Le 5 février, à l'occasion du festival Voir L'invisible, le cinéma l'Ecran de Saint-Denis à projeté pour la première fois en France Love Exposure de Sono Sion. Le lendemain, ce fut le tour de Suicide Club. Le réalisateur Sono Sion était présent et il a accordé l'entretien suivant. Il y parle longuement de sa carrière avant Suicide Club, du collectif Tokyo GAGAGA, de son film Hazard, de littérature française, de son nouveau film Cold Fish et du prochain tournage de Lords of Chaos, film relatant les événements sanglants de la scène musicale sataniste norvégienne dans les années 1990.
Combien de temps restez-vous à Paris ?
Trois jours, je repars demain. Je suis venu pour le festival et je pars demain en Norvège pour le tournage de mon prochain film Lords of Chaos. Je vais faire un repérage des lieux et passer des auditions pour choisir les seconds rôles.
Jackson Rathbone doit jouer le rôle principal, celui de Varg Vikernes ?
C'est presque décidé mais les rôles secondaires ne sont pas encore choisis. Lords of Chaos est un projet qui a débuté l'an dernier à Los Angeles.
OK. On parlera de Lords of Chaos tout à l'heure. Tout d'abord félicitations pour Love Exposure qui est pour moi un très très grand film. Pourtant il n'a pas été distribué en France. Pourquoi ?
(rires) Je ne sais pas. Peut-être à cause de la durée du film. On ne peut que le passer deux fois par jour.
Pourtant le film est sorti en Angleterre et en Allemagne.
Oui mais ce n'est pas moi qui décide.
Qui décide ?
Ce sont les acheteurs, les distributeurs. S'il n'y a pas de distributeurs, le film ne peut pas être diffusé. Et aucun distributeur en France n'a voulu payer pour Love Exposure.
Pourtant partout où le film a été projeté, les critiques ont été très bonnes jusqu'à considérer Love Exposure comme le meilleur film de 2008. Vous n'êtes pas frustré qu'il ne soit pas distribué dans plus de pays ?
Bien sûr que je suis frustré mais je ne peux rien y faire.
En France, on peut seulement trouver trois de vos films en DVD. On est obligé de les télécharger illégalement sur Internet. Qu'est-ce ça vous inspire ?
C'est parce que je ne suis pas populaire ici. Aux États-Unis, un coffret de DVD intitulé Avant Suicide Club qui comprend tout ce que j'ai fait avant mon film Suicide Club va bientôt être distribué. On y trouvera tous des films comme I Am Sono Sion, Bicycle Sighs ou The Room. Tous mes premiers films. Et j'ajoute que tous ces films sont déjà disponibles au Japon.
Justement, comment ça se passe au Japon ?
On peut trouver mes films, encore heureux ! S'ils n'étaient pas distribués au Japon, qu'est-ce je deviendrais ! En même temps, au Japon, je suis considéré comme quelqu'un de très particulier. Je n'y rencontre pas un grand succès mais j'y ai une liberté totale. Quand on est un bon élève, il faut respecter les règles. Et comme moi je fais des films plutôt marginaux, on m'accepte gentiment. On me tolère, disons.
A propos du choix de vos acteurs et actrices, vous mettez souvent en scène des personnes issues de groupes de pop japonaise qui ne sont pas des acteurs professionnels. Par ailleurs l'actrice Hikari Mitsushima est très belle. Comment choisissez-vous les acteurs ?
Oui, ce sont souvent des idols mais qui ne sont pas très connus. Mais ça me fait plaisir de voir qu'ils deviennent connus après avoir joué dans mes films. Par exemple, Hikari Mitsushima a reçu plusieurs prix d'interprétation féminine au Japon pour Love Exposure. Donc c'est sûr que sa notoriété va s'accroitre et qu'elle pourra continuer sa carrière cinématographique.
Vous avez commencé votre carrière par la poésie au sein d'un collectif appelé Tokyo GAGAGA. En quoi consistait ce collectif ?
Entre 17 et 21 ans, j'ai écrit des poèmes avant de tourner des films auto-produits en 8 mm. Après ces premiers essais cinématographiques j'ai voulu revenir vers la poésie et j'ai créé le mouvement Tokyo GAGAGA. Vu de loin, ce mouvement pouvait paraître comme des manifestations de rue mais en fait il s'agissait de personnes qui écrivaient des poèmes sur des drapeaux et marchaient dans la rue en arborant leurs drapeaux. Il n'y avait aucun message politique ou social définis. Les policiers venaient souvent empêcher nos manifestations mais comme il n'y avait aucune raison pénale de nous en empêcher, ils ne pouvaient pas nous arrêter.
C'était inspiré par le mouvement dada ?
Cette activité n'avait rien d'artistique. Ce n'était même pas un performance. Nous étions environ 200 personnes à descendre dans la rue et je pense que personne ne pensait faire quelque chose d'artistique. C'était comme si une foule se rendait à un concert de punk. Tout ça n'avait rien de politique, il n'y avait aucune revendication. Nous n'étions pas des gauchistes. En apparence, on pouvait comparer ça à une renaissance des luttes des années 1960 mais nous prenions simplement du plaisir à écrire des poèmes et à les montrer. Et je criais GAGAGA, GAGAGA !
Qu'est-ce que ça veut dire ?
C'est le son de l'âme. Ça n'a pas vraiment de sens.
