lundi 27 septembre 2010

Interview with Khavn de la Cruz (2010)

Khavn-de-la-Cruz
Khavn de la Cruz est un des réalisateurs les plus prolifiques et les plus fous des Philippines. Sûrement le fou le plus prolifique avec plus de 100 courts métrages et 28 longs métrages en dix ans. Khavn fait partie de cette génération qui doit son salut au numérique et à la possibilité de filmer, monter et diffuser à coûts réduits des films tournés en DV. Il est régulièrement récompensé dans des festivals internationaux et a fondé la maison de production Filmless Film. Chacun de ses films est ainsi introduit par la phrase : "this is not a film by Khavn" Parmi ses œuvres, citons Squatterpunk, Family That Eats Soil, Vampire of Quezon City et, dernièrement, Son of God. Khavn de la Cruz s'explique sur ses films et ses motivations dans cet entretien.


Khavn-de-la-Cruz-Squatterpunk
Quand avez-vous découvert le cinéma ? Quels films regardiez-vous quand vous étiez plus jeune ?

J'ai souvenir d'avoir regardé Victory (de John Houston, 1981, ndla) avec mon père. C'est un film de football. Stallone et Pelé contre les nazis. Je regardais aussi des films Disney dans un cinéma qui est devenu une église. Je louais des cassettes Betamax et VHS dans un magasin de location du quartier. J'ai regardé beaucoup de séries B.

Êtes-vous allé dans une école de cinéma ou êtes-vous autodidacte ?

J'ai d'abord fait des études d'informatique, ensuite de la sociologie du développement (économie du tiers-monde) et enfin des études interdisciplinaires, en littérature et en cinéma. Officiellement, j'avais deux cours sur le cinéma : la production de film et l'écriture de scénario. J'ai réalisé deux courts-métrages lors de ma dernière année d'université. Ces deux courts-métrages ont aujourd'hui disparu. Après l'université, j'ai continué à faire des films.

Vous tournez seulement en numérique. Est-ce uniquement un choix économique ou est-ce aussi un choix esthétique ? Vous refusez de tourner en 16 mm ou en 35 mm ?

C'est à la fois un choix économique et esthétique. Filmer en numérique coûte peu cher, c'est certain, mais je pense également que le format passe au second plan. Pour ce qui est de refuser de tourner dans certains formats, ce n'est pas vraiment le cas. J'ai réalisé un court métrage en 16 mm en 1997-1998 : Amen, A Brown Comedy.

Quel est le concept de "This is not a film" ? Vous n'avez pas l'impression de faire des films ?

Qu'est-ce qu'un film ? En voilà, une question. Littéralement, effectivement, je ne fais pas de films parce que le numérique n'est pas un film (en tant que pellicule photographique, ndla). D'un point de vue conceptuel, l'idée de "this is not a film" est une variation sur la blague surréaliste de Magritte ("ceci n'est pas une pipe", ndla). Cela vient également du "Vœu de chasteté" du Dogme95. Du dixième vœu pour être précis : le réalisateur ne doit pas être crédité." Deux autres personnes partagent ce point de vue. Spike Lee, qui considère que ses acteurs et ses assistants techniques sont aussi réalisateurs. Il nie ainsi la croyance qui veut que seul le metteur en scène est un réalisateur de film. Et puis, il y a Saint-François d'Assise qui dit que nous sommes tous des instruments, des messagers. Notre travail ne sous appartient pas. Amen.

Khavn-de-la-Cruz-Ultimo
Les thèmes de la violence et de la religion sont présents dans les films que j'ai vus. Êtes-vous fasciné par la violence et la religion ?

C'est inévitable. ça fait partie de la recette, c'est vraiment dans ma nature : j'ai été élevé dans un pays catholique et j'ai étudié dans un école de jésuites. Nous vivons dans un monde violent où la religion attend en embuscade à chaque coin de rue. C'est ce que je vois. C'est ce que je filme.

En tant que cinéaste indépendant, est-il difficile de projeter vos films aux Philippines ? Quelles sont les réactions du public ?

Effectivement, ce n'est pas facile de projeter mes films. Les télévisions diffusent seulement les films qu'elles produisent. Les cinémas philippins diffusent des films hollywoodiens. De temps à autres, certains de mes films sont diffusés à la télévision. Quand je ne suis pas trop fainéant ou fatigué, je montre mes films dans des bars, des cinémas et des galeries. Les réactions du public varient et peuvent être extrêmes. Certaines personnes adorent quand d'autres détestent ou s'en fichent. ça dépend du film.

Peut-on trouver vos films en DVD ?

Certains sont disponibles sur Amazon. 28 films sont actuellement disponibles sur khavndelacruz.org.

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