vendredi 23 novembre 2012

Yasujiro Ozu - Mon épouse, cette nuit (1930)

Mon épouse, cette nuit (その夜の妻 / Sono Yo No Tsuma en japonais et That Night's Wife en anglais) est le seizième film de Yasujiro Ozu. Tourné de mai à juillet 1930, ce film muet est une adaptation du livre d'Oscar Shisgall, From Nine to Nine (aujourd'hui complètement oublié), tout juste publié en épisodes dans la revue Shin Seinen. Comme le titre du livre l'indique, l'intrigue se déroule entre 9 heures du soir et 9 heures du matin. Mon épouse, cette nuit est un drame social à suspens tourné au trois-quarts en huis-clos. Six des sept bobines du film ont été tournées dans le même décor.

A droite, Tokihiko Okada et ses faux airs de Johnny Depp.

L'histoire est simple :pour payer le traitement médical de sa petite fille malade, Shuji Hashizume (Tokihiko Okada), un artiste fauché, braque à main armée un magasin. Poursuivi par la police, il réussi à s'échapper en taxi et rentrer à son domicile où l'attend sa femme, Mayumi (Yagumo Emiko), qui veille depuis deux jours sans dormir sur la petite fille malade. Quand Shuji arrive chez lui, il apprend que sa fille est entre la vie et la mort. Il se réjouit malgré tout d'avoir pu trouver de l'argent pour payer le médecin. Soudain, on frappe à la porte : le chauffeur de taxi fait son apparition et on apprend qu'il est en réalité un policier (Yamamoto Togo). Alors qu'il est sur le point d'arrêter Shuji, Mayumi se saisit de l'arme à feu de son mari et menace le policier. Un accord est passé entre ce drôle de trio : si au matin la petite fille va mieux, le policier pourra arrêter Shuji... S'ensuit une nuit blanche au cours de laquelle la tension monte peu à peu.

Yagumo Emiko et Tokihiko Okada : couple prolétaire.
Passé la première scène d'action (le braquage et la fuite de Shuji),le film bascule dans le drame social psychologique avec un quatuor d'acteurs réunis dans quelques mètres carrés : le mari braqueur par nécessité, la femme désespérée mais compréhensive, la fille malade et le policier pris de pitié pour cette famille démunie. En enchaînant les gros plans et les plans plus larges, Yasujiro Ozu se repose surtout sur la prestation de ses acteurs. Et il fait bien puisqu'ils sont très bons. Le policier joue le rôle du dur à cuire impassible qui, finalement, est ému par cette famille pauvre. Le braqueur, Tokihiko Okada, joue le beau gosse aux faux airs de Johnny Depp. Sa femme joue les héroïnes dévouées au dernier degré en approuvant les actions de son ami, allant jusqu'à menacer le policier intrusif. Quant à la petite fille, elle geint et émeut comme il faut. Avec ce suspens bien entretenu : Shuji sera-t-il arrêté par le policier au petit matin ?

Moment de tension : en cavale, Tokihoko téléphone pour avoir des nouvelles de sa fille.

Yasujiro Ozu s'est exprimé sur le tournage de ce film : "l’acteur Tokihiko Okada y a joué pour moi pour la pre­mière fois. En dehors de la pre­mière bobine, les six autres furent tour­nées entiè­re­ment sur ce même pla­teau. La conti­nuité de ce film m’a vrai­ment posé des pro­blè­mes. Ce fut dif­fi­cile, mais j’ai beau­coup appris. M. Kido, le pré­si­dent de la com­pa­gnie, m’a féli­cité et m’a dit de pren­dre des vacan­ces dans une sta­tion ther­male".

Yamamoto Togo : juste un flic.
Mon épouse, cette nuit a été projeté dans des conditions idéales le 23 novembre à la Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP) : copié restaurée, accompagnement au piano et narration par un benshi ! L’art du benshi consiste à présenter les films muets, à commenter l’action à l’écran en révélant le contexte et les dialogues.


Extrait de Mon épouse, cette nuit d'Ozu (1930) [la projection est un poil trop rapide]

Aucun commentaire: