mardi 25 septembre 2012

Dorothy Azner - The Wild Party (1929)

The Wild Party de Dorothy Azner est le premier film parlant de Clara Bow, alors l'actrice la plus adulée du public aux États-Unis, après soin succès dans des films comme It et Wings. Clara Bow est d'ailleurs surnommée la "It Girl", d'après l'expression de la dramaturge Elinor Glyn. En 1928, selon les statistiques de plus de 2.700 cinémas, Clara Bow est l'actrice qui engendre le plus d'entrées, deux fois plus que ses concurrentes les plus proches ! Un vrai tiroir-caisse. Mais comme de nombreuses actrices, Clara Bow redoute le cinéma parlant à cause de son accent de Brooklyn. Elle pense même sa carrière terminée.

Clara Bow et sa fourrure : It Girl !

Le tournage de The Wild Party se déroule du 2 au 29 janvier 1929. Ce même mois, Clara Bow reçoit plus de 45.000 lettres de fans, un record pour l'époque. La pression est sur les épaules de l'actrice. Le film est une adaptation de Forbidden Fruit de Warner Fabian, une histoire tout ce qu'il y a de plus classique pour l'époque Jazz Age des petites flappers. Les années 20 célébrées par Scott Fitzgerald et Anita Loos. Dans une université réservée à la gent féminine, des jeunes filles à la sexualité débordante préfèrent faire la fête et allumer les garçons plutôt que d'étudier. Stella Ames (Clara Bow) est l'étudiante la plus populaire et la plus délurée : avec son groupe d'amies, elle préfère séduire les hommes, faire le mur, fumer des cigarettes et boire de l'alcool. Cet hédonisme basé sur le loisir et une libération de femme instrumentalisée pour des besoins mercantiles (le film date exactement de la campagne de publicité initiée par Edward Bernays, "Torches of Freedom", incitant les femmes à fumer pour symboliser leur liberté) est mis à mal lorsque Stella Ames tombe amoureuse de Gil, le nouveau professeur d'anthropologie. Entre le véritable amour et ses flirts de soirées alcoolisées et enfumées, son cœur balance.

Clara Bow (troisième à partir de la gauche) et ses copines en fourrure.
Concours de jambes nues en salle de classe.
Concours de jambes nues, suite. Clara Bow réprimandée ne sait plus comment se tenir.

The Wild Party est typique des films de Hollywood avant 1934, c'est-à-dire avant l'instauration du Code Hays : les femmes y sont provocantes et fortes (les hommes sont menés par le bout du nez), elles fument, boivent et font la fête. Ce film, bon enfant, échappe aux sujets plus scabreux de prostitution, de divorce, d'adultère et d'avortement. Les scènes en chemises de nuit, en robes décolletées, en maillots de bain ou en jupes au-dessus du genou sont légion, souvent avec humour. Ainsi cette scène où les filles font exprès de relever leurs jupes et de montrer leurs jambes lors du premier cours du professeur d'anthropologie. Ou cette scène de bal costumé où Clara Bow et ses amies arrivent en manteau de fourrure... mais pour dévoiler un simple maillot de bain ! Et, évidemment, se faire exclure du bal.

1929. Bal en maillot de bain à l'école. Classique.

Outre ces scènes d'humour, The Wild Party montre des scènes plus dures : une bagarre dans des bars où des hommes ivres tentent d'abuser des filles (justement habillées en fourrure et en maillot de bain !) ou une fin de fête mondaine avec son lot de "paumés du petit matin" pour citer Jacques Brel. Le rôle de flapper donné à Clara Bow est plutôt typique que l'image qu'elle dégage dans la presse à scandale et ses apparitions cinématographiques.

Clara Bow au lit avec son prof d'anthropologie. Oups.

