samedi 5 décembre 2009

Génie de Mylène Jampanoï

Génie de Mylène Jampanoï, jugée coupable au Tribunal de la Beauté. Plus belle encore que Mary Elizabeth Winstead et Ava Gardner. Quand on trouve une femme plus belle qu'Ava Gardner, Patrick Besson peste et devient tout rouge. Ça lui rappelle au moins ses années communistes et ses virées avec Edward Limonov. Soyons justes et excessifs. La vie ne vaut d'être vécue que pour voir Mylène Jampanoï, sa lippe, ses dents de lait, sa chevelure anthracite, ses yeux peints au khôl comme une princesse décadente de l'Empire romain d'Orient, ses yeux enivrants et dangereux comme l'absinthe. Mylène Jampanoï pue le vice et l'innocence. C'est une actrice. C'est une femme.


Une enfant d'ascendances bretonne et chinoise ne peut être que bénie par les dieux et les génies dans son berceau d'osier. Les Bretons (la volonté me pousse à l'incarner Bigoudène) et les Chinois, ces deux peuples nobles et primitifs. J'entends primitif à la manière de Paul Gauguin, cet oracle catholique anticlérical, peintre par conviction, lassé du travail de fonctionnaire, qui connut les neiges du Danemark, l'authenticité du peuple sauvage finistérien, la folie de Van Gogh, la bêtise des administrateurs des colonies océaniennes, la faim viscérale décrite par Knut Hamsun, la mort de sa chère fille Aline, les joies maories, et enfin la grâce divine, qui lui fit peindre ses meilleures toiles dont D'où sommes-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Seul un possédé (un démon pour Fedor Dostoïevski) peut peindre tel chef-d'œuvre, telle extase picturale. Ce génie propre au Gauguin des dernières années me semble soluble dans l'être, l'intellect et la plastique de Mylène Jampanoï. Faut-il croire à une métempsychose, à une palingénésie entre Gauguin et Mylène Jampanoï ? Rien n'est moins sûr. Mon courriel à Platon est resté sans réponse.


Reste que Mylène Jampanoï est comme une femme peinte par Gauguin, un être plongé dans un univers unidimensionnel par une abolition clairvoyante de la perspective. Nous n'avons plus de perspective, nous n'avons que des aplats, des couches de couleurs, tout comme le visage d'une femme, unidimensionnel, est fardé de couches de maquillage, savamment, sauvagement appliquées, avec opiniâtreté et détermination pour embellir le néant.


Tout est dans le regard et dans la bouche. On sous-estime trop volontiers la bouche. Mick Jagger serait-il Mick Jagger sans sa lippe ? Mylène Jampanoï arbore ce qu'une presse anglophone a qualifié de bunny teeth, de dents de lapin. Elle peut en effet compter sur ses dents de lapin pour jouer les ingénues et les prudes, une posture contre-balancée par le vice de son regard. La bouche de Mylène Jampanoï est un calice où l'on boit le seuil de l'éternité.


Il est en cela fascinant que le film Fleurs de la Vallée, dans lequel Mylène Jampanoï disparait subitement, traite de la métempsychose. Mylène Jampanoï y joue le rôle d'une goule, photographiée admirablement dans l'Himalaya, à plus de 4000 mètres d'altitude. Je salue ici le travail, qu'on imagine difficile et laborieux, de filmer dans de telles conditions et de rendre à une actrice toute sa superbe et son mystère.


En parlant de disparition, on peut noter que Mylène Jampanoï aime se faire rare. Elle disparait abruptement dans Fleurs de la vallée (2005) et Martyrs (2008). Sa filmographie est pour l'instant mince. Elle a raison. Il ne faut pas trop se montrer. Elle est aujourd'hui à l'affiche de Gainsbourg, où elle incarne la fumeuse d'opium Bambou (jeu de mots involontaire). Clairvoyant, Clint Eastwood vient de la convoquer pour son film Hereafter. Elle rêve de jouer pour Park Chan Wook. On l'imagine plutôt dans un film d'Abel Ferrara ou Sono Sion.


On l'imagine, le dimanche matin, écouter Syd Barrett et Chopin, boire du thé à la bergamote, fumer des cigarettes anglaises, lire des vers d'Ezra Pound et des mémoires de grands voyageurs. Comme l'écrit Saint-Pol-Roux à l'encontre de Rimbaud, « tu as apporté un climat plus qu'un frisson, plus qu'un gilet rouge et plus qu'un assommoir, tu as apporté tous les rayons, tous les parfums... Et tu reviens couronnée de cinquante diamants. Reine de Saba ».

1 commentaire:

Anonyme a dit…

magnifiques: elle, et la façon dont tu en parles. si j'étais elle, j'aimerais te lire, et te corriger.