samedi 16 octobre 2010

Poème pornographique de Jean de Tinan


Jean de Tinan (1874-1898) était très ami avec Pierre Louÿs (1870-1925). Les deux écrivains français ont échangé de nombreuses lettres, réunies en grande partie par les éditions du Limon en 1995. Le 15 avril 1896, Tinan adresse à Louÿs un pastiche pornographique "d'après la Première Automnale d'André Lebey". Lebey étant un ami commun. La référence finale à la Russie est une allusion à l'alliance franco-russe, dont on parlait beaucoup en France depuis 1895, date à laquelle l'escadre de l'amiral russe Avellan avait été triomphalement reçue en France.

Le désir de baiser et l'espoir d'être indemne
Vers les bordels déserts ont érigé nos pas
Nous sommes un peu saouls et ces femmes qu'on aime
Sans trop savoir leurs noms ne messieront pas.

Ah ! Toute femme est bonne à qui n'a pas voulu
Malgré la solitude et qu'il bandât si fort
Au seul Autopalmaire dédier son rut ;
Beau songe d'idéal pur et chaud quand ça sort.

Faisons sucer nos queues et sans autres caresses
Essayons un bonheur quoique un peu passager
Sans craindre le réveil de la trop courte ivresse
Où nos reins lourds s'efforcent d'éjaculer ;

Oui c'est une putain mais au moins elle avale
Et par sa bouche au moins, moyennant une thune
L'amour agenouillé peut tailler une plume
A ceux dont l'Âme-Sœur se nomme Peau-de-Balle.

Regarde auprès de toi la cuvette si bonne
Et le beau linge neuf doux à s'en essayer
Quand viendra le moment où tu devras rincer
Ma suprême blancheur que l'amour abandonne,

Ecoute les glouglous de leurs bouches qui sucent,
Vois la conviction de leurs langues fidèles
Et, pèlerin pieux des antiques bordels
Jouis dans toutes ces putains - avant les Russes.

Taverne Murger. 15 avril. 1h du matin.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Excellent !

Aphonsine a dit…

Bonjour et merci d'avoir publié ce poème. Puis-je savoir cependant où vous l'avez trouvé ? Est-ce dans la correspondance que vous mentionnez, ailleurs ?
Bien cordialement,

tomblands a dit…

@ Fréneuse (amateur de Jean Lorrain, j'imagine)
Effectivement, ce poème de Jean de Tinan est extrait de la Correspondance Tinan-Louys (1894-1898), éditée aux éditions du Limon en 1995. Avec de la chance, on peut encore trouver l'ouvrage...