dimanche 3 mai 2009

Koji Wakamatsu - Quand l'embryon part braconner (1966)

Périsse le jour où je suis né
Et la nuit qui dit : un enfant mâle est conçu !
Pourquoi ne suis-je pas mort dans le ventre de ma mère ?
Pourquoi n'ai-je pas expiré au sortir de ses entrailles ?
Livre de Job

Wakamatsu-Quand-Embryon-Part-Braconner
Deuxième film de Wakamatsu diffusé hors du Japon après Secrets behind the walls, Quand l'embryon part braconner est son film le plus connu et le plus controversé, surtout en Europe. Écrit par Masao Adachi, réalisateur et scénariste d'extrême gauche, le film est un huis clos où Sado Marukido séquestre Yuka, une de ses employées qu'il a invitée chez lui. Pendant plusieurs jours, Sado (en référence au marquis de Sade) va fouetter, molester et torturer moralement Yuka pour en faire sa femme. Une femme soumise, domestiquée comme un caniche qui lui obéirait au doigt et à l'oeil. Sado est un homme déçu et désespéré depuis que sa femme l'a quitté car il ne voulait pas d'enfant. Sado considère la vie comme un enfer et ne comprend pas qu'une femme veuille mettre au monde un enfant pour qu'il souffre et meurt. Sado maudit même sa mère de l'avoir mis au monde et ne rêve que d'une chose : retourner dans son ventre paradisiaque, tel un fœtus angélique. Psychanalyse, psychanalyse... Sado réussira-t-il à faire de Yuka sa femme ? Yuka échappera-t-elle des mains de ce sadique ?

Wakamatsu-Quand-Embryon-Part-BraconnerUn noir et blanc superbe.

Projeté au festival de Knokke-le-Zout en 1968, une partie du public conspua le film pour son sadisme et sa violence gratuite. La ressortie du film en France en 2007 fut minimisée par une stupide interdiction au moins de 18 ans. L'exception culturelle française, sans aucun doute... Bravo. Le fait est que contrairement au Japon, les films décrivant des séquestrations ou des sévices infligés à des femmes passent mal en Europe. Le réalisateur est taxé de misogynie, d'apologie de la violence, d'amoralisme, de fascisme... La liste est longue. Au Japon, il est par contre fréquent de mettre en scène la violence faite au femme, notamment le viol, la séquestration et les pratiques sadomasochistes. Témoignage de nos différences sociales et culturelles.

Wakamatsu-Sex-Quand-Embryon-Part-Braconner
Une image inadmissible en France.

Wakamatsu, habitué à montrer du sexe et de la violence dans ses films, s'explique : "Pour moi l’homme représente le pouvoir, ou en tout cas tous ceux qui l’ont, et la femme représente le peuple. C’est mon interprétation mais elle peut très bien ne pas être celle de tout le monde".

Wakamatsu-Quand-Embryon-Part-BraconnerRegard d'horreur et de frayeur.

Tout de même marginal dans l'industrie cinématographique japonaise des années 1960, Wakamatsu autoproduisait ses films ce qui en limitait les budgets. Le réalisateur devait donc tourner des films avec une équipe technique réduite, peu d'acteurs, peu de de décors et dans un minimum de temps. Quand l'embryon part braconner a été tourné en cinq jours avec trois acteurs dans l'appartement de Wakamatsu : "J’ai interdit à toute l’équipe de sortir et j’ai fait d’eux en quelque sorte des prisonniers. Au fur et à mesure tout le monde devenait fou, moi y compris. Le tournage s’est donc déroulé dans cette sorte de folie. Cet internement provisoire a permis à l’équipe de travailler vite. Ils avaient tellement envie de sortir qu’il ont bouclé le tournage dans des temps records".


Certaines images peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes.

Le film est placé sous l'exergue de l'Ancien Testament et des paroles du Livre de Job reproduites plus haut. La bande sonore du film est d'ailleurs composée de chants religieux, d'orgue d'église et de musique classique. Il faut enfin remarquer que, cinq ans avant Stanley Kubrick et Orange mécanique, Wakamatsu emploie de la musique classique pour accompagner ses scènes de violence.

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