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Masao Adachi sur le tournage de Le Bol en 1961. |
De formation universitaire, Masao Adachi aime manier le concept et la théorie dans ses écrits sur le cinéma. C'est parfois un peu trop au sérieux, trop universitaire. Malgré tout, on apprend beaucoup de choses sur l'avant-garde japonaise des années 60, l'effervescence du milieu cinématographique. Au début des années 70, Masao Adachi décide prolonger la révolution du cinéma par la révolution terroriste en rejoignant le Front populaire de libération de la Palestine. Il s'en explique clairement dans de longs textes.
Pour les moins familiers de l'oeuvre de Masao Adachi, voici un extrait de sa "lettre au spectateurs français", rédigée à l'occasion de la rétrospective de son œuvre à la Cinémathèque française en 2010.
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Titres des films de Masao Adachi. |
Lorsque j'étais étudiant, la seule école où l'on pouvait étudier le cinéma était le département de cinéma à l'Université Nihon. Il commençait à y avoir des écoles qui enseignaient le technique. Mais moi, je suis allé à la fac. Cette Université étais alors une sorte de repaire d'étudiants passionnés. Nous étions tous fascinés par le mouvement surréaliste, certains d'entre nous appartenaient à des groupes néo-dada. En fréquentant ces camarades, j'ai été très influencé par le surréalisme, je l'ai même considéré comme le plus important courant de pensée à m'avoir construit. Ma conception théorique et ma conception pratique du cinéma sont toute deux ancrées dans ce mouvement.
Au sortir de l'université, la plupart ont commencé à travailler. Après avoir réalisé Le Bol et Vagin Clos, j'ai travaillé dans le but de ressembler le budget nécessaire afin de tourner les films qu'on voulait faire notamment dans des productions de spots publicitaires ou des documentaires. Bien sûr que ces expériences étaient intéressantes, mais j'avais toujours en tête de gagner de l'argent pour financer nos propres films.
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Image de Galaxy (1967). |
Par la suite, j'ai créé avec mes aînés le Van Institute for Cinematic Science, dont le nom paraît un peu austère. Nous y avons approfondi nos idées et y avons débattu. Pendant ce temps-là, le commerce du cinéma continuait d'évoluer. Du coup, nous aussi, il fallait s'y mettre pour de bon. Alors, j'ai frappé à la porte de Wakamatsu qui avait présenté
Les Secrets derrière le mur au Festival de Berlin. Le film fut traité de honte nationale ! Pour lui, j'ai écrit de nombreux scénarios. J'ai aussi réalisé quelques films à petit budget, toujours dans le champs du cinéma
pink. J'ai également travaillé avec Nagisa Oshima, un ami avec qui je buvais souvent dans les bars. Il m'a proposé de collaborer avec lui. C'était une époque plus simple, les réalisateurs pouvaient facilement s'entraider s'ils s'entendaient bien. C'est ce que je pense avec le recul. Je parle souvent du "cinéma comme mouvement", et non du cinéma d'auteur.
Après le mouvement néo-dada, les échanges avec des artistes et des auteurs m'ont énormément enrichi. ils m'ont beaucoup appris. Beaucoup d'amis m'ont permis de réfléchir à quel film je devrais faire et comment je devrais le faire. Ensemble, nous pensions que s'il y avait de moins en moins de films intéressants, c'était dû au déclin de la critique du cinéma. C'est ainsi que nous nous sommes intéressés à la critique cinématographique : il était temps de créer un lieu où l'on pouvait débattre des œuvres, pas juste pour les présenter ni donner nos impressions. Alors, nous avons publié une revue intitulée Critique cinématographique.
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Image de Gushing Prayer (1970) |
Puis, j'ai réalisé
A.k.a Serial Killer. Plus tard j'ai développé la "théorie du paysage". Ma vie après cette période attire souvent plus d'attention. Mais c'est le même élan qui, après mon passage au Festival de Cannes avec Wakamatsu, m'a poussé à me rendre en Palestine pour voir la réalité de la lutte pour la libération. Avec des images tournées à cette occasion, nous avons réalisé
Armée rouge/FPLP : Déclaration de guerre mondiale. Jusqu'alors je filmais des paysages selon ma "théorie du paysage", mais je voulais développer cette théorie en allant voir concrètement le paysage que je montrais. C'était ça, ma motivation. Voilà, en bref, mon parcours.
Ensuite, pendant des années, je suis resté avec des guérilleros palestiniens. C'était donc après trente-cinq ans d'absence que j'ai réalisé Prisonnier/Terroriste. Pour faire ce film, j'avais l'envie d'aller plus loin que Armée rouge/FPLP : Déclaration de guerre mondiale, qui avait plutôt la forme d'un documentaire journalistique, et de faire rebondir la "théorie du paysage". Moi-même j'ai été guérillero pendant de longues années. Je voulais faire face à cette réalité et en faire un film. C'est le thème du film. Voilà le chemin qui m'a mené jusqu'à aujourd'hui.