jeudi 30 août 2012

Pak S. - Girls in my Hometown (1991)

Le film nord-coréen Girls in my Hometown se penche sur un thème original : la situation matrimoniale et amoureuse des soldats invalides. Le film est d'ailleurs dédié "aux soldats invalides et à leurs femmes". Un sujet qui amène d'autres : l'attitude des femmes envers l'armée en "temps de paix" et les tentations que suscite la culture occidentale capitaliste. En effet, en 1991, le communisme est en reflux, avec le démantèlement du bloc soviétique. Kim Il-sung publie d'ailleurs un texte intitulé Notre socialisme axé sur les masses populaire est invincible. La Corée du Nord reste donc un des derniers bastions d'opposition au capitalisme et à l'impérialisme yankee. Un "Paradis sur terre" qui ne pas être souillé par la culture pervertie occidentale (la musique, la mode vestimentaire, l'égoïsme).

Si Nae et Song Chol. L'amour est aveugle.
La belle Si Nae en réflexion métaphysique sur l'amour et la politique.

L'action de Girls in my Hometown se déroule dans le village d'Anbyon, dans la province de Kangwon, surnommée le Hollywood nord-coréen. Les paysages y sont en effet très beaux et la lumière naturelle y est idéale pour tourner en extérieur. Alors que la guerre pour la réunification de la Corée est momentanément arrêtée (même si elle perdure officiellement), l'armée occupe son temps à participer aux travaux d'infrastructures des villages. A Anbyon, ils ont pour mission de construire un barrage pour mieux approvisionner la population en eau potable et en électricité. Le soldat Song Chol est fiancé à Un Ha. Mais un jour, Song Chol est gravement blessé et perd la vue. Un Ha rejette alors son fiancé. Les soldats sont scandalisés par cette attitude égoïste. On entend les anciens se lamenter : "à l'époque de la guerre, les filles d'Anbyon n'étaient pas comme ça". Les filles d'Anbyon rouspètent : "Un Ha n'est pas représentative des filles du village". Particulièrement affectée, la belle Si Nae, meilleure amie d'Un Ha, est prise de pitié pour le soldat aveugle. Elle pense au poème "Victoire", écrit juste avant sa mort par Ri Su Bok, héros national tué à l'âge de 18 ans en 1951. Pour elle, Song Chol est un martyr du Parti qu'on ne peut pas laisser tomber. Elle décide donc de l'épouser. Pas par amour du soldat en lui-même mais par amour du Parti et de l'idéal révolutionnaire.

L'amour en musique, évidemment.

Dans ce film hautement lacrymal, la décision de Si Nae est saluée par les filles du village et l'armée. La cérémonie de mariage sera même financée par le Parti ! Le sacrifice de Si Nae est considérée comme une marque de foi envers l'idéal révolutionnaire du Parti tandis que Un Ha s'enfonce dans le vice capitaliste, influencée par sa sœur. Cette dernière écoute de la musique de la musique occidentale, s’habille de robes à la mode très décolletée et ne rêve que de partir à Pyongyang. C'est même elle qui conseille à Un Ha de ne pas épouser un homme handicapé et de trouver un meilleur parti. Une attitude subversive qui finira mal : prise de remords, Un Ha rejette finit par rejeter sa sœur et ses pensées "capitalistes" honteuses. La morale est sauve.

"Le capitalisme ? Oncle !"
Si Nae est un bon exemple de ce que doit être la femme coréenne.

