samedi 18 décembre 2010

Dominique de Roux par Jean Parvulesco


Dans son roman métapolitique, occultiste, "magique" et mystico-poétique L'Étoile de l'empire invisible (1993), Jean Parvulesco évoque son ami Dominique de Roux (1935-1977), éditeur, écrivain et activiste politique révolutionnaire. Au détour de réflexions métapolitiques en plein déroulement romanesque, un détour dont l'auteur est adepte, dans son style si particulier, Jean Parvulesco écrit quelques paragraphes sur l'engagement de Dominique de Roux dans la Révolution des Œillets, au Portugal, en 1974. Un passage qui n'influe en rien dans le déroulement du roman mais qui rend hommage à un homme aujourd'hui bien oublié. Il s'agit évidemment d'un roman.

Dominique de Roux.
On sait ou on ne sait pas ce que pendant, avant et après la Révolution des Œillets, en 1974, Dominique de Roux avait eu à faire au Portugal, en Afrique Autrale et aux Açores, au Brésil. Mais peut-on un seul instant envisager qu'il ait pu accomplir sa tâche, sa "mission secrète", ou tout au moins qu'il ait résolument pu tenter de le faire, sans le soutien sur place d'une structure activiste politico-stratégique, voire métapolitique, capable non seulement de traverser elle-même, et de lui faire traverser, à lui aussi, les remous de la Révolution des Œillets, mais encore et surtout de parvenir à contrôler, de l'intérieur, souterrainement, la marche visible et invisible de celle-ci et même, au bout du compte, d'en détourner les sens, d'en faire autre chose si ce n'est, en dernière analyse, le contraire même, ou presque ?

Et quelle aurait pu être cette structure activiste, cette structure activiste, cette structure politico-stratégique et métapolitique engagée sur place, sinon celle qu'eût pu proposer, à ce moment-là, l'Atlantis Magna ?

Retenons, d'autre part, les agissements anti-portugais et anti-français, anti-européens, anti-occidentaux pour tout dire, du fort interlope et peu scrupuleux personnage qui, lors de ces événements obscurs et troublés, faisait semblant d'être l'ambassadeur des États-Unis à Lisbonne, un certain Frank Carlucci. Ainsi que la longue série de trahisons majeures à mettre sur le compte de certains éléments douteux en poste à l'Ambassade de France à Lisbonne, du côté, surtout, de certains services d'un attaché militaire qui, on l'on reconnaîtra j'espère, n'en finissait plus de se rendre aux Açores et d'en revenir. Et qui, entre autres, y avait manigancé l'arrestation de Dominique de Roux avec, comme but final, sa liquidation sur place, et "aussi discrètement que possible", les Açores étant, à ce moment-là, "chasse gardée militaire française".


Mais ne me suis-je pas laissé dire que le crime d'intelligence avec l'ennemi politique anti-continental, crime imputable aux éléments ainsi visés de l'Ambassade de France à Lisbonne, sera un jour appelé à subir le feu d'une revisitation en profondeur, que rien de tout cela n'est ni ne sera oublié ?

De toutes les façons, la mise en échec finale de la mission secrète métapolitique de Dominique de Roux n'a pu être obtenue que par la neutralisation physique de celui-ci, et, d'ailleurs, plus longue échelle, cet échec n'en est absolument pas un, je dirai peut-être un jour, pourquoi. En fait, rien n'est encore décidé.

Dominique de Roux était parti pour Lisbonne avec, en poche, rien d'autre qu'une lettre de recommandation de deux lignes, mais une lettre de recommandation dont la force de frappe occulte était telle qu'il avait fallu aux autres, pour en finir avec ce qu'il avait aussitôt su mettre en branle, le neutraliser physiquement. La disparition d'un homme peut en effet suspendre, parfois, l'ensemble d'une action en cours.

