lundi 29 octobre 2012

Hunter Thompson et le marathon d'Honolulu

Les éditions Tristam viennent de publier un roman de Hunter S. Thompson inédit en français : Le Marathon d'Honolulu (The Curse of Luno). En décembre 1980, le père du journalisme gonzo est invité par Running Magazine à couvrir le marathon d'Honolulu... et prendre plusieurs semaines de vacances, tous frais payés. Un prétexte à beuveries et autres intoxications, mais aussi à de fines réflexions sur le culte du sport, la fin du Rêve américain, les années 1980 et le règne de l'argent. Extraits.


Ce fut une drôle de manifestation à Honolulu, et c'est encore plus bizarre à présent. Le propos est en fait plus lourd qu'il en a l'air. Ce qui sur le papier pouvait passer pour des vacances rémunérées à Hawaï vira au cauchemar - et au moins une personne suggéra que nous étions en présence du Dernier Refuge de l'Esprit "libéral", ou du moins du Dernier Truc qui marchait.

Courir pour la vie... le sport, parce qu'il ne reste plus que ça. Ceux-là même qui brûlèrent leur ordre d'incorporation dans les années 60, et qui s'égarèrent dans les années 70, sont désormais à fond dans la course à pied. Quand la politique a échoué et que les relations interpersonnelles se sont avérées ingérables ; après que Ted Kennedy a chopé le syndrome Harold Stassen du type qui se présente à chaque coup et ne gagne jamais et que Jimmy Carter a déçu jusqu'au dernier de ses fidèles, et après que la nation s'est massivement ralliée à la sagesse atavique de Ronald Reagan.

Ma foi, nous voilà, après tout, dans les Années 80, et l'heure est enfin venue de savoir qui a des dents et qui n'en a pas. Ce qui peut éventuellement, mais ce n'est pas une certitude, expliquer l'étrange spectacle de deux générations de militants politiques se transformant finalement - vingt ans plus tard - en joggeurs.

Pourquoi cela ?

Mort du politique et succès du jogging. Nicolas Sarkozy, un exemple au hasard.
[...] Le journalisme est un passeport pour voir le monde, pour s'impliquer personnellement dans les "nouvelles" que les gens voient à la télé - ce qui est chouette, mais ce n'est pas avec ça qu'no paye le loyer, et les gens qui ne pourront pas payer leur loyer dans les années 80 vont avoir des ennuis. Nous entrons dans une décennie ignoble, un moment darwinien qui ne sera pas une partie de plaisir pour les free-lance.

Hé oui. Le temps est venu d'écrire des livres - voire des films, pour ceux capables d'envisager la question en gardant leur sérieux. Car il y a de l'argent dans ces trucs-là ; et il n'y pas d'argent dans le journalisme.

Mais il y a de l'action, et on devient vite accro à l'action. c'est une bonne chose de savoir que vous pouvez décrocher votre téléphone et vous retrouver dans n'importe quel endroit du monde qui vous intéresse - en vingt-quatre heures, et surtout en sachant que quelqu'un d'autre règlera la note.

C'est ça qui manque : non pas l'argent, mais l'action - et voilà pourquoi j'ai tiré Ralph de son château dans le Kent pour qu'il vienne à Hawaï et considère cet étrange et nouveau phénomène baptisé running, la course à pied.

Aucun commentaire: