samedi 29 octobre 2011

Marc-Edouard Nabe - L'Enculé

Vingt-deux mois après son pavé de 686 pages, L'Homme qui arrêta d'écrire, Marc-Édouard Nabe revient avec L'Enculé, premier roman sur l'Affaire DSK, qui passionna les journalistes et les futurs électeurs français pendant près de cinq mois, du 14 mai (jour du viol de Naffisatou Diallo au Sofitel, à New York) au 18 septembre (soir de l'entretien déjà mythique entre DSK et Claire Chazal, sur TF1). L'Enculé : un beau bébé de 250 pages, beau papier, belle typographie et même maquette de couverture que L'Homme qui arrêta d'écrire. Trois semaines après sa publication, le livre a peu fait parler de lui : un article de Patrick Besson (un ami) dans Le Point (hebdomadaire dirigé par un autre ami, Franz-Olivier Giesbert) et un entretien sur Europe 1 dans l'émission "Des clics et des claques". C'est maigre pour un livre consacré à "l'événement de l'année" !

Nabe DSk L'enculé
Nabe : éternel commentateur de l'actualité

L'Enculé : livre opportuniste sur un sujet qui a défrayé la chronique ? C'est vite oublier que Nabe n'a jamais cessé de la commenter, l'actualité ! Dans son Journal intime, évidemment, parsemé de commentaires sur les événements politiques et médiatiques quotidiens ; mais aussi dans ses articles pour L'Idiot International entre 1989 et 1990, et L'Imbécile de Paris en 1991 ; dans Une Lueur d'espoir (sur les attentats du 11 septembre 2001) ; dans Printemps à Bagdad (sur l'invasion de l'Irak par les États-Unis) ; dans ses articles publiés dans son journal La Vérité (et réunis dans le recueil J'enfonce le clou) ; dans ses huit tracts collés sur les murs de Paris entre juillet 2006 ("Zidane la racaille") et janvier 2009 ("Enfin nègre !") ; et donc, en octobre 2011, dans L'Enculé, sur l'"affaire Dominique Strauss-Kahn".

Ce livre sur l'affaire, s'il est inattendu, n'en est pas moins cohérent. Il est d'autant plus inattendu que lors de l'émission "Ce soir ou jamais" du 2 mai dernier, consacrée à la mort de Ben Laden, Marc-Édouard Nabe avait déclaré écrire un livre sur l'après-11-septembre et le printemps arabe. Il a donc préféré le printemps new-yorkais, en compagnie de Strauss-Khan, Diallo, Sinclair, Brafman, Taylor et compagnie.

DSK Dialo SofitelReproduction chinoise des neuf minutes de la suite 2806 du Sofitel de New York.

Nabe : mystique de l'anus, thuriféraire de la sodomie

Le titre L'Enculé sonne d'abord comme une énième provocation - hilarante - de Nabe. C'est sans compter sur l'habitude qu'à Nabe de faire référence à l'anus et à l'enculage depuis trente ans. En voici quelques extraits, pour rafraîchir la mémoire des amnésiques :

Dans Au Régal des vermines, déjà, Nabe exprimait son amour des Noirs et du jazz : "j'espère que les Noirs vont finir par enculer tous les Blancs" (phrase - tronquée - préférée de Gérard Miller)

Dans Une Lueur d'espoir, Nabe comparait le crash des avions sur le World trade Center à l'enculage du monde occidental : "évidemment c'est sexuel. La mort ne demande pas à la vie son avis lorsqu'elle l'encule. Sodomie surprise ! Pas le temps d'écarter les fesses, quelque chose est déjà dedans".

Dans le chapitre "Sodomie chez Saddam" de Printemps de Feu, Nabe enculait Schéhérazade : "juste à côté de son sexe, le revoilà : l'Autre ! Le Seul ! Le Point d'extravagance ! Le Joyau des Bijoux ! L'endroit le plus chic de l'Être ! La noblesse du Moi à l'état pur !"