Car, ce que Dominique de Roux avait à faire, exigeait qu'il commençât par changer l'histoire, et non seulement l'histoire actuelle du Portugal, mais l'histoire continentale la plus grande, et celle-ci suivant l'ouverture métapolitique intercontinentale de l'Atlantis Magna et de sa ligne impériale africain et lusitano-brésilienne. Quand saura-t-on le reste, tout ? Bientôt, j'en prends l'engagement.

mardi 14 décembre 2010

Marc Dufaud - Les Peaux Transparentes (2003)


Marc Dufaud a réalisé en 1995 un documentaire vidéo sur le punk rock français et Daniel Darc, Les Enfants de la Blank. Un documentaire qu'on aimerait (re)voir un jour ! En 2010, le même Marc Dufaud a publié une biographie de Bruce Springsteen. Entre les deux, il a publié le très intéressant Les Décadents français (2007), complément idéal à La Belle époque de l'opium d'Arnould de Liedekerke, et le roman Les Peaux transparentes (2003). Ce roman narre la descente aux enfers de Thomas, héroïnomane à Paris dans les années 1990. Un mélange de Jean Lorrain, de Roger Gilbert-Lecomte (il a d'ailleurs écrit un texte sur ce poète) et de William Burroughs, période Junky. La trajectoire est classique : un début festif et exalté sur les premiers flashes, l'arrivée terrible de l'addiction et enfin les affres et les difficultés du sevrage sous Subutex. Dans son roman, Marc Dufaud met en scène dans un "second rôle" Daniel Darc, ancien Taxi-Girl et traducteur de William Burroughs, sous le nom de Clean Cut Kid : une référence à la chanson de Bob Dylan extraite de l'album Empire Burlesque, 1985.

Marc Dufaud.

Petit passage sur Clean Cut Kid :

Clean Cut Kid était l'ex-chanteur d'un groupe phare des 80's. Sa génération, héritière de Mai 68, avait pris d'assaut les années 1980, la shooteuse au bras. Contre l'herbe des hippies et leur avachissement, la brutalité de l'héroïne ! Encore élitiste, le produit faisait à peine irruption dans le champ dit social, la came cristallisait cet extrémisme neuf [...] La dope marquait alors en somme l'appartenance à une mouvance radicale et romantique. Radicalement glamour et radicalement dans l'erreur... Sans doute ! En tout cas droit dans le mur.

Les titres des chapitres invoquent tout un panthéon musical rock 50's, dylanien et du punk: "Mystery Train", "Destiny Street", "Blank Generation", "Lust for Life", "Even Serpents Shine", "Ballad of a Thin Man", etc. Marc Dufaud fait d'ailleurs explicitement au Velvet Underground, aux Stooges, à Kim Fowley, à Johnny Thunders, aux Only Ones ou à Willy de Ville. Des goûts sûrs, donc. "Toute la foutue bande son !", écrirait Patrick Eudeline...

Daniel Darc a finalement choisi entre la came et le christianisme.

En dehors de sa bande son, le livre est aux antipodes de l'énumération systématique de disques de rock ou d'anecdotes musicales. La drogue est vraiment au cœur du livre, presque à toutes les pages. Le tout est parfois lumineux, souvent pathétique, comme tous les romans traitant de ce sujet. Les Peaux transparentes est le témoignage d'un certain milieu parisien des années 1990. Une époque (déjà) bien révolue.

samedi 4 décembre 2010

Darezhan Omirbaev - Kaïrat (1991)


Après son court métrage Shilde (1988), le cinéaste kazakh Darezhan Omirbaev est passé au long métrage. Kaïrat (65 minutes) daté de 1991 et non de 1992, comme l'affirme imdb.com. Quoiqu'il en soit, Omirbaev reprend la caméra où il l'avait laissée avec Shilde. Avec une certaine cohérence, le spectateur averti remarquera immédiatement que la première séquence du film se passe au même endroit que Shilde, c'est-à-dire une gare ferroviaire paumée du Kazakhstan. D'ailleurs, les similitudes entre Shilde et Kaïrat sont nombreuses : l'importance de la salle de cinéma pour rencontrer le sexe opposé, l'omniprésence du train (une étude sur la poétique ferroviaire d'Omirbaev est nécessaire - mais ça intéresse qui ? - c'est tellement plus gratifiant de répéter des lieux communs sur Fritz Lang), les séquences rêvées buñuelesques (avec une salle de cinéma qui se transforme en salle concert classique) - complexe prolétarien) voire certains plans totalement jumeaux : le frôlement des coudes lors de la projection d'un film ou la position du héros principal en plein sommeil.

