occidentale, que l'on prétend issue des Lumières, du sein équivoque de la Déesse Raison, est la civilisation du retour au matriarcat. Le fulgurant génie de Dostoïevski tient en partie à sa prédiction de l'avènement d'une ère d'amazonisme, d'un règne clitoridien.

Approcher le troisième homme de Nietzsche, c'est prendre le double risque, terrible, de rencontrer, dans sa propre vie, ou bien le désert mélancolique des choses qui n'ont plus de sens ou bien les sombres terres qui s'ouvrent douloureusement au-dessus du gouffre originel, au-dessus du néant d'avant toute espérance.

De l'Anabase à la Longue Marche, le même retour au centre convient à l'homme, eût-il traversé la Chine pour qu'au retour fût plus étendu. Yunnan a été pour Mao ce qu'étaient pour César le rêve de la Caspienne et les limites de l'Inde. L’Empire a toujours été la distance entre le lever et le coucher de soleil d'un peuple.

Quand Rimbaud composait le sonnet des voyelles A.E.I.O.U., songeait-il à la devise de l'Empire des Habsbourg Austriae Est Imperare Orbi Universo ?

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