Et dans L'Enculé, donc, avec, au hasard, ces quelques phrases de coït entre Dominique et Anne dans l'appartement luxueux du 153 Franklin Street : "je la retournai, écartai les deux fesses flasques de son gras cul, et plaçai ma queue de présumé innocent entre. Comme dans du beurre, et sans beurre (je n'ai jamais compris cette mythologie du beurre venue du Dernier tango à Paris). Première lambada à Manhattan ! L'anus d'Anne me happa comme un siphon, je me retrouvai en deux coups de cuillère à pot au fin fond de son rectum".

DSK Anne Sainclair
Anne Sinclair et DSK : le couple le plus balèze de l'univers.

L'Enculé

L'Enculé
est un roman, c'est écrit sur la couverture. Le lecteur se retrouve donc la tête de DSK, à partir de son réveil, le 14 mai, dans sa suite du Sofitel. C'est donc une sorte de monologue intérieur, plus dans la manière de Les Lauriers sont coupés d’Édouard Dujardin (1887) que du monologue de Molly Bloom dans Ulysse de James Joyce (1922). Dominique Strauss-Khan nous apparaît tour à tour répugnant, obsédé sexuel pathologique, sensible, attendrissant et finalement, très humain. La sympathie du lecteur pour DSK vient surtout de l'entourage détestable qui gravite autour du président déchu du FMI, notamment sa femme Anne Sinclair, ultra-sioniste névrosée et guerrière, et son avocat Benjamin Brafman, cynique plus ultra.

L'Enculé est un roman éminemment drôle, surtout dans sa première moitié : le Sofitel, le déjeuner qui s'en suit avec sa fille Camille (qui en prend plein la tronche), son arrestation, sa détention à Rikers Island (lire la scène dans laquelle un DSK diarrhéique se torche avec les pages de La Nuit d'Elie Wiesel - scène pourtant lue avec dégoût lors de l'émission "Des clics et des claques" d'Europe 1), son installation au 153 Franklin Street, sa lassitude envers Anne Sinclair, etc... Simplement une phrase, pour ne pas dévoiler tout le livre, cette scène dans laquelle DSK, libéré de sa femme, peut enfin passer plusieurs jours tout seul : "Je m'allonge sur le divan du salon, les yeux fermés, mon chien à mes côtés, et je m'écoute trois heures de chants SS".

DSK Sofitel DialoDSK et ses fameuses chemises bleues.

Tout roman qu'est L'Enculé, on ne peut pas ne pas se demander si Nabe risque un procès pour injure ou diffamation. On sait les gens tellement procéduriers. Au détour de la page 74, Nabe y fait allusion, avec amusement. Anne Sinclair dit à son mari : "Rachel aussi l'aime bien, ce Nabe... Je ne sais pas ce qu'elle lui trouve. En tout cas, qu'il ne s'avise pas d'écrire sur ton affaire. Sinon je lui fous un procès un cul !" Alors, procès ? Comme a conclu DSK son entretien TV avec Claire Chazal : "on verra... !"

3 commentaires:

Serge ULESKi - Littérature et écriture - actualité et société a dit…

Les critiques boudent le dernier livre de Marc-Edouard Nabe à propos de l’affaire DSK, l’Enculé...
Soit.
Critiques qui, et cela n’aura échappé à personne, ne découvrent le plus souvent, et parfois même exclusivement, la littérature qu'à travers le service de presse des éditeurs…

En effet, on n’a jamais vu un critique acheter un livre ; et les livres de Nabe étant auto-édités, pas moyen de se les procurer à l’œil : faut raquer. Et un critique… ça raque pas !

Dommage d’ailleurs, car, comme pour le cinéma, s’ils devaient débourser quelques euros pour faire leur métier, cela changerait du tout au tout la donne : pour commencer, ces critiquent liraient beaucoup moins de livres… moins et mieux ; et nul doute qu’ils seraient plus exigeants et donc, moins indulgents avec des livres pour lesquels il leur aura fallu débourser quelque argent !

Aussi... soit dit en passant, et pour cette raison qui en vaut bien d’autres... un conseil : évitez de prendre pour argent comptant l’avis de ceux qui n’en dépensent jamais ! Et gardez-vous bien de côtoyer ces professionnels de la lecture - professionnel non pas dans le sens de « compétent » mais… dans le sens de… « qui tire un revenu de son activité » !