Comparez ce plan avec celui-ci, de Shilde.

La fameuse salle de concert / cinéma (à comparer ici).

Fidèle à son court métrage, Darezhan Omirbaev continue dans ses plans sobres, ses travelling ferroviaires, ses dialogues réduits à peau de chagrin et son noir et blanc sublime dans les villes froides et endormies du Kazakhstan.


L'architecture soviétique dans toute sa splendeur. On a la même en France.

Il n'y a pas vraiment de d'histoire, seulement celle d'un étudiant qui remarque une fille lors d'une séance de cinéma (comme dans Shilde) et qui tente de l'aborder. S'ensuit une rêverie frustrante très bien filmée et très bien montée. Omirbaev est vraisemblablement un caïd du plan.

Masao Adachi - Datai / Abortion (1966)

Masao-Adachi-Abortion-Datai
Compagnon de route de Koji Wakamatsu, Masao Adachi a réalisé en 1966 son premier film commercial : Datai (Abortion), justement une production de Koji Wakamatsu. Un film étonnant, parodie des films éducatifs sur la sexualité (bakusan eiga en japonais). Pour plus de renseignements à propos des films éducatifs nippons sur la sexualité, lire cet article de Roland Domenig. Masao Adachi alterne entre le didactisme, l'humour, le dégoût, la critique des mœurs des années 1960 (le corps et l'enfant considérés comme objets de consommation) et le questionnement sur l'éthique scientifique et le progrès.

Masao-Adachi-Abortion-Datai
Abortion commence par des images d'accouchement tournées en 16 mm et directement repris de films éducatifs des années 1940. Par la suite, Adachi nous montre un gynécologue en prison qui écrit ses mémoires et tente de réhabiliter ses recherches scientifiques (pour lesquels il est se retrouve justement entre quatre murs). Ce gynécologue, nommé Marukido Sadao (la prononciation japonaise du Marquis de Sade, détail qui n'étonnera pas les amateurs d'Adachi et de Wakamatsu), écœuré d'avoir pratiqué 3 avortements par jour depuis 8 ans et donc tué plus d'un millier de fœtus, a cherché un moyen de séparer l'acte sexuel et la reproduction. Il parvient ainsi a inventé un système de couveuse artificielle mais se fait arrêter par la police.

Masao-Adachi-Abortion-Datai

Pour mieux connaître Masao Adachi, lire cet entretien de Nihon Cine Art, très copieux, datant de 2003 et abordant les grandes lignes de la carrière atypique du réalisateur japonais.

vendredi 3 décembre 2010

Darezhan Omirbaev - Shilde (1988)


A la fin des années 1980, en plein renouveau du cinéma de Kazakhstan (voir par exemple le cinéaste Rachid Nougmanov), Darzehan Omirbaev, né en 1958, réalise le court métrage Shilde (Juillet, en français). En 24 minutes, Omirbaev dépeint la journée de deux enfants kazakhs en plein été. Dans un village paumé en plein désert, les deux enfants vont au cinéma (dont le bâtiment est orné d'un portrait de Lénine), voir un film certes, mais également regarder les jeunes filles et connaître leurs premiers émois... Pour imiter les acteurs vus dans les films. Bel hommage au cinéma et à son influence sur la vie réelle.

Un centre-ville animé...

Embouteillage au Kazakhstan.

Problème : le cinéma est payant et si les deux enfants veulent revenir à la séance du soir, il va falloir très vite trouver 3 roubles. Ils décident donc d'aller voler deux melons pour les vendre à la guerre ferroviaire du coin...

Cinéma !

La meilleure scène du court-métrage est sans doute la séquence où un des enfants s'assoupit et rêve de son entrée au cinéma, transformé en salle de concert. Une séquence que n'aurait pas renier Luis Buñuel ! Plus généralement, Darezhan Omirbaev offre un montage sans fioriture, dans un noir et blanc très beau. Il alterne judicieusement les plans larges et les plans serrés, en économisant au maximum les dialogues. Un bon court métrage.