A l'instar du mouvement lettriste d'Isidore Isou dans les années 1950 ou le scat dans le jazz. Une recherche phonétique avant tout.
Oui, c'est tout à fait ça.
Quelle était l'idée de passer des poèmes de Tokyo GAGAGA au cinéma ?
Ce sont deux choses complètement différentes. J'ai arrêté de faire des films pour me consacrer au mouvement GAGAGA. J'avais déjà réalisé plusieurs films dont Bicycle Sighs et The Room. C'est seulement après que j'ai lancé Tokyo GAGAGA. Puis j'en ai eu assez et je suis parti aux États-Unis à San Francisco pendant un an. Et j'ai travaillé au scénario de Suicide Club.
En parlant de Suicide Club, je sais qu'au Japon les suicides sont fréquents y compris chez les adolescents, mais le suicide collectif de grande envergure, c'est une histoire inventée ?
Bien sûr, il n'y a pas autant de suicides collectifs et de cette ampleur, mais l'année après la sortie de Suicide Club, en 2002, on a découvert l'existence de sites internet où des dizaines de personnes avaient décidé de se suicider collectivement. Je ne sais pas si ces personnes avaient vu Suicide Club. Disons que j'ai pu prédire ce qui pouvait ou ce qui allait se passer.
A propos de votre manière de filmer, je remarque qu'il y a beaucoup de scènes tournées caméra-épaule dans le style de guerilla shooting de Hisayasu Sato, c'est-à-dire filmer dans les lieux publics sans autorisation, à la sauvette.
C'est vrai. Les premières séquences de Suicide Club ont été tournées dans le style guerilla shooting. Mais évidemment, au bout d'un moment, le personnel de la gare de Shinjjuku nous a demandé d'arrêter de filmer.
En parlant de Hisayasu Sato, qu'est-ce que vous pensez des pinku eiga [films érotiques japonais bien particuliers popularisés à partir des années 1960] ?
J'ai vu beaucoup de pinku eiga mais je ne suis pas influencé par ça. Je préfère les films érotiques européens comme Emmanuelle et les films softcore suédois. Et Russ Meyer que j'aime bien. Quand j'étais jeune, j'ai vu beaucoup de films érotiques européens.
C'est vrai que vous avez tourné des pinku eiga avec un pseudonyme ?
Ce qui est sûr, c'est que j'ai tourné un pinku classique et un autre pinku homosexuel mais je ne me souviens si j'ai utilisé un pseudonyme pour ça. C'était pas des films érotiques comme les roman porno de la Nikkatsu, c'était vraiment des films porno. Mais bien sûr, les sexes étaient pixelisés à cause de la censure au Japon.
Vous aimez bien le photographe Nobuyoshi Araki ?
Oui, on se connait bien, c'est un ami à moi. On boit des verres ensemble de temps à autres. Mais un jour je lui ai demandé de jouer dans mon film qui s'appelle Utsushimi, que j'ai réalisé en 2000, un an avant Suicide Club. Ce film est un semi-documentaire sur la pratique photographique d'Araki et en même temps une fiction érotique et dramatique.
Quels réalisateurs français aimez-vous ?
Il y en a beaucoup, je ne sais pas qui citer. René Clément bien sûr, même si ce n'est pas mon réalisateur préféré. Quand j'étais au lycée j'aimais beaucoup les films de Jean-Luc Godard.
Godard est suisse, il n'est pas français !
(rires) OK, alors François Truffaut. J'aime aussi quelqu'un qui a réalisé un film sur Jeanne d'Arc, Robert Bresson. Le Procès de Jeanne d'Arc (1962) est un film formidable.
Pourtant, le style de Bresson n'est pas du tout votre style, un peu janséniste, très austère ?
Ce qu'il faut savoir c'est que les réalisateurs que j'aime bien n'ont rien a voir avec mon propre style. J'aime bien les réalisateurs un peu absurdes. Comme Paul Verhoeven. Robocop. Showgirls, j'adore, c'est un de mes films préférés si ce n'est le préféré. J'adore ce film.
Pour ce qui concerne le cinéma japonais, vous détestez Yasujiro Ozu, non ?
C'est à cause de Ozu que le cinéma japonais s'est détérioré. A cause de lui, le cinéma est devenu moins spectaculaire.
Pourtant votre dernier film Be Sure to Share peut faire penser à une histoire familiale très simple comme dans les films d'Ozu ?
C'est volontaire. J'ai fait ça pour que les critiques japonais se disent "quand Sono Sion veut faire un beau film, il y arrive" alors qu'ils ont violemment critiqué Love Exposure. Les critiques japonais se sont dits, "c'est bon Sono Sion est devenu un réalisateur mature".
Pourtant Love Exposure a reçu un prix au festival de Tokyo ?
Oui mais c'était le prix du public pas des critiques. La plupart des critiques japonais ont trouvé que c'était un film vulgaire.
Vulgaire ? J'ai trouvé ça très pur...
Je suis d'accord avec vous, Love Exposure est un film très pur.
Pour parler plus profondément de vos films, pour vous l'individu ne peut pas vivre et s'exprimer sous les institutions que sont l'école, la famille, l'église et la société en général. Vous prônez un individualisme forcené voire un anarchisme.
On peut être libre dans une institution mais il faut se libérer de ces institutions et de sa propre institution. Pour citer le poète français Paul Eluard, quand on est adulte, il faut institutionnaliser les individus, on peut trouver une institution dans chaque individu et vice versa. L'idéal est d'être libre et de s'affranchir au sein même de l'institution.