The Wild Party est un succès, ce qui n'est pas une surprise à l'époque. Mais les appréhensions de Clara Bow sur sa carrière à l'ère du parlant vont se révéler justes. Pas parce que sa voix passe mal à l'écran mais par ce que l'actrice est lasse du cinéma et souffre de problème de santé. Elle tournera en tout onze films parlant de 1929 à 1933. Call Her Savage (1932) est chroniqué ici.

vendredi 21 septembre 2012

Ezra Pound contre le système monétaire pourri

Dans un texte "Saluer Ezra Pound" et publié dans le recueil Ouverture de la chasse (ce titre !), Dominique de Roux, un des écrivains le plus doué de sa génération, prend la défense de l'auteur des Cantos. On le sait, après 1945, Ezra Pound fut interné treize ans dans un hôpital psychiatrique. L'homme était trop dangereux. Il avait violemment critiqué le gouvernement américain lors de la Seconde guerre mondiale, rejoignant également la cause fasciste. On peut lire ses diatribes anti-américaines dans Ezra Pound Speaking: Radio Speeches of World War II, recueil de ses allocutions radiophoniques pour Radio-Rome. Dès lors, comme Louis-Ferdinand Céline, Ezra Pound fut voué aux gémonies. Un infréquentable pour les éternels donneurs de leçons moralisateurs. En France, le poète pouvait compter sur le soutien indéfectible de Dominique de Roux et Jean-Edern Hallier. Voici un extrait du texte de Dominique de Roux.


Les petites têtes de Flore et du Drug n'admettent pas que la si belle quiétude de leur médiocrité ne vienne à se trouver ainsi troublée par la présence de quelqu'un comme Ezra Pound, par qui la poésie est.

Quoi de plus insupportable à l'imposture que la venue de la vérité, ces temps brûlants où la vérité est de passage, vivante, impitoyable, belle.

Dans le cauchemar climatisé où s'enflent périodiquement et se dégonflent les fortes structures du Paris dans le vent, quoi de plus insupportable, alors, que la simple présence là de l'auteur à la fois halluciné et si lucide des Cantos Pisans ?

Alors et pur parler comme Lénine, que faire ? Comme ils ne faire qu'une seule chose, faire ce qu'ils font toujours. Attaques sournoises et stratégie oblique, déplacement de la question vers des zones de l'actualité qu'ils disent subalternes : misère de la misère de ceux qui, en prenant l'ombre pour la proie, se figurent participer au festin de la Grande Chasse mais ne font que se convier indéfiniment entre eux à un pitoyable festin d'ombres.

N'osant quand même plus mettre en cause l’œuvre d'Ezra Pound, on remet sur le tapis l'équivoque de ce qu'on avait pu appeler son fascisme.

De cette équivoque, parlons-en, comme je l'ai déjà fait dans l'Arche de juin 1966.

Ezra Pound lors de son arrestation par les forces américaines.

Il n'y a pas de littérature sans la fascination de chose unique, sans le vertige d'une seule attention. A défaut de l'homme, le poète veut souvent rendre le monde meilleur, et il y a donc la question des impôts trop lourd, une classe d'exploiteurs incompatible avec le principe de l'égalité des droits, en bref la dépravation subversive de l'économie. Il y eut aussi les grandes technologies de l'abjection, si bien mises au point par Staline et Hitler, ce double visage obscur d'une même tentative innommable : "lancer deux mensonges d'un coup, pour que l'on se demande lequel est la vérité". Enfin comme l'efficacité se teintait ces derniers temps d'indécences militaires, il était logique, aussi, qu'avec son tempérament de paroxysme et sa terrible perception poétique, Ezra Pound, à partir de Jefferson, John Adams, L'Histoire des Crimes Financiers d'Alexandre del Mar, s'attaquât, au capital, à ces "usuriers merdeux", etc.

Donc, du crédit social à ses assauts contre la banque hollandaise, citant Lénine de L'Impérialisme, Phase ultime du Capitalisme, Pound, violent dans son langage parce qu'habité par la poésie absolue, alla jusqu'au fascisme, qu'il traversa comme on traverse les cauchemars ambigus de l'aube. Englué provincialement à Rapallo et plus encore dans son interprétation économique de l'histoire, il apprit qu'il était en train de se perdre par haine théologale de l'Usure. Reste qu'on entendit sa voix à Radio-Rome traiter Roosevelt de "ventre de porc", annoncer que "deux millions de troupes de choc tartares fouleront les trottoirs de Manhattan, le Centre économique", comparer efficacement d'ailleurs, Jefferson à Mussolini, faire l'éloge de Joyce et de Cummings, lire le Canto XLV "With Usuria" et achever un portrait de Rabelais. Car son idée fixe, sa fascination et sa suprême aversion concernaient le "système monétaire pourri" aux mains des banquiers de New York Stock-Exchange.

