Avant la sortie annoncée de Cocaïno Rap Musique Volume 2 le 15 décembre 2009, revenons sur le Roi Heenok, le seul gangsta rappeur francophone crédible malgré ce que pensent ses détracteurs, prompts à crier au canular et à dénoncer l’illégitimité artistique du Montréalais.
Le Roi Heenok : les silencieux étaient fournis à l'achat. |
Retour sur l’ascension du Roi Heenok
Propulsé sur la scène rap en 2005 avec Propagande américaine: la dose, la mixtape et une promotion Internet efficace à coups de vidéos délirantes, hilarantes et provocatrices, le Roi Heenok se distingue des rappeurs français calibrés et conformistes de la fausse subversion, par des instrus minimalistes, des phrases à l’emporte pièce ("ça va devenir vrai dans cette pièce pour quelques instants", "ils pèsent rien dans leur balance, leurs montres valent moins que 100 dollars", "qu’est-ce qui s’putain d’passe, pute nègre ?" ou "mon médaillon touche à mon pénis") et des textes littéralement traduits du gangsta rap américain. Tous les clichés sont repris en français : trafic d’armes et de drogues, fascination pour l’argent, la mafia et les berlines de luxe comme en témoigne "Le Rêve Américain 2" :
84, le crack frappa Roi Heenok
Représente coke et marijuana
Relation mafia, d’la Suisse au Canada
Hors la loi, le blanchiment d’argent
Platine et diamant
La vie de gangster, la grosse chaîne,
Le succès dans les affaires, fait de l’air
La Mercedes, l’avion et l’hélicoptère
Mon revolver, 3.57 est Ruger
Un bébé Mac 11, le silencieux m’était fourni à l’achat
Dans "Clients satisfaits" :
J’ai du plaisir mon rap est bien cuit
Ma cocaïne aussi, Roi Heenok réussit
Vit la vie, conduit des BMW
Le cigare, le jacuzzi
Ma destinée, ma dynastie
Je trempe dans les billets US
Ou encore "Qu’est-ce que tu dis ?" :
Je cherche qu’à réussir
Réunir plus d’un million par semaine
La vie est courte, faut risquer
Heenok veut tous les tuer
Tuer tous ces pédés d’amateurs dans cette entreprise de rap français
Aucune finesse, appel de détresse
Paix aux voyous détenteurs de l’AK47
Grenades et mitraillettes
Chargés à bloc, j’amène une révolution
En moins de deux, je t’assois sur un banc
Et te ligote avec du ruban électrique
On note la touche surréaliste du Roi qui invente ici le concept de "ruban électrique". André Breton, complètement largué, s’interroge. En 2007, le Roi Heenok revient avec Cocaïno Rap Musique Volume 1, un hommage au rap old school d’Eric B & Rakim et EPMD. En 2008, le collectif Kourtrajmé réalise le "rapumentaire" Les Mathématiques du Roi Heenok. Le Roi pose avec de la marijuana et des armes à feu. Interloquée, la police montréalaise décide de se pencher sur le cas du Roi Heenok. Perquisition au Château Saint-Ambroise, le fief heenokien : armes à feu, stupéfiants, vêtements volés (!), trois personnes dont Heenok en garde à vue. Libéré grâce à ses "avocats juifs", Heenok performe quelques semaines plus tard au Social Club à Paris, sous les acclamations du public. Après l’annonce d’un enregistrement en duo avec Raekwon du Wu-Tang Clan (on attend toujours) et la sortie sans cesse repoussée de l’album La Guerre des étoiles, le Roi Heenok sort donc à la fin de l’année Cocaïno Rap Musique Volume 2.