Au début du film Strange Circus, vous citez Huysmans, une phrase d'A Rebours où un esthète s'exile du monde social. Encore une preuve d'anarchisme...
Oui et cette année, je compte réaliser un film autour d'Oscar Wilde et du marquis de Sade et y incorporer des éléments tirés des livres de Joris-Karl Huysmans et de Georges Bataille.
Vous aimez bien la littérature française ?
J'adore ça. J'adore Jean Genet.
Que des rebelles à ce que j'entends ?
J'aime les poètes français comme Guillaume Apollinaire et François Villon.
Des taulards pour certains !
(rires) C'est vrai que certains d'entre eux sont allés en taule ! Mais j'adore quand même la littérature française.
Vous comptez peut-être faire un film biographique sur un écrivain français ?
Non, la plupart des films biographiques sont très ennuyeux.
Ça m'étonne que vous parliez du marquis de Sade. Il est évoqué dans plusieurs pinku eiga et le personnage principal de Quand l'embryon part braconner de Koji Wakamatsu s'appelle Sado. Sade est si populaire au Japon ?
Je ne pense pas que Sade lui-même soit très connu mais la pratique du sadomasochisme est très répandue au Japon. Seulement, les gens ne savent pas que ça vient de deux auteurs, Sade et Sacher-Masoch. Les gens se foutent de la littérature, c'est l'acte sexuel déviant qui leur plait. Peu importe le nom de l'inventeur.
Pour en revenir à l'anarchisme, je pense au film Hazard où un des acteurs cite Walt Withman et prône en quelque sorte un avenir anarchique.
(rires, pas de commentaires)
Hazard a été tourné en 2002 mais il sorti en 2005. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Plein de choses, à vrai dire. Je ne sais pas si je peux le dire mais le producteur s'est tiré avec l'argent.
Ah oui, je peux l'écrire ça ?
Oui vous pouvez l'écrire, maintenant il y a prescription.
Dans Hazard, que j'aime beaucoup, j'ai vu ça comme un film à rebours d'America America d'Elia Kazan. Dans America America, la personne part de Turquie pour émigrer à New York. Dans Hazard, le Japonais part à New York pour devenir un autre homme mais il revient au Japon comme un homme nouveau.
(surpris) Vous faites une interprétation nouvelle de ce film. C'est intéressant mais je n'ai pas vu America America d'Elia Kazan.
L'idée d'un homme nouveau qui revient au Japon, c'est un peu une idée nietzschéenne, l'homme nouveau, genre le bébé spatial, sur-homme, qui revient sur Terre dans 2001 L'Odyssée de l'espace de Kubrick ?
(rires) Oh la la ! Nietzsche, carrément ! Hazard est un film assez curieux, j'ai commencé à écrire le scénario basé sur un assassinat sadomasochiste réel. Ce criminel a vécu à New York et j'y suis allé pour tourner le film sur les lieux du crime. C'est seulement lors du début du tournage que j'ai complètement laisser tomber l'idée de départ, c'est-à-dire faire un film sur ce meurtrier. Tout est devenu complètement différent pour moi, j'ai complètement oublié le côté SM. C'est à ce moment que j'ai également compris que le producteur n'était pas très honnête. C'est alors que je me suis souvenu du film Easy Riders qui avait, en partie était filmé caméra épaule à la Nouvelle-Orléans lors d'un carnaval, sans lumière artificielle. Donc j'ai tourné Hazard sans lumière artificielle en plans séquences et c'est seulement au montage du film qu'on a travaillé la lumière. Ce film est la matrice de mon style actuel.
C'est pour ça qu'il y a un grain particulier dans l'image, surtout dans les scènes tournées la nuit ?
Oui, ça a un côté nouveau cinéma américain. Et ça convient bien au thème du film.
En tous cas je trouve que c'est un très beau film.
Merci. Au Japon, tous les critiques l'ont détesté.
Ce qui est paradoxal c'est que dans Hazard, le personnage principal va à New York pour trouver sa propre identité alors qu'au Japon, un sentiment anti-américain domine.
Au Japon, la plupart des gens ne sont pas du tout anti-américains. Au contraire, on cherche à être protégés par les États-Unis.
Pourtant dans les années 1960, les manifestations ont d'abord été un cri contre la présence américaine sur le sol japonais.
Aujourd'hui c'est le contraire, les revendications des années 1960 sont finies. Au contraire, les gens pensent que ce n'est pas très malin d'aller contre la politique des États-Unis. Le Japon est de plus en plus conservateur et c'est dans son intérêt d'entretenir de bonnes relations avec les États-Unis. C'est une des raisons pour lesquelles mes films sont détestés au Japon.
Que pensez-vous du statut des minorités au Japon. Les Coréens, les Chinois ou les Brésiliens, par exemple ?
Ces questions ne m'intéressent pas. Je m'intéresse davantage au sexe. Je m'intéresse plus à la sexualité qu'à la politique.
Et le mélange sexe et politique à la Koji Wakamatsu dans les années 1960 ?
Non, le sexe à la sauce anarchique ne m'intéresse pas du tout.
A propos du film Lors of Chaos, le tournage devait débuter en octobre et il n'est toujours pas commencé, qu'est-ce qui s'est passé ?
Le tournage commence le mois prochain. Ça a pris du retard parce qu'il fallait trouver des financements. Mais en attendant le tournage de Lords of Chaos j'ai pu tourner un film qui s'appelle Cold Fish. Je viens d'en finir le montage.
Très bon tout ça, quelle est l'histoire ?
Avec Love Exposure, ma carapace a explosé et je n'ai plus d'amour, voilà, le film. Je n'ai ni amour ni espoir ni dieu, c'est fini. Il me reste la tristesse, le désespoir, l'obscurité et l'univers absent de lumière. Pour me consoler, j'ai tourné ce film. C'est inspiré d'un fait divers, l'histoire d'un type qui a tué entre 50 et 100 personnes, on ne sait pas combien de personnes il a vraiment tué, on ne sait pas non plus comment il a fait pour passer inaperçu aussi longtemps. C'est un tueur en série qui a commis une série de crimes parfaits. La police japonaise a retrouvé cinq victimes mais on présume qu'il y en a plus que ça, personne ne sait vraiment combien. La police n'a pas réussi à trouver tous les cadavres. Personne sauf le tueur sait le nombre de victimes. Dans Cold Fish, le personnage principal n'est pas le tueur lui-même mais une personne manipulée par lui. Le film va sortir cette année.
En France aussi ?
(rires) ça je ne sais pas !
Pour en revenir à Lords of Chaos, si le tournage commence le mois prochain, le film ne sera pas près pour le festival de Cannes ?
Non, je n'en sais rien, ça ne dépend pas seulement de moi mais aussi des dirigeants du festival.
Qui vous a proposé de tourner Lords of Chaos ?
J'ai contacté des producteurs américains avant même Love Exposure parce que je savais que je n'allais pas continuer à travailler au Japon. Je leur ai donc proposé plusieurs projets et nous sommes tombés d'accord pour Lords of Chaos.
Le sujet est assez similaire à celui de Love Exposure, un culte religieux déviant, ici le satanisme.
A l'époque j'avais proposé plusieurs projets aux producteurs américains. Un de ces projets était un film avec des culottes et des belles filles, c'était Love Exposure.
Vous avez écouté les groupes de black metal comme Burzum ou Mayhem ?
Je n'aime pas vraiment le black metal.
Avez-vous rencontrer Varg Vikernes ?
Non, volontairement je n'ai pas voulu le rencontrer. Je veux rester dans mon imaginaire et ne pas être influencé par la personne réelle. Par contre, j'ai visité tous les lieux où les faits réels se sont vraiment passés.
J'ai entendu que Varg Vikernes n'était pas très content qu'on fasse un film sur sa vie.
Oui, il se fâche mais il est ainsi, il aime qu'on parle de lui et qu'on le regarde. Il dit ça comme ça. Il a expédié une lettre au producteur qui dit que si on tourne le film, il me tuera. Mais il ne fait que jouer son propre rôle. Je crois qu'il veut refaire de la musique donc s'il me tue, ce n'est demain qu'il pourra en refaire.
Vous allez vraiment construire cinq églises en bois pour les brûler ?
C'est vrai, non allons construire ces églises et les brûler. Je ne suis pas anti-Christ mais je n'aime pas l'institution créée au nom du Christ. Dernièrement, j'ai regardé à la télévision américaine un documentaire dans lequel on demandait à une personne du Vatican "si Jésus le Christ vivait aujourd'hui, vivrait-il au Vatican ?" Il a répondu non parce que le Christ détesterait le Vatican.
Oui, le Christ n'a jamais dit qu'il fallait créer une institution cléricale.
En effet.
Est-ce que vous connaissez le livre de Jacques Ellul, Anarchie et christianisme ?
Non je ne le connais pas. Comment s'appelle-t-il ? Jacques Ellul ? J'en ai peut-être entendu parler mais je ne connais pas.
Pour finir, Lords of Chaos, votre premier film anglophone tourné avec un acteur vedette, vous mettra enfin sous les feux de la rampe ?
Je préfère déplaire aux gens. Pour moi la caméra représente un pénis en érection.
Lords of Chaos sera filmé caméra-épaule ?
Oui, c'est parce que la caméra est un pénis en érection qu'il faut la tenir à la main. Un pénis ne se pose pas de lui-même sur le sol, non ? Donc je tiens à la caméra-épaule.
Trois jours, je repars demain. Je suis venu pour le festival et je pars demain en Norvège pour le tournage de mon prochain film Lords of Chaos. Je vais faire un repérage des lieux et passer des auditions pour choisir les seconds rôles.
Jackson Rathbone doit jouer le rôle principal, celui de Varg Vikernes ?
C'est presque décidé mais les rôles secondaires ne sont pas encore choisis. Lords of Chaos est un projet qui a débuté l'an dernier à Los Angeles.
OK. On parlera de Lords of Chaos tout à l'heure. Tout d'abord félicitations pour Love Exposure qui est pour moi un très très grand film. Pourtant il n'a pas été distribué en France. Pourquoi ?
(rires) Je ne sais pas. Peut-être à cause de la durée du film. On ne peut que le passer deux fois par jour.
Pourtant le film est sorti en Angleterre et en Allemagne.
Oui mais ce n'est pas moi qui décide.
Qui décide ?
Ce sont les acheteurs, les distributeurs. S'il n'y a pas de distributeurs, le film ne peut pas être diffusé. Et aucun distributeur en France n'a voulu payer pour Love Exposure.
