Thais est un film mythique pour deux raisons : d'une part, il a été longtemps considéré perdu et la seule copie existante du film, incomplète, se trouve à la Cinémathèque française. D'autre part, il est souvent fantasmé comme un film futuriste. En réalité, il n'en est rien. Mais la méprise perdure. Le réalisateur, Anton Giulio Bragaglia, a bien fait partie de la mouvance futuriste. Il a même écrit un Manifeste du cinéma futuriste en 1916. Les décors de Thais (le seul rescapé des 4 ou 5 long métrages qu'il a réalisés) ont effectivement été conçu par le peintre Enrico Prampolini. D'où les peintures géométriques abstraites et les contrastes de couleur noir et blanc. C'est surtout à cause des photos de ces décors que Thais a longtemps été considéré comme un film futuriste.
Contrairement aux films futuristes avant-gardistes des années 1920 et 1930, Thais a un scénario très conventionnel. C'est un film de diva. Ou plutôt, un pastiche d'un film de diva. On ne peut pas nier, en effet, que Bragaglia se moque avec gentillesse de la mode des divas et de l'excès décadent. L'histoire est plutôt simple : la comtesse slave Galitzy Thais, petite peste au visage d'ange, fait tourner la tête de nombreux soupirants mais considère les hommes comme des mouchoirs à jeter ou des jouets à casser. Sa grande amie mais rivale en amour, Bianca, est éprise d'un des prétendant de Thais. Mordue de jalousie, elle provoque son propre trépas lors d'une escapade endiablée à cheval. Avertie de cette mort, Thais, prise de remords, se suicide à son tour en s'enfermant dans sa "chambre spéciale", diffusant des gaz mortels. Fin.
Malgré sa fin tragique, Thais est très drôle, notamment par ses nombreux intertitres qui pastichent ceux des films de diva. Bragaglia pousse même le vice jusqu'à reproduire des poèmes Baudelaire, récités à la belle Thais par des prétendants exaltés !
Malgré sa fin tragique, Thais est très drôle, notamment par ses nombreux intertitres qui pastichent ceux des films de diva. Bragaglia pousse même le vice jusqu'à reproduire des poèmes Baudelaire, récités à la belle Thais par des prétendants exaltés !
En 1952, dans son Histoire générale du cinéma, Georges Sadoul montre qu'à l'époque, le plus grand flou régnait déjà sur Thais. En effet, il le confond avec Perfido Incanto, un autre film, celui-là perdu, de Bragaglia :
Aucun cinéma européen n'était si raffiné, si décadent, si artiste [que le cinéma italien]. Le futurisme commençait à le pénétrer. Et Bragaglia, qui devait plus tard fonder, sous l'influence futuriste, la Maison d'art Bragaglia et le Théâtre des Indépendants, dirigea, pour la quintessenciée Lyda Borelli, Perfido Incanto, dans des décors modernissimes. Il est aujourd'hui un grotesque mélodrame 1900 qui prête surtout à rire. Les décors "futuristes" y tiennent certes une place, mais sont loin d'entraîner la stylisation générale 'un film, fort peu différent des autres productions italiennes pour divas.
Malheureusement, la copie sauvée de Thais est en bien mauvais état. Une restauration ne lui ferait pas de mal... Comme on peut le voir sur l'extrait ci-dessous, la dernière scène du film, avec ses fameux décors peints par Enrico Prampolini.
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