Considérations sur le gangsta rap
Outre son phrasé atypique (c’est vrai que dans le rap français, tout le monde a le même flow ; être original est un crime, nouvel exemple du conformisme ambiant et totalitaire de cette industrie médiocre sponsorisée par Skyrock et son PDG polygame et "maître" d’une secte satanique), le Roi Heenok est critiqué pour le soi-disant ridicule de ses textes. Ah oui ? Je demande à ces personnes de traduire les textes d’Ice T ("Thé Glacé" comme dirait Antoine de Caunes), NWA, Capone & Noreaga ou 50 Cent avant de donner des leçons. Le gangsta rap est ontologiquement ridicule. C’est de l’entertainment avant tout. Un entertainment très lucratif typiquement américain. Après les hors la loi du Grand Ouest (Jesse James, Billy The Kid et consorts), les criminels entrepreneurs élevés au rang d’assistante sociale au grand cœur (Al Capone et sa soupe populaire pendant la dépression des années 1930) et la glorification des proxénètes (lire l’œuvre d’Iceberg Slim), le gangsta rappeur s’impose comme la synthèse contemporaine de tous ces acteurs. Ce n’est pas un hasard si, au début de sa carrière, Snoop Doggy Dogg était considéré comme le Lee Van Cleef du rap.
Snoop Doggy Dogg vs Lee Van Cleef. "Pass da gagnsta". |
Le but du gangsta rappeur : réaliser le rêve américain de Horatio Alger en racontant des histoires de trafic de drogues, de putes et d’armes à feu. Dans le rap américain, plus on gagne d’argent, plus on est rebelle. Être un authentique rebelle, c’est posséder des berlines de luxe, des bracelets diamantés, des jets privés et des villas, tout en se revendiquant "de la rue". Et le public adhère. Comme le remarque le Roi Heenok, c’est littéralement un "rap jeu".
Le problème du rap français
Les gangsta rappeurs français (ou qui s’inspirent du gangsta) ne font que singer les rappeurs américains. Roi Heenok, lui, est américain. Pas la Mafia K’1Fry ni Stomy Bugsy ni Booba. Au lieu de s’inspirer du Parrain et de Scarface, deux films typiquement américains totalement incompatibles avec l’histoire et la culture de France (il n’y a ni parrain ni "balafré" en France, tout juste quelques malfrats vivant dans la clandestinité), pourquoi ne s’inspirent-ils pas des gangsters façon Jean-Pierre Melville et Michel Audiard ? Alain Delon et Lino Ventura plutôt que Robert de Niro et Al Pacino. Le seul à avoir agi dans ce sens-là est MC Jean Gab’1 qui depuis s’est tourné vers le cinéma et a délaissé le rap. Dans un entretien commandé et finalement censuré par Paris Match en 1998, Filip Nikolic des 2B3 (REP, fils) confie à l’écrivain Marc-Édouard Nabe : "Tout le monde n’est pas capable de parler de banlieue. Céline, lui était vrai. Les rappeurs n’ont qu’à lire Voyage au bout de la nuit, après ils auront le droit de parler de la banlieue d’aujourd’hui, parce que c’est la même que celle de 1932".
Alors qui est le plus ridicule, un Roi Heenok qui délivre un gangsta rap nord-américain en français ou des Français qui veulent se la jouer à la Al Pacino dans des barres de HLM délabrées ? Sans compter un autre point de détail particulièrement déroutant (mais les rappeurs n’en sont pas à une contradiction près), le côté "revendicateur et "politique" des gangsta rappeurs qui veulent se la jouer "à gauche" alors qu’il n’y a pas plus libéral et capitaliste que les gangsta rappeurs. Le gangsta rap, c’est l’idéal du darwinisme socio-économique et la loi du plus fort, genre "les plus faibles et les pauvres, on les emmerde, on est la pour l’oseille, y a que ça qui compte".
Des types comme Kery James (Alix Mathurin à l’état civil) se prennent à tout le moins pour des sociologues et tout au plus comme des voix politiques. On est loin du "rap jeu" et de l’entertainment. Après les idiots utiles du capitalisme, voici venir les idiots utiles du rap et les nouveaux chiens de garde. Pas des bergers allemands, plutôt des caniches ou des teckels à poils ras. Kery James est le Gérard Miller du rap. Un donneur de leçons qui prône la paix et l’amitié dans les médias pour passer pour un type responsable et "conscient" mais qui est le premier à passer un tabac (accompagné de 4 ou 5 potes, pas fou le gars !) un autre rappeur. Si dans leurs textes et leur mode de vie, ils s’approchent de Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi (Bling Bling, belles femmes, pouvoir), ce sont les premiers à crier à l’injustice sociale. Finalement, un des seuls rappeurs sensés, même si sa musique est mauvaise, c’est Booba. Issu de la classe moyenne, il est rentré à fond dans le "rap jeu" et a fondé une véritable industrie lucrative avec sa marque de vêtements et ses disques. Et il ne vient pas la ramener avec des discours politiques. Seuls l’argent et les bijoux l’intéressent.