Pourtant partout où le film a été projeté, les critiques ont été très bonnes jusqu'à considérer Love Exposure comme le meilleur film de 2008. Vous n'êtes pas frustré qu'il ne soit pas distribué dans plus de pays ?
Bien sûr que je suis frustré mais je ne peux rien y faire.
En France, on peut seulement trouver trois de vos films en DVD. On est obligé de les télécharger illégalement sur Internet. Qu'est-ce ça vous inspire ?
C'est parce que je ne suis pas populaire ici. Aux États-Unis, un coffret de DVD intitulé Avant Suicide Club qui comprend tout ce que j'ai fait avant mon film Suicide Club va bientôt être distribué. On y trouvera tous des films comme I Am Sono Sion, Bicycle Sighs ou The Room. Tous mes premiers films. Et j'ajoute que tous ces films sont déjà disponibles au Japon.
Justement, comment ça se passe au Japon ?
On peut trouver mes films, encore heureux ! S'ils n'étaient pas distribués au Japon, qu'est-ce je deviendrais ! En même temps, au Japon, je suis considéré comme quelqu'un de très particulier. Je n'y rencontre pas un grand succès mais j'y ai une liberté totale. Quand on est un bon élève, il faut respecter les règles. Et comme moi je fais des films plutôt marginaux, on m'accepte gentiment. On me tolère, disons.
A propos du choix de vos acteurs et actrices, vous mettez souvent en scène des personnes issues de groupes de pop japonaise qui ne sont pas des acteurs professionnels. Par ailleurs l'actrice Hikari Mitsushima est très belle. Comment choisissez-vous les acteurs ?
Oui, ce sont souvent des idols mais qui ne sont pas très connus. Mais ça me fait plaisir de voir qu'ils deviennent connus après avoir joué dans mes films. Par exemple, Hikari Mitsushima a reçu plusieurs prix d'interprétation féminine au Japon pour Love Exposure. Donc c'est sûr que sa notoriété va s'accroitre et qu'elle pourra continuer sa carrière cinématographique.
Vous avez commencé votre carrière par la poésie au sein d'un collectif appelé Tokyo GAGAGA. En quoi consistait ce collectif ?
Entre 17 et 21 ans, j'ai écrit des poèmes avant de tourner des films auto-produits en 8 mm. Après ces premiers essais cinématographiques j'ai voulu revenir vers la poésie et j'ai créé le mouvement Tokyo GAGAGA. Vu de loin, ce mouvement pouvait paraître comme des manifestations de rue mais en fait il s'agissait de personnes qui écrivaient des poèmes sur des drapeaux et marchaient dans la rue en arborant leurs drapeaux. Il n'y avait aucun message politique ou social définis. Les policiers venaient souvent empêcher nos manifestations mais comme il n'y avait aucune raison pénale de nous en empêcher, ils ne pouvaient pas nous arrêter.
C'était inspiré par le mouvement dada ?
Cette activité n'avait rien d'artistique. Ce n'était même pas un performance. Nous étions environ 200 personnes à descendre dans la rue et je pense que personne ne pensait faire quelque chose d'artistique. C'était comme si une foule se rendait à un concert de punk. Tout ça n'avait rien de politique, il n'y avait aucune revendication. Nous n'étions pas des gauchistes. En apparence, on pouvait comparer ça à une renaissance des luttes des années 1960 mais nous prenions simplement du plaisir à écrire des poèmes et à les montrer. Et je criais GAGAGA, GAGAGA !
Qu'est-ce que ça veut dire ?
C'est le son de l'âme. Ça n'a pas vraiment de sens.
A l'instar du mouvement lettriste d'Isidore Isou dans les années 1950 ou le scat dans le jazz. Une recherche phonétique avant tout.
Oui, c'est tout à fait ça.
Quelle était l'idée de passer des poèmes de Tokyo GAGAGA au cinéma ?
Ce sont deux choses complètement différentes. J'ai arrêté de faire des films pour me consacrer au mouvement GAGAGA. J'avais déjà réalisé plusieurs films dont Bicycle Sighs et The Room. C'est seulement après que j'ai lancé Tokyo GAGAGA. Puis j'en ai eu assez et je suis parti aux États-Unis à San Francisco pendant un an. Et j'ai travaillé au scénario de Suicide Club.
En parlant de Suicide Club, je sais qu'au Japon les suicides sont fréquents y compris chez les adolescents, mais le suicide collectif de grande envergure, c'est une histoire inventée ?
Bien sûr, il n'y a pas autant de suicides collectifs et de cette ampleur, mais l'année après la sortie de Suicide Club, en 2002, on a découvert l'existence de sites internet où des dizaines de personnes avaient décidé de se suicider collectivement. Je ne sais pas si ces personnes avaient vu Suicide Club. Disons que j'ai pu prédire ce qui pouvait ou ce qui allait se passer.
A propos de votre manière de filmer, je remarque qu'il y a beaucoup de scènes tournées caméra-épaule dans le style de guerilla shooting de Hisayasu Sato, c'est-à-dire filmer dans les lieux publics sans autorisation, à la sauvette.
C'est vrai. Les premières séquences de Suicide Club ont été tournées dans le style guerilla shooting. Mais évidemment, au bout d'un moment, le personnel de la gare de Shinjjuku nous a demandé d'arrêter de filmer.
En parlant de Hisayasu Sato, qu'est-ce que vous pensez des pinku eiga [films érotiques japonais bien particuliers popularisés à partir des années 1960] ?
J'ai vu beaucoup de pinku eiga mais je ne suis pas influencé par ça. Je préfère les films érotiques européens comme Emmanuelle et les films softcore suédois. Et Russ Meyer que j'aime bien. Quand j'étais jeune, j'ai vu beaucoup de films érotiques européens.
C'est vrai que vous avez tourné des pinku eiga avec un pseudonyme ?
Ce qui est sûr, c'est que j'ai tourné un pinku classique et un autre pinku homosexuel mais je ne me souviens si j'ai utilisé un pseudonyme pour ça. C'était pas des films érotiques comme les roman porno de la Nikkatsu, c'était vraiment des films porno. Mais bien sûr, les sexes étaient pixelisés à cause de la censure au Japon.
Vous aimez bien le photographe Nobuyoshi Araki ?
Oui, on se connait bien, c'est un ami à moi. On boit des verres ensemble de temps à autres. Mais un jour je lui ai demandé de jouer dans mon film qui s'appelle Utsushimi, que j'ai réalisé en 2000, un an avant Suicide Club. Ce film est un semi-documentaire sur la pratique photographique d'Araki et en même temps une fiction érotique et dramatique.
Quels réalisateurs français aimez-vous ?
Il y en a beaucoup, je ne sais pas qui citer. René Clément bien sûr, même si ce n'est pas mon réalisateur préféré. Quand j'étais au lycée j'aimais beaucoup les films de Jean-Luc Godard.
Godard est suisse, il n'est pas français !
(rires) OK, alors François Truffaut. J'aime aussi quelqu'un qui a réalisé un film sur Jeanne d'Arc, Robert Bresson. Le Procès de Jeanne d'Arc (1962) est un film formidable.
Pourtant, le style de Bresson n'est pas du tout votre style, un peu janséniste, très austère ?
Ce qu'il faut savoir c'est que les réalisateurs que j'aime bien n'ont rien a voir avec mon propre style. J'aime bien les réalisateurs un peu absurdes. Comme Paul Verhoeven. Robocop. Showgirls, j'adore, c'est un de mes films préférés si ce n'est le préféré. J'adore ce film.
Pour ce qui concerne le cinéma japonais, vous détestez Yasujiro Ozu, non ?
C'est à cause de Ozu que le cinéma japonais s'est détérioré. A cause de lui, le cinéma est devenu moins spectaculaire.
Pourtant votre dernier film Be Sure to Share peut faire penser à une histoire familiale très simple comme dans les films d'Ozu ?
C'est volontaire. J'ai fait ça pour que les critiques japonais se disent "quand Sono Sion veut faire un beau film, il y arrive" alors qu'ils ont violemment critiqué Love Exposure. Les critiques japonais se sont dits, "c'est bon Sono Sion est devenu un réalisateur mature".
Pourtant Love Exposure a reçu un prix au festival de Tokyo ?
Oui mais c'était le prix du public pas des critiques. La plupart des critiques japonais ont trouvé que c'était un film vulgaire.
Vulgaire ? J'ai trouvé ça très pur...
Je suis d'accord avec vous, Love Exposure est un film très pur.
Pour parler plus profondément de vos films, pour vous l'individu ne peut pas vivre et s'exprimer sous les institutions que sont l'école, la famille, l'église et la société en général. Vous prônez un individualisme forcené voire un anarchisme.
On peut être libre dans une institution mais il faut se libérer de ces institutions et de sa propre institution. Pour citer le poète français Paul Eluard, quand on est adulte, il faut institutionnaliser les individus, on peut trouver une institution dans chaque individu et vice versa. L'idéal est d'être libre et de s'affranchir au sein même de l'institution.
Au début du film Strange Circus, vous citez Huysmans, une phrase d'A Rebours où un esthète s'exile du monde social. Encore une preuve d'anarchisme...
Oui et cette année, je compte réaliser un film autour d'Oscar Wilde et du marquis de Sade et y incorporer des éléments tirés des livres de Joris-Karl Huysmans et de Georges Bataille.
Vous aimez bien la littérature française ?
J'adore ça. J'adore Jean Genet.
Que des rebelles à ce que j'entends ?
J'aime les poètes français comme Guillaume Apollinaire et François Villon.
Des taulards pour certains !
(rires) C'est vrai que certains d'entre eux sont allés en taule ! Mais j'adore quand même la littérature française.
Vous comptez peut-être faire un film biographique sur un écrivain français ?
Non, la plupart des films biographiques sont très ennuyeux.
Ça m'étonne que vous parliez du marquis de Sade. Il est évoqué dans plusieurs pinku eiga et le personnage principal de Quand l'embryon part braconner de Koji Wakamatsu s'appelle Sado. Sade est si populaire au Japon ?
Je ne pense pas que Sade lui-même soit très connu mais la pratique du sadomasochisme est très répandue au Japon. Seulement, les gens ne savent pas que ça vient de deux auteurs, Sade et Sacher-Masoch. Les gens se foutent de la littérature, c'est l'acte sexuel déviant qui leur plait. Peu importe le nom de l'inventeur.
Pour en revenir à l'anarchisme, je pense au film Hazard où un des acteurs cite Walt Withman et prône en quelque sorte un avenir anarchique.