Lire également :
La rencontre Pound / Pasolini à Venise en 1967
- Aphorismes de Dominique de Roux
- Dominique de Roux par Jean Parvulesco 

jeudi 13 septembre 2012

The Tale of 15 Children (1985)

The Tale of 15 Children (열다섯소년에 대한) est film nord-coréen de réalisateur inconnu, sorti en 1985. Un mélange de Robinson Crusoé (livre de Daniel Defoe), de Sa Majesté des mouches (livre de William Golding) et de Lost (la célèbre série TV américaine), le tout à la sauce nord-coréenne. Au programme : croisière sur une île, chants, danses, parties de pêches mais aussi tempête, famine, naufrage et survie sur une île hostile et inconnue.


Dans la Corée d'avant 1940, colonisée par le Japon, des pauvres villageois sont exploités par des propriétaires cruels, oisifs, avides d'argent et collaborateurs avec l'ennemi. Les coups de fouet du propriétaire pleuvent sur des enfants du village qui ne travaillent pas assez ou refusent d'obéir à l'autorité. Comme il l'explique entre deux coups de savates, "cette terre et ce ciel m'appartiennent". Pour se changer les idées et trouver un endroit "où il est possible de vivre heureux", quinze enfants du village (plus un chien) décident d'emprunter en cachette le bateau du propriétaire pour passer une journée festive sur une île proche. Tout se passe dans la liesse générale : pique-nique sur l'estran, pèche-détente, concours de chant et de danse, sieste, spéléologie... jusqu'à ce que le ciel se couvre et la mer se déchaîne ! Piégés dans une tempête, les quinze navigateurs inexpérimentés se retrouvent vite à la merci de la mer : leur mât est cassé, leur gouvernail inutilisable et leurs vivres sont comptés. Après plusieurs jours, la famine et le désespoir gagnent le navire...

Les cruels propriétaires et leur logique de domination.
Le rêve d'une éducation gratuite. Si seulement ils étaient nés en France...

Le bateau finit par atteindre une île déserte inhabitée. Les quinze naufragés s'y installent mais ne comptent pas y rester longtemps. L'histoire aurait pu virer dans l'utopie et l'exaltation de la création d'une société socialiste - comme la Corée du Nord). Il n'en est rien : impossible de vivre autre part que sur sa terre natale, malgré l'oppression des propriétaires. Tout un symbole de l'attachement du pays-mère en Corée - une thématique abordée dans de nombreux films nord-coréen. Aucune société alternative ne se créé sur l'île. Le seul fait notable étant l'exil volontaire d'un des villageois qui préfère alimenter un feu de camp (en espérant la venue d'un bateau) plutôt que de construire un nouveau bateau. Les conflits sont donc peu nombreux, à part quelques tensions quand une ou deux personnes ne travaillent pas suffisamment et profitent des autres. Les moments de joie ne manquent pas, comme lorsque deux enfants (huit ans maximum) entament une chanson raillant "le propriétaire fainéant et avide d'argent qui grossit en suçant le sang des gens" ! Ou ce rêve d'un autre enfant qui s'imagine retourner sur son île natale et tirer des flèches enflammées sur le propriétaire !

On se raconte des histoires le soir avant de dormir pour se donner du courage.
Le méchant américain avec ses cheveux longs et sa croix.
Camouflage : en un coup de cirage, un Coréen peut se grimer en Noir américain.

La propagande politique est pourtant assez légère. L'action se déroulant avant le mouvement de libération nationale des années 1930, il n'y a aucune référence à Kim Il-sung. Une séquence est tout de même remarquable : deux villageois quittent l'île sur un radeau de fortune et sont recueillis par un navire... américain ! Le "diable" américain. Les méchants impérialistes (des Coréens à perruques qui fument et boivent de l'alcool jusqu'à l'ivresse) capturent les deux innocents pour les vendre comme esclave "dans un pays du Sud" - un sous-entendu désigner la Corée du Sud, alliée des Yankees. Heureusement, un esclave noir (joué par un Coréen passé au cirage !) les aide à s'échapper. On note un parallèle intéressant entre impérialistes Yankees/propriétaires et Afro-Américains/villageois exploités. Finalement, le film se termine par le départ groupé des quinze naufragés vers leur île natale. La trouveront-ils ? L'espoir fait vivre.

samedi 8 septembre 2012

Sono Sion - Bicycle Sighs (1990)

Bicycle Sighs est le premier long-métrage de Sono Sion, réalisé après quatre courts-métrages (dont I Am Sono Sion !). On y trouve un Sono Sion très jeune, un film en 8mm sur le baseball et des êtres invisibles, des courses poursuites en bicyclette, un masque de dragon, des ours qui fument la pipes... Un premier film assez délirant qui fit le tour des festivals internationaux au début des années 1990.


