Carlos Larronde (1888-1940) fut poète, critique littéraire, pionnier de la radio-diffusion et père de son fils (Olivier Larronde, poète de renom). Cet ami de Saint-Pol-Roux a publié dans Le Mercure de France du 15 décembre 1932 un article très intéressant sur le cinéma. Plus particulièrement sur l'érotisme au cinéma et la représentation physique des acteurs. Trois phrases extraites de son article pour situer la posture de Carlos Larronde :
"Il est surprenant que la caméra ne provoque pas plus de divorces."
"Depuis que le septième art triomphe, les étoiles ont des sexes."
"Une salle de cinéma, quel temple de l'érotisme !"
Voici donc de larges extraits de l'article "L'Erotisme au cinéma":
L’écran est la glorification du visage humain. Comment n’aurait-il pas engendré une sorte de fanatisme ? Nous avions la beauté théâtrale, mais fondue dans un ensemble, entourée d’un halo. Sarah Bernardt, c’était une attitude sous un voile. On subissait l’emprise de sa voix plus que celle de ses traits. Envoûtement redoutable. La compagne d’un de mes amis avait eu un amour enfantin pour Sarah. Elle se disait guérie. Un jour qu’ensemble ils assistaient à une représentation de Phèdre, la jeune femme apparut bouleversée. Elle braquait, d’une main tremblante, ses jumelles sur l’idole. Son compagnon n’existait plus. Ce fut un drame.
Très différente est l’attraction de l’écran. Il offre à l’enthousiasme, à la critique, des figures amplifiées. Les « gros plans » de Valentino ou de Greta Garbo sont dans le domaine public ; on les adule ; on les analyse ; on les discute. Alors qu’une actrice de théâtre apparaît comme un être charnel, odorant, une vedette de cinéma, c’est d’abord une image. C’est surtout un type de beauté. Écoutez une conversation où défilent les étoiles des deux sexes. Parle-t-on de leur talent ? Neuf fois sur dix, on disserte de leur physique et les déclarations: « j’adore », « je n’aime pas », « je préfère », s’accompagnent de commentaires précis sur un ne et des jambes. L’anatomie de stars est un bien commun. Nous avons tous un droit de contrôle sur leurs charmes. Qu’un embonpoint fâcheux - ce qu’à Dieu ne plaise! - vienne à empâter Dolorès del Rio, nombre de couples enclins aux chamailles se mettront d’accord pour le déplorer.
Depuis que l’écran existe, la perfection physique, et surtout féminine, est devenue le sujet d’un perpétuel débat. Un concours de beauté, en permanence, est ouvert, - que dis-je ? Une cour d’amour, - dans laquelle chacun apporte des suffrages passionnés. Et comme de nouveaux astres, chaque année, pénètrent dans le champ, la compétition n’aura pas de fin. L’avènement de Marlène Dietrich fut pour un hebdomadaire l’occasion d’interroger ses lecteurs: « Qui préférez-vous, d’elle ou de Greta ? » Dans une époque à certains égards peu qualitative, l’esthétique du visage et du corps est devenu un problème primordial. […] Il est surprenant que la caméra ne provoque pas plus de divorces. […]
Depuis que le septième art triomphe, les étoiles ont des sexes. Étoiles humaines qui offrent à l’existence popote, à la fidélité rageuse, un contraste éblouissant. Tout homme possède, au moins par les yeux, son harem. L’écran a créé une véritable courtisanerie optique, d’autant plus puissante que ce gars robuste et dépoitraillé, cette blonde princesse en chemise, sont intangibles, comme les idoles.
Une salle de cinéma, quel temple de l’érotisme ! […]
L’amant universel, jadis, était le poète.
Il est détrôné aujourd’hui par l’universelle maîtresse, la star de cinéma.
« Sex-appeal »! C’est dans le programme et dans l’esthétique du septième art. il faut qu’une actrice non seulement soit jolie, bien habillée, bien dévêtue et qu’elle ait - tout de même - du talent, il faut qu’elle soit, pour un nombre important de spectateurs, excitante. […]
Le sex-appeal: une griserie esthétique-cérébrale. L’attrait de l’impossible, d’un impossible qu’on accepte et qu’on chérit. Je ne serai pas étonné que le cinéma contribue à réveiller chez l’homme le respect de la femme. Même familière, elle y demeure idole.
Blonde ou brune, Kirsten Dunst et Mary Elizabeth Winstead, ou l'érotisme du cinéma des années 2000 (made in USA). Les Français se consolent avec Ludivine Sagnier et Mylène Jampanoï.
La « vamp » se refuse. Frigide ou inquiétante, elle agenouille. On l’adore ou on la tue. « Le secret de Greta Garbo » est pour les hebdomadaires spécialisés un thème inépuisable. Je crois l’avoir pénétré.
Ce n’est pas un secret d’alcôve. La vedette suédoise est la seule artiste de l’écran qui possède - à son insu peut-être - de grandes possibilités spirituelles. C’est une mystique en puissance, qui se cherche et n’est pas trouvée. C’est une enchanteresse déçue.
Il paraît qu’un jeune homme, en voyant pour la première fois Greta Garbo, eut envie de devenir poète.
Même si le fait n’est pas exact, il ramène l’érotisme à son véritable plan: Désir, âme du monde !
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