(rires, pas de commentaires)
Hazard a été tourné en 2002 mais il sorti en 2005. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Plein de choses, à vrai dire. Je ne sais pas si je peux le dire mais le producteur s'est tiré avec l'argent.
Ah oui, je peux l'écrire ça ?
Oui vous pouvez l'écrire, maintenant il y a prescription.
Dans Hazard, que j'aime beaucoup, j'ai vu ça comme un film à rebours d'America America d'Elia Kazan. Dans America America, la personne part de Turquie pour émigrer à New York. Dans Hazard, le Japonais part à New York pour devenir un autre homme mais il revient au Japon comme un homme nouveau.
(surpris) Vous faites une interprétation nouvelle de ce film. C'est intéressant mais je n'ai pas vu America America d'Elia Kazan.
L'idée d'un homme nouveau qui revient au Japon, c'est un peu une idée nietzschéenne, l'homme nouveau, genre le bébé spatial, sur-homme, qui revient sur Terre dans 2001 L'Odyssée de l'espace de Kubrick ?
(rires) Oh la la ! Nietzsche, carrément ! Hazard est un film assez curieux, j'ai commencé à écrire le scénario basé sur un assassinat sadomasochiste réel. Ce criminel a vécu à New York et j'y suis allé pour tourner le film sur les lieux du crime. C'est seulement lors du début du tournage que j'ai complètement laisser tomber l'idée de départ, c'est-à-dire faire un film sur ce meurtrier. Tout est devenu complètement différent pour moi, j'ai complètement oublié le côté SM. C'est à ce moment que j'ai également compris que le producteur n'était pas très honnête. C'est alors que je me suis souvenu du film Easy Riders qui avait, en partie était filmé caméra épaule à la Nouvelle-Orléans lors d'un carnaval, sans lumière artificielle. Donc j'ai tourné Hazard sans lumière artificielle en plans séquences et c'est seulement au montage du film qu'on a travaillé la lumière. Ce film est la matrice de mon style actuel.
C'est pour ça qu'il y a un grain particulier dans l'image, surtout dans les scènes tournées la nuit ?
Oui, ça a un côté nouveau cinéma américain. Et ça convient bien au thème du film.
En tous cas je trouve que c'est un très beau film.
Merci. Au Japon, tous les critiques l'ont détesté.
Ce qui est paradoxal c'est que dans Hazard, le personnage principal va à New York pour trouver sa propre identité alors qu'au Japon, un sentiment anti-américain domine.
Au Japon, la plupart des gens ne sont pas du tout anti-américains. Au contraire, on cherche à être protégés par les États-Unis.
Pourtant dans les années 1960, les manifestations ont d'abord été un cri contre la présence américaine sur le sol japonais.
Aujourd'hui c'est le contraire, les revendications des années 1960 sont finies. Au contraire, les gens pensent que ce n'est pas très malin d'aller contre la politique des États-Unis. Le Japon est de plus en plus conservateur et c'est dans son intérêt d'entretenir de bonnes relations avec les États-Unis. C'est une des raisons pour lesquelles mes films sont détestés au Japon.
Que pensez-vous du statut des minorités au Japon. Les Coréens, les Chinois ou les Brésiliens, par exemple ?
Ces questions ne m'intéressent pas. Je m'intéresse davantage au sexe. Je m'intéresse plus à la sexualité qu'à la politique.
Et le mélange sexe et politique à la Koji Wakamatsu dans les années 1960 ?
Non, le sexe à la sauce anarchique ne m'intéresse pas du tout.
A propos du film Lors of Chaos, le tournage devait débuter en octobre et il n'est toujours pas commencé, qu'est-ce qui s'est passé ?
Le tournage commence le mois prochain. Ça a pris du retard parce qu'il fallait trouver des financements. Mais en attendant le tournage de Lords of Chaos j'ai pu tourner un film qui s'appelle Cold Fish. Je viens d'en finir le montage.
Très bon tout ça, quelle est l'histoire ?
Avec Love Exposure, ma carapace a explosé et je n'ai plus d'amour, voilà, le film. Je n'ai ni amour ni espoir ni dieu, c'est fini. Il me reste la tristesse, le désespoir, l'obscurité et l'univers absent de lumière. Pour me consoler, j'ai tourné ce film. C'est inspiré d'un fait divers, l'histoire d'un type qui a tué entre 50 et 100 personnes, on ne sait pas combien de personnes il a vraiment tué, on ne sait pas non plus comment il a fait pour passer inaperçu aussi longtemps. C'est un tueur en série qui a commis une série de crimes parfaits. La police japonaise a retrouvé cinq victimes mais on présume qu'il y en a plus que ça, personne ne sait vraiment combien. La police n'a pas réussi à trouver tous les cadavres. Personne sauf le tueur sait le nombre de victimes. Dans Cold Fish, le personnage principal n'est pas le tueur lui-même mais une personne manipulée par lui. Le film va sortir cette année.
En France aussi ?
(rires) ça je ne sais pas !
Pour en revenir à Lords of Chaos, si le tournage commence le mois prochain, le film ne sera pas près pour le festival de Cannes ?
Non, je n'en sais rien, ça ne dépend pas seulement de moi mais aussi des dirigeants du festival.
Qui vous a proposé de tourner Lords of Chaos ?
J'ai contacté des producteurs américains avant même Love Exposure parce que je savais que je n'allais pas continuer à travailler au Japon. Je leur ai donc proposé plusieurs projets et nous sommes tombés d'accord pour Lords of Chaos.
Le sujet est assez similaire à celui de Love Exposure, un culte religieux déviant, ici le satanisme.
A l'époque j'avais proposé plusieurs projets aux producteurs américains. Un de ces projets était un film avec des culottes et des belles filles, c'était Love Exposure.
Vous avez écouté les groupes de black metal comme Burzum ou Mayhem ?
Je n'aime pas vraiment le black metal.
Avez-vous rencontrer Varg Vikernes ?
Non, volontairement je n'ai pas voulu le rencontrer. Je veux rester dans mon imaginaire et ne pas être influencé par la personne réelle. Par contre, j'ai visité tous les lieux où les faits réels se sont vraiment passés.
J'ai entendu que Varg Vikernes n'était pas très content qu'on fasse un film sur sa vie.
Oui, il se fâche mais il est ainsi, il aime qu'on parle de lui et qu'on le regarde. Il dit ça comme ça. Il a expédié une lettre au producteur qui dit que si on tourne le film, il me tuera. Mais il ne fait que jouer son propre rôle. Je crois qu'il veut refaire de la musique donc s'il me tue, ce n'est demain qu'il pourra en refaire.
Vous allez vraiment construire cinq églises en bois pour les brûler ?
C'est vrai, non allons construire ces églises et les brûler. Je ne suis pas anti-Christ mais je n'aime pas l'institution créée au nom du Christ. Dernièrement, j'ai regardé à la télévision américaine un documentaire dans lequel on demandait à une personne du Vatican "si Jésus le Christ vivait aujourd'hui, vivrait-il au Vatican ?" Il a répondu non parce que le Christ détesterait le Vatican.
Oui, le Christ n'a jamais dit qu'il fallait créer une institution cléricale.
En effet.
Est-ce que vous connaissez le livre de Jacques Ellul, Anarchie et christianisme ?
Non je ne le connais pas. Comment s'appelle-t-il ? Jacques Ellul ? J'en ai peut-être entendu parler mais je ne connais pas.
Pour finir, Lords of Chaos, votre premier film anglophone tourné avec un acteur vedette, vous mettra enfin sous les feux de la rampe ?
Je préfère déplaire aux gens. Pour moi la caméra représente un pénis en érection.
Lords of Chaos sera filmé caméra-épaule ?
Oui, c'est parce que la caméra est un pénis en érection qu'il faut la tenir à la main. Un pénis ne se pose pas de lui-même sur le sol, non ? Donc je tiens à la caméra-épaule.
1 commentaire:
Si vous me permettez de venir commenter votre page si pure et complète, alors que je connais tout juste ses deux derniers films, TAG et LOVE&PEACE, 5 ans après cet entretien...
Dans son style extrême, brouillé d'explosif et de violence, je trouve une approche sincère et une pureté de l'âme (si j'ose le dire !)
Voici quelques questions qui m'interpèlent :
- la production et la distribution
Si ses films n'ont pas été diffusés en France, cela ne serait pas tant en raison de l'appréciation du public ou du calcul des distributeurs français, que de son adaptabilité au système japonais du cinéma.
Comme vous le savez bien, le gouvernement investit énormément au festival de Cannes pour promouvoir les films japonais, mais si le film n'entre pas dans ce circuit relayé ensuite par uniFrance, il ne peut pas y avoir beaucoup de chance.
Par ailleurs, j'ai été étonnée de voir dans le générique de LOVE&PEACE 4 ou 5 personnes figurer en tant que producteurs. Que cela peut signifier ? une petite production indépendante et collaborative ? Pourtant les moyens financiers employés semblent d'une envergure, vu les acteurs, les effets spéciaux… Un énigme à déchiffrer autour de la production de chaque film.
- le féminisme
j'ai vu TAG comme un film très féministe où il est question de la quête perpétuelle d'une identité féminine entre les contraintes sociales et les fantasmes dont les filles se nourrissent. Il ne s'agirait pas seulement des ados, mais des filles de trois générations (10s, 20s et 30s, Eriko SHINODA en robe de mariée était sublime). Le regard porté sur ce thème me semblait très tendre. Les filles ne sont pas brimées au moins !
- son implication dans la politique
c'est vrai comme il l'affirme dans cet interview, Sono ne ferait pas la politique avec ses films. Pourtant tous les problèmes socio-politiques du Japon actuel sont là, visibles. LOVE&PEACE frôlent les polémiques sur les JO Japan 2020, plan urbain fragile aux catastrophes, maltraitance des animaux et puis le virement de l'Etat vers le nationalisme…
Le comble c'est qu'au début de ce film, les personnalités réelles anti-gouvernementales interviennent sous forme d'un télé-documentaire : Soichiro TAHARA, journaliste politique et ancien réalisateur qui faisait partie de l'ATG; Sinji MIYADAI, sociologue ; Kenichiro MOGI, chercheur en neurosciences, ces deux derniers sont très actifs en ce moment menant des actions et discours (sur Twitter) contre le projet de loi Sécurité. Ce sont certainement des amis de Sono, bien que lui-même ne s'y implique directement. Le film reflète ainsi par le détour de son écriture fantastique, leurs idées, philosophiques et politiques.
En quelque sorte, j'y trouve une dimension très sociale ou comme un groupement collaboratif, sans oublier de souligner que le cinéma est un art de collaboration.
Qu'en penserez-vous ?
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