dimanche 19 août 2012

Choe Ik-kyu et Pak Hak - The Flower Girl (1972)

Avec Pulgasari, The Flower Girl est le plus célèbre film de Corée du Nord. Si le premier est un film fantastique où l'on retrouve un monstre ressemblant à Godzilla, le second est un film réaliste. Mais tous les deux appellent à la révolution contre l'oppression des propriétaires et des capitalistes. The Flower Girl se rapproche des films prolétariens (voir Le Geste inexpliqué de Sumiko de Shigeyoshi Suzuk) où le spectateur est pris de compassion pour l'héroïne, malmenée et humiliée du début à la fin, telle une Justine du Marquis de Sade. L'héroïne de Flower Girl est donc une Justine coréenne qui ne subit pas les exactions d’aristocrates français mais celles de propriétaires terriens alliés à l'occupant japonais à la fin des années 1920.

Koppun, la jeune vendeuse de fleurs.

Dans son article "Le cinéma nord-coréen : arme de destruction massive ?", Antoine Coppola commente : "film lyrique aux sentiments exacerbés, l’extrême misère de la paysannerie coréenne soumise à l’aristocratie de la dynastie Yi décadente et collaboratrice de l’occupant japonais y est dépeinte jusqu’à l’horreur".

Quand on arrive en ville.
Décor champêtre sous le soleil.

L'histoire de ce mélodrame "socialiste" est simple : la jeune Koppun (environ 15-16 ans) vend des fleurs sur le marché afin d’acheter des médicaments pour sa mère malade. Koppun vit actuellement avec sa mère, vieille et malade, et sa petite sœur, aveugle. Son père et mort et son grand frère est en prison. La raison ? Il a mis le feu à une des propriétés de la famille Bae, des propriétaires terriens qui tiennent la famille de Koppun en esclavage et qui travaillent en accord avec l'envahisseur japonais. Les Bae sont dépeints comme des êtres cruels et égoïstes. La mère Bae n'a d'ailleurs pas hésité, pour une raison futile, à jeter une bassine de pâte de soja bouillante sur le visage la sœur de Koppun. C'est ce qui l'a rendu aveugle. C'est dans cet environnement miséreux et humiliant qu'évolue Koppun... et tout va aller de mal en pis... jusqu'à la bobine finale !

La sœur de Koppun, aveugle, ère la nuit sur la montagne.
Tristesse infini dans un paysage superbe.

Parmi les événements dramatiques qui frappent Koppun, on peut citer la mort de sa mère (sous les coups de bâton du père Bae), l'annonce de la mort de son frère en prison, l'annonce de l'assassinat de sa petite sœur par la famille Bae... avant que la situation s'améliore en quelques minutes : sa sœur est vivante et son frère n'est pas mort ! Il s'est échappé de la prison et a rejoint un groupe de révolutionnaires anticapitalistes qui aide les pauvres villageois à se révolter contre l'oppression féodale et l'envahisseur japonais. Nous sommes au début des années 1930, des groupes armés influencés par le communisme se forment pour combattre les troupes japonaises. Parmi ses militants, on trouve un certain... Kim Il-sung, futur dirigeant de la Corée du Nord.

Koppun et la révolte d'un peuple opprimé.
Le message révolutionnaire salvateur de la fin du film.

Kim Il-sung affirme dans ses mémoires qu'il a participé à l'écriture de The Flower Girl en1930. Car avant d'être un film, c'est un opéra au message révolutionnaire. Selon Kim Il-sung, alors âgé d'à peine 18 ans, "nous avions formé une troupe artistique à Wujiazi. Cette troupe était installée à l'école Samsong et travaillé avec succès sous la direction de Kye Yong Chun. J'ai travaillé dur pour finir le livret de The Flower Girl - que j'avais commencé à écrire quand j'habitais dans la province de Jilin - et pour organiser des répétitions [...] Nous avons présenté cet opéra à l'école Samsung pour le 13ème anniversaire de la Révolution d'Octobre. Cet opéra n'a pas été joué pendant plusieurs années après la libération, puis il a été amélioré et adapté pour le cinéma, et enfin réécrit pour en faire un roman, sous ma supervision, présenté au public au début des années 1970". Connaissant la propagande de la Corée du Nord, on peut douter de la véracité de cette paternité de Flower Girl par le Juche Kim Il-sung.

Koppun, son frère et sa sœur réunis : tout est bien qui finit bien.

En tout cas, le film, tout mélodramatique qu'il est, est réussi. La mise en scène est soignée (avec de beaux travelings dans des décors naturels superbes), les acteurs n'en font pas des tonnes (comme c'est souvent le cas). A juste titre, The Flower girl a obtenu le prix spécial du jury au festival international tchécoslovaque de Karlovy Vary en 1972. A cette époque, la Corée du Nord était en relation avec la Russie et les pays d'Europe de l'Est et ses productions cinématographiques y étaient régulièrement présentées. Fait rare, le film a été projeté en 2008 au festival du film asiatique de Deauville.

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