Shiro (interpété par Sono Sion) et Keita, à peine vingt ans, sont deux amis d’enfance qui gagnent leur vie comme livreurs de journaux à bicyclette, dans la ville provinciale de Toyokawa (la ville de naissance de Sono Sion). Dans un Japon où la réussite professionnelle est primordiale, Shiro et Keita sont deux perdants. Si Shiro semble s'accommoder de cette situation, Keito commence à se poser des questions. Pour passer le temps, Shiro incite Keita à continuer à tourner un court-métrage qu'ils avaient commencé au lycée. L'histoire de jeunes gens qui jouent au baseball et sont bientôt accompagnés par un être (d'abord invisible) à la tête de dragon (vous avez dit surréalisme ?). Keita refuse de tourner le court-métrage, qui lui rappellent son amour perdu pour Kyoko, ancienne camarade de lycée partie étudier à Tokyo il y a trois ans.

Keita et Shiro sur bicyclette.
Les "êtes invisibles" du court-métrage.
Bicycle Sighs est rempli d'absurde et de désespoir, comme dans beaucoup de films de Sono Sion, mais la mise en scène est ici très "légère", avec un ton bon enfant, qu'on ne retrouvera pas dans les longs-métrages suivants : The Room (1992) et I Am Keiko (1997). Les extraits en noir et blanc du court-métrage sur le baseball et les "êtres invisibles" sont particulièrement drôles, comme un mélange de Godzilla/Bioman sous amphétamine tourné à l'époque du cinéma muet. Autre scène absurde : la conversation entre Teika et son père, transformé en... ours qui fume la pipe ! Pour l'anecdote, la voix du "papa-ours" est celle de Noboru Iguchi, réalisateur de films gore aujourd'hui bien connu. On lui doit notamment The Machine Girl, Zombie Ass et Sushi Dead. Noboru Iguchi a même réalisé plusieurs films pornographiques... comme Sono Sion ! Et tous deux ont réalisé des films pour la société de production Sushi Typhoon. C'est donc réjouissant de les voir réunis dans Bicycle Sighs, au début de leurs carrières.

Shiro (Sono Sion) au téléphone.
La jeune Kyoko filmée par Shiro. Upskirt alert.

Bicycle Sighs, comme les tous films de Sono Sion avant Suicide Club (2001), ne sont toujours pas disponibles en DVD malgré une reconnaissance croissante de l’œuvre du réalisateur depuis Love Exposure en 2008.

jeudi 6 septembre 2012

FJ Ossang : "Arrête ton cinéma français"

En 1994, FJ Ossang a publié le roman Au Bord de l'aurore, mélange de journal intime et de réflexions artistiques sur le début des années 1990. Entre des pages sur les premiers films de FJ Ossang, l'écriture du prochain scénario ou la mort de Helno (chanteur des Négresses Vertes), on trouve un passage intitulé "Arrête ton cinéma français". Une époque révolue ? Extraits.

FJ Ossang.

Le cinéma français ne s'intéresse plus qu'à cette putain de gloire nationale. Il se prend la tête à savoir quel est le plus français du cinéma français: Renoir ou Truffaut. Mazette, ce qu'ils exportaient, les bougres ! Vigo, Bresson, Tati, c'est la fantaisie décorative du rayon. Ils en jettent à côté de Dreyer ou de Jacques Tourneur - qu'on a récupéré de justesse à Bergerac avant de le classer dans les curiosités frenchies. Un as de la Série B qui a revitalisé Hollywood avec des astuces de chez nous.

Les français produisent. Ils ne savent plus trop où donner de la tête, entre un méchant complexe international, et l'envie de partager le gâteau de l'hégémonie américaine en infiltrant les marchés extérieurs avec une cochonnerie audiovisuelle qui oscille entre grimace chauvine à usage de propagande touristique, et serials camouflés en films de cinéma qualité-européenne - pour rectifier le goût local encore porté à l'exotisme des formes. On neutralise - vers l'intérieur, et vers l'extérieur. On recycle doucement l'Art et l'Essai dans le sauvetage des épaves commerciales. Ça devient l'Arrêt-Décès. La critique relaye la publicité du pauvre, et comme elle n'avance pas elle se lasse. les décideurs se regardent faire, ils admirent à coup de : Cinéma Français Vaincra Parce Que C'est Le Moins Fort. Les Italiens, les Allemands, les Espagnols, les Yougoslaves et les Soviets regardent en se demandant si cela est bien sérieux - l'Europe coproduit des navets que même Berlusconi n'arriverait pas à faire passer entre la réclame et des jeux où minitels rose et gazinière accouchent de la dépression subliminale - mais ça roule ! 130 films en 1993, si tout va bien ! On a infiltré la Floride du sud et les banlieues de Yokohama ! Nos cinéastes tiennent le pari de réhabiliter un art populaire où notre culture survit à l'industrie américaine. Travaillons à fonder un cinéma européen où toutes les langues exprimeront tous nos particularismes de vieux continent... Mon cul ! C'est à gerber ! La qualité-Europe est 100 fois plus démoralisante qu'était la qualité-France d'Autant-Lara et Christian-Jacques période marée basse ! Une veine : le ciné franco-français n'intéresse personne. 5 ou 6 produits amortissent la donne. 100 navets se ramassent en téléthon culturel, 3 ou 4 erreurs de programme survivent dans le sillage de la Nef des Cons.

J'étais une erreur. On m'a repéré. je coince au signal numéro 3. Le ciné français ne fait plus vendre ni livres ni peintures autochtones, mais ça peut encore caser des pulls, des camemberts ou des eaux de toilette... Tout est culturel. Alors je dis : A bas la culture ! A bas les décideurs ! A bas le cinéma ! A bas la France ! A bas l'Europe ! A bas les camemberts & Saint-Laurent ! A bas les colombes nationales ! A bas l'audiovisuel ! A bas les cons ! A bas, à bas, à bas !... Et puis je m'en fiche... Il y a tant à faire...

Lire également :
- FJ Ossang, Fernando Pessoa et Dom Sebastiao
- FJ Ossang - Les 59 Jours (1999)

mercredi 5 septembre 2012

Phyo Kwang - The Blood Stained Route Map (2002)

Comme Pulgasari et Hong Kil Dong, The Blood Stained Route Map est un film nord-coréen dont l'action se passe dans la période dynastique Joseon, avant l'annexion japonaise. C'est un film en costumes, comme on dit, sur la lutte des Coréens pour empêcher l'invasion du groupe d'îlots des Rochers Liancourt par l'ennemi japonais. Un sujet hautement politique quand on sait que ces îles, appartenant aujourd'hui à la Corée du Sud, sont toujours convoitées par le Japon. En 1905, ces îles avaient été les premières à être annexées par le Japon, avant l'ensemble du territoire. Dans le film, ces îles sont nommées Mureung et Usan, comme précisé dans les écrits coréens anciens. Il est d'ailleurs intéressant de constater que, fait rarissime, ce film a été projeté deux fois en Corée du Sud. Car le film fait aussi l'éloge de la réunification du pays. The Blood Stained Route est visible ici : partie 1 et partie 2.

Sok Pa : combat inconditionnel de l'indépendance coréenne.

The Blood Stained Route Map exalte le retour au "pays natal", thème cher au cinéma nord-coréen. L'histoire met en scène trois frères originaires des Rochers Liancourt et dont la famille a été tuée par un seigneur coréen, allié à l'ennemi japonais, pour s'emparer du trésor national : un bouddha en or qui symbolise l'âme et l'esprit de la Corée. Si ce bouddha tombe entre les mains des Japonais, c'est donc la disparition totale de la Corée qui est en jeu. Avant la mort de leur père, les trois frères ont chacun récupéré un morceau de carapace de tortue qui contient une carte de l'endroit où le bouddha est caché. Une dizaine d'années plus tard, alors que les frères ont été séparés et vivent sur le continent, loin de leur île chérie, ils sont de nouveau confronté aux attaques du seigneur traitre à la solde du Japon. Le combat pour la défense nationale sera sanglant.