Conclusion
Donc vive le Roi Heenok. Et que les rappeurs français arrêtent de fantasmer sur les États-Unis. Comme Nicolas Sarkozy, une fois de plus, leur idole honteuse qu’ils n’assument pas. Et le Roi Heenok de conclure, lucide et définitif :
Ta pute à l’hôtel de bon marché c’est Roi Heenok
T’es jaloux c’est Roi Heenok
T’es sur mon pénis c’est Roi Heenok
Les ventes de uzis c’est Roi Heenok
Han, les ventes de pistolets illégaux c’est Roi Heenok
T’es sur le pénis à fond mais qu’est ce qui s’passe dans cette putain d’entreprise ?
6 commentaires:
Pas mal ton article. Ceci dit, je ne comprends pas ta saillie à l'encontre de Kery James. Certes, Kery James n'agit pas toujours correctement, mais je ne vois pas en quoi il devrait arrêter de rapper des textes " moralisateurs ", souvent destinés aux jeunes des quartiers difficiles. Dans certains de ses textes (par exemple, Le combat continue part III sur l'album À L'Ombre Du Show Business), il avoue qu'il s'est parfois comporté violemment. Il ne va quand même pas prôner la violence pour être en accord avec ses quelques incartades. Kery James - issu d'une banlieue difficile - encourage la jeunesse des banlieues difficiles à s'engager dans la bonne voie : celle des études notamment. A-t-il tort de continuer à faire ça ?
Je ne suis pas un grand fan de Kery James mais c'est vrai que les messages conscients qu'il véhicule dans ses textes sont juste bons.
C'est les mecs comme La Fouine où Le Roi Heenock, puisqu'il c'est de lui qu'on parle sur cet article, qui n'ont rien compris au rap. A la base le rap de la musique au sein du mouvement culturel HIP HOP : un mouvement je rappel peace pour permettre au gens qui vivent dans le ghetto de s'en sortir par la musique, la danse... Les mecs qui sont à l'origine du Hip Hop l'ont créé pour justement que l'on ne tombe pas dans le schéma gangta plein d'armes, de came et de diamants.
Le Roi Heenock est complètement défoncé sur toutes les vidéos qu'on trouve de lui sur le net et en plus de dire de la merde il sait même pas rapper, son flot est hésitant et loin d'être en phase avec les instrus.
Donc nique Le Roi Heenock et toutes les baltringues qui kiffent ces prods. C'est ce genres de mecs qui salissent l'image du rap francophone. Il n'a vraiment rien de crédible. C'est juste un fantasme de violence : ridicule.
Maze le patron est un rappeur d'Amérique du nord d'origine Haïtienne. Il se fait connaitre
en 2004 sur des sites comme Youtube ou Daylimotion avec le Roi heenok et le collectif G&G
et attire l'attention des millions de fans avec le son Brasse ta liasse à travers le monde.
Maze Le Patron, c'est une analyse, poussée et convaincante, du monde dans sa globalité;
théorie de la conspiration, politique, religion, concurrence américaine,
illuminati, gangstérisme et sexe s'entremêlent et s'emboîtent, entre manifeste et égo trip.
En témoigne son dernier «single», l'excellent Musique Apocalyptique, qui démystifie
le président Obama, tout en faisant un point sur la condition de l'humanité.
Le patron manie à tour de rôle ironie, provocation, mais également analyse théorique et grande
lucidité. Après avoir quitté G&G le voici qui propose son troisième album Le balafré vol.1
Pour vous, voici le nouveau CD mixé qui reflète la rue en 2010 *LE BALAFRÉ*. Ceci est un hommage à
ceux qui vivent à tous les jours, à l'image du balafré.
J'ai lu l'article en diagonale, mais l'étiquette du titi parisien colle aussi bien à Ekoué qu'à Gabin, au moins jusqu'à L'ombre sur la mesure.
Tu dois vraiment être un français de France, si tu ne sais pas c'est quoi du ruban électrique...!
Vive le Québec libre
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