Comme de nombreux réalisateurs japonais, Kiyoshi Kurosawa a débuté sa carrière professionnelle par un film érotique - les fameux pinku eiga, un genre unique du cinéma. Littéralement, Kandagawa inran senso signifie les guerres obscènes de la rivière Kanda (une rivière de Tokyo). Un film qui ne laissait pas présager les futurs thrillers que sont Cure (1997) ou Kairo (2000).
En 1983, grâce à l'intermédiaire de Banmei Takahashi (réalisateur du sulfureux Tokyo Decadence: New Love in Tokyo en 1994), Kiyoshi Kurosawa est engagé par la compagnie Million pour réaliser un "film pour adulte". Kurosawa a carte blanche pour le scénario ; le seul impératif est d'inclure cinq ou six scènes de sexe simulé. Le scénario est simple : Akiko, une jeune femme qui vit dans un immeuble de la banlieue tokyoïte de Kandagawa décide de ne plus travailler et de passer ses soirées à espionner l'immeuble d'en face. On pense évidemment à Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock. Akiko partage ce passe-temps avec sa voisine de palier, Masami. Un soir, alors que Masami observe l'appartement de nouveaux arrivants, une mère et son fils, ceux-ci se mettent à faire l'amour. Masami révèle à Akiko sa découverte et les deux jeunes femmes décident d'intervenir et de délivrer le garçon de sa mère incestueuse.
Malgré le formatage des pinku eiga, Kiyoshi Kurosawa fait ici preuve d'originalités, d'audaces et d'hommages à la Nouvelle vague française : plans séquences, utilisation de la voix off lors d'une scène de sexe particulièrement bien montée (on pense aux raccords de Godard dans A Bout de Souffle), alternance de rires et de silences, situations absurdes et exagérées, parodies de scènes de guerre et un final qui n'est pas sans rappeler Pierrot le Fou. Sans compter le générique "parlé" comme dans Le Mépris de Godard et la version française (et non anglaise, pourquoi ?) de Blue Rita de Jess Franco, qu'il ne faut pas oublier, car c'est un maître.
Flagrant délit de nudisme sur le toit d'un immeuble de banlieue.
Un dernier mot sur le mur de l'appartement du couple incestueux, tapissé de feuilles blanches remplies de noms de films : les westerns, les films d'actions des années 70 y côtoient John Ford et Jean-Luc Godard. On remarque ainsi :
Riot in Cell Block 11 de Don Siegel,
Big Bad Mama de Steve Carver,
The Last Run et Don is Dead de Richard Fleischer,
Woman in the Window et Hangmen also die ! de Fritz Lang,
Vertigo, Topaz et Number 17 d'Alfred Hitchcock,
Rising of the Moon, This is Korea !, Two Rode Together, Mogambo et She Wore Yellow Ribbon de John Ford,
et surtout,
une collection des premiers films de Jean-Luc Godard : Charlotte et son Jules, A Bout de Souffle, Le Petit Soldat, Une Femme est une Femme, Les Carabiniers, Bande à Part, Le Mépris, Alphaville, Masculin/Féminin et Made in USA.
Au final, Kandagawa Pervert Wars est un bon film, très attachant, grâce au jeu et à la beauté des deux actrices principales et à la mise en scène d'un jeune Kiyoshi Kurosawa déjà bien inspiré. Ci-dessous, une scène de massage à la japonaise entre Akiko et Masami. A conseiller seulement aux personnes suffisamment souples et bien entraînées.
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