***



A la fois récipiendaires et garçons de course des services de presse, marathoniens de la lecture, compte-rendu après compte-rendu qu’ils appellent abusivement critiques… pour ne rien dire de ceux qui ne commentent que les livres qu’ils ont aimés parmi ceux qui leur sont adressés par des éditeurs qui jettent leurs livres par les fenêtres comme d’autres leur argent...

Curieux tout de même ce métier de critique, quand on y pense ! Car, tout comme les libraires dont on ne sait déjà plus quoi faire, difficile d'ignorer, quand on prend la peine et le temps d'y réfléchir un peu... le fait que tous ces tâcherons passeront finalement leur vie de lecteurs-critiques-professionnels à ne découvrir une littérature que seuls les éditeurs auront bien voulu leur faire connaître… et pas n’importe quels éditeurs : une trentaine tout au plus, tous confinés, à quelques exceptions près, dans notre belle capitale et deux arrondissements en particulier.
Un autre conseil alors : côté lecture, détournez-vous de ceux qui jamais ne choisissent les ouvrages qu'ils lisent ou vendent - critiques et libraires confondus.
Une dernière chose : une idée... comme ça ! Et si demain on décidait d’interdire cette activité de critique, de toute façon ingrate et superflue, aux auteurs ? Oui ! Aux auteurs qui, le plus souvent, font de la critique comme d'autres font la plonge chez Mc Donald pour payer leurs études, tout en gardant à l’esprit ce qui suit : passer son temps à lire les livres des autres, quand on sait le temps que ça prend d'écrire les siens...




Alors oui ! A tous ces auteurs, si on leur interdisait de faire de la critique… la littérature s'en porterait beaucoup mieux, et puis aussi, cela permettrait, en partie, de mettre fin aux conflits d’intérêts que cette double identité-activité d'auteur-critique engendre inévitablement : complaisance à l’égard des auteurs appartenant à la même maison d’édition que notre critique ; et plus sournois encore : critiques dithyrambiques comme autant d'appels du pied vers la maison d’édition que ce même critique meurt d’envie de rejoindre…

Alors, combien de membres cette corporation perdrait-elle si cette interdiction devait être appliquée ?

D’aucuns pensent qu’il ne resterait que le tronc pour une activité sans queue ni tête.

tilly a dit…

Bonjour
Léo Scheer lui aussi a fait une belle analyse de la valeur littéraire de L'Enculé mais elle est encoignée au milieu des commentaires sur son blog, c'est dommage :
"La suprématie de la littérature, quand elle est entre les mains d'un grand écrivain, c'est que ce qu'il imagine devient plus vrai que les milliers de lignes écrites pour rendre compte de la réalité. En adoptant la ligne narrative qui est la sienne, celle de devenir lui-même l'enculé, de nous faire vivre ce qu'il a vécu depuis l'intérieur et dans les moindres détails de ses pulsions ou de ses réflexions, Nabe va bien au delà de tout ce que peuvent essayer de nous faire partager des milliers de journalistes à travers les millions de lignes qu'il écrivent dans leurs journaux. La réalité est écrasée par la puissance de la littérature qui peut dire une vérité inaccessible pour les journalistes. Fondamentalement, toute proportion gardée, lorsque Flaubert décide, partant d'un fait divers, de se mettre dans la peau de la Bovary, il ne fait pas autre chose que ce que tente Nabe dans ce livre. La difficulté supplémentaire dans ce que tente Nabe est d'arriver à le faire en temps réel, à chaud.
Le résultat est, de mon point de vue, particulièrement réussi. Il y a dans la lecture de ce texte un éclat de rire et une jubilation de l'écriture qui ne faiblissent pas durant 250 pages. On ressens à chaque paragraphe comme un claque, le souffle de la liberté, la vraie et on se dit : Houah! comment c'est possible?"

http://www.leoscheer.com/blog/2011/10/07/1723-l-encule-de-marc-edouard-nabe#c68773

voir aussi : http://www.scoop.it/t/marc-edouard-nabe
où je fait figurer votre billet en bonne place ;)

tomblands a dit…

Merci bien, tilly !