Les Rochers Liancourt, sujet de brouilles territoriales.
Le Seigneur coréen traitre aux mains des Japonais.
Ambiance peplum.

The Blood Stained Route Map étonne d'abord par la qualité de sa photographie, la beauté des décors et surtout le nombre de plans : contrairement aux films nord-coréens depuis les années 1980, The Blood Stained Route Map bénéficie d'un montage riche où les plans sont très courts et variés. Tout en gardant raison, Phyo Kwang est un peu le Michael Bay coréen, ce qui rapproche ce film des films occidentaux. Le scénario est également plus haletant que celui de films sur le collectivisme agricole ou les bienfaits du sport. The Blood Stained Route est assez proche de Hong Kil Dong, le Robin des Bois coréen où se mêlent patriotisme exacerbé, trahison et corruption des élites, justice sociale, lutte des classes et amour impossible. Un film bien plus subversif qu'il n'y paraît à première vue.

Miss Kul Bi et un daim : la touche "kawaï" et sentimentale du film.
Martyr et héros national.

Quant au message politique à l'encontre du Japon, il est très clair : le film se termine par une voix-off qui prévient qu'en cas de nouvelle annexion des Rochers Liancourt par le Japon, la Corée répondra par violence pour défendre son territoire. Une position qui n'est seulement celle de la Corée du Nord. En 2005, le Conseil national de sécurité coréen a d'ailleurs déclaré : "ce n'est pas seulement une question territoriale, mais rien d'autre qu'un déni de l'histoire de notre libération nationale, de même qu'une justification de l'agression". Le Japon continue actuellement de faire pression pour régler ce différend territorial. Une projection de The Blood Stained Route Map n'est pas encore prévue au Japon.

lundi 3 septembre 2012

Chang Yong-bok - A Forest is Swaying (1982)

Le film nord-coréen A Forest is Swaying (visible ici) traite de plusieurs sujets : l'environnement, la famille, le retour à la ruralité et la révolution Juche. Et la haine des États-Unis. En 1954, quelques mois après la fin de la guerre de Libération nationale, Song Ryong rend visite aux parents, à la femme et à la fille d'un de ses camarades tués au combat. Il apprend des parents que la femme est morte deux mois avant la fin de la guerre, tuée par les bombes des Yankees, qui ont, par la même occasion, brûlé le Mont Maeryong. Toute la végétation a disparu. Bouleversé par ce drame humain, Song Ryong, dont toute la famille a été tuée par les Yankees, décide de rester au Mont Maeryong et de s'occuper de Song I, la petite fille orpheline de son défunt ami.

Song Ryong plante des pins.
Le message du Général Kim Il-sung sur les montagnes.

Song Ryong veut aussi reboiser le Mont Maeryong, détruit par les Yankees. Il est vrai que dans les années 1950, la Corée du Nord a mis en place des campagnes nationales de reboisement. Mais à l'époque de A Forest is Swaying (1982),  les forêts connaissent une perte de superficie liée à l’exploitation commerciale, au doublement de la consommation du bois de chauffe, aux incendies et infestations d'insectes liés à la sécheresse. On peut donc considérer A Forest is Swaying comme un film écologiste sur le reboisement pour créer le Paradis sur terre.

Sin Ok.
Song I et Song Ryong sur le Mont Maeryong.
 Le reboisement du mont Maeryong par Song Ryong ne se fait pas sans peine. Les intempéries empêchent les arbres de pousser. Le Parti décide d'envoyer Sin Ok, une jeune femme, constater l'échec de Song Ryong et le forcer à arrêter sa tâche. Mais Song Ryong refuse d'abandonner ! Il veut tout faire pour mettre en valeur les montagnes et faire vivre ainsi la volonté du Général Kim Il-sung. C'est donc l'amour du Parti qui motive Song Ryong : peu importe les intempéries et le climat, c'est l'amour envers Kim Il-sung qui favorisera le reboisement du Mont Maeryong. Et ça fonctionne finalement ! Devant tant de bonté pour Kim Il-sung, Sin Ok décide d'épouser Song Ryong. Une quinzaine d'années plus tard, le Général Kim Il-sung visite la forêt et félicite Song Ryong qui a travaillé dur pour ce résultat. Dans un torrent de larmes, Song Ryong s'agenouille. Sa vie a enfin un sens.