samedi 15 janvier 2011

Masao Adachi - Sex Game (1968)

Masao-Adachi-Sex-Game
Quelques mois avant d'illustrer en film sa théorie des paysages, Masao Adachi a réalisé Sex Game (Sei Yugi en japonais), un film nihiliste produit par Koji Wakamatsu. A la vision de ce film, rien n'augure les futurs engagements de Masao Adachi dans la révolte étudiantes, l'extrême gauche nippone et la libération de la Palestine. Dans Sex Game, Adachi va plutôt à rebours du mouvement gauchiste étudiant en se moquant ouvertement et de façon plus qu'outrée de l'activisme politique. Sex Game sonne comme un doigt d'honneur à la "cause", magnifiant plutôt l'ennui et la provocation. Deux éléments essentiels du futur mouvement punk. Question de journaliste bas-de-gamme : Masao Adachi, punk avant l'heure ?

Sex Game s'ouvre sur une séance de partouze où sept étudiants (cinq garçons et deux filles) veulent "jouer au viol" de façon "sérieuse", le consentement des filles, peu farouches, décevant l'attente des garçons frustrés. Plus tard, pour tuer l'ennui, trois des garçons (dont Ken Yoshizawa, belle gueule récurrente des films de Koji Wakamatsu), sillonnent les alentours de l'université de Nihon (la faculté dans laquelle était vraiment inscrit Masao Adachi) pour trouver une proie à leur désir de viol. Il croise alors le chemin de Taeko, une militante de gauche. Après un viol collectif dans un amphithéâtre désert, un des trois violeurs (Ken Yoshizawa), "sympathise" avec Taeko, pour qui le viol a été un élément déclencheur de l'affirmation de sa féminité et de son existence (un poncif du pinku eiga). Taeko entraîne Kenji chez elle. Elle habite avec son frère, un geek apprenti terroriste qui fabrique des coktails molotov pour tuer "les flics et les CRS".

Koji-Wakamtsu-Running-Madness-Dying-LoveKen Yoshizawa dans Running in madness, dying in love de Koji Wakamatsu (1969).

Sex Game vaut surtout pour ses dix dernières minutes, où, après une récitation d'extraits du poème Black Dada Nihilismus de LeRoi Jones,
Come up, black dada nihilismus.
Rape the white girls.
Rape their fathers.
Cut the mothers throats.
Black dada nihilismus, choke my friends in their bedrooms with their drinks spilling and restless for tilting hips or dark liver lips sucking splinters from the masters thigh

on voit les trois protagonistes, en uniformes militaires, en pleine rue tokyoïte, faire le salut hitlérien (guerilla shooting !), crier "Sieg Heil" et embrasser des femmes sur un passage piéton. S'ensuit une dernière scène, devant le Parlement japonais (moins bien connu sous le nom de Diète du Japon), où les trois hommes, toujours en uniforme militaire, mitraillette à la main, et accompagnés de femmes nues, descendent l'avenue de façon vindicative. Du nihilisme pur, foutraque, à la limite de l'extrême droite, qui tranche avec l'esprit d'extrême gauche dans lequel baignaient Masao Adachi et Koji Wakamatsu à l'époque. Dans son livre Behind the pink curtain, Jasper Sharp considère cette scène comme "une des plus provocatrices du cinéma".

L'avenue du Parlement nippon, sur laquelle est tournée la dernière scène de Sex Game.

Interrogé par Johannes Schönher sur Sex Game, Masao Adachi a expliqué : "dans ce film, j'ai essayé de montrer que les émotions humaines engendraient les comportements humains. L'activisme politique, d'accord, mais en même temps, les différentes factions politiques violentes étaient tellement devenues idéologiques qu'elles avaient tué toute émotion personnelle".

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