Ci-dessous, un extrait vidéo de Girls in my Hometown, dans lequel les filles d'Anbyon veulent montrer leur dévouement aux militaires. Le tout en chanson, comme souvent dans le cinéma nord-coréen.


mercredi 29 août 2012

Rim Chang-bom et Jon Kwang-il - On the Green Carpet (2001)

Après A Family Basketball Team et O Youth !, voici un troisième film nord-coréen "sportif" avec On the Green Carpet (푸른 주단우에서) de Rim Chang-bom et Jon Kwang-il. Et pas n'importe quel sport : le spectacle de mouvement de masse Arirang, organisé régulièrement à Pyongyang en l'honneur du Parti et du Juche. On the Green Carpet montre dans ses dernières minutes des extraits du spectacle donné en 2000 à l'occasion du 55è anniversaire de la fondation du Parti du Travail et intitulé "Le Parti du travail de Corée toujours victorieux". Ce spectacle très impressionnant demande la participation de plus de 100.000 gymnastes et danseurs. c'est devenu la marque de fabrique de la Corée du Nord. Fait notable : le film a été projeté lors du Festival du film de Berlin en 2004.



On the Green Carpet met en scène Mun Gyu, assistant directeur de la partie gymnastique des jeunes enfants, et Hyon Hui, vice-directrice du spectacle. Mun Gyu et Hyon Hui se connaissent depuis l'enfance mais sont en froid parce que Mun Guy avait fait rater à Hyon Hui sa participation au spectacle Arirang quand ils étaient adolescents. Ils doivent pourtant travailler ensemble pour faire du spectacle de l'an 2000 un succès éclatant pour le Général et le Parti. Mun Gyu, par amour pour le Général, est très exigeant avec les enfants, leur demandant notamment d'exécuter une série de saltos avant synchronisés. Voyant que les enfants n'arrivent pas à exécuter ce geste, Hyon Hui demande à Mun Gyu de laisser tomber mais celui-ci s'oppose vivement à sa supérieure, allant même jusqu'à l'insulter. Une violence rarement vue dans une film de Corée du Nord.

A l'extrême gauche : Hyon Hui. Au milieu : Mun Gyu.
Le spectacle total Arirang. Rien que pour vos yeux.

Hyon Hui finit par plier quand elle comprend que le seul souhait de Mun Gyu (et des enfants) est de faire plaisir au Général en lui donnant le meilleur spectacle Arirang. Tout est bien qui finit bien : le spectacle, présenté dans le Rungrado May Day Stadium(le plus grand stade du monde), est un succès et le Général remercie personnellement Hyon Hui pour la parade gymnastique des enfants. Pleurs, joie. Ci-dessous, l'histoire des mouvements d'ensemble expliquée en quatre images.


L'intérêt majeur d'On the Green Carpet est de voir les répétitions des mouvements de masse dans dans stades immenses. Voici en vidéo le spectacle Arirang donné à la fin du film.

mardi 28 août 2012

Jo Kyong-sun - Traces of Life (1989)

Traces of Life (생의 흔적) est un film nord-coréen en deux parties (pour une durée totale de 2h03) sur Jin Ju, la veuve d'un officier de l'Armée du peuple, qui devient Héroïne de la Nation en travaillant pendant plus de vingt dans un village agricole collectiviste. Le film serait inspiré de l'histoire vraie de Han Soon See, honoré du titre de Héros du Travail mais exécuté plus tard pour espionnage. Traces of Life s'attarde seulement sur la partie la plus glorieuse de l'histoire. Le film entier est visible ici.


L'action commence au début des années 1960. Jun Ji (interprétée par Mi Ran Oh, "actrice du peuple" et héroïne de Broad Bellflower en 1987 et Urban Girl Comes to Get Married en 1993) est abordée dans un tain par un jeune soldat la Navale qui la demande immédiatement en mariage. il lui explique qu'il part le lendemain en mission et qu'il a promis à son supérieur de trouver une épouse avant son départ. La jeune fille refuse mais le soldat va s'adresser directement à son père, qui accepte de marier sa fille car il comprend cette "tradition militaire". Jun Ji part donc à contre cœur avec le soldat dans une base militaire insulaire proche de la zone de démarcation entre le Nord et le Sud. On apprend plus tard que le père du soldat vit au Sud, en territoire occupés par les Yankees, d'où son envie de combattre. Peu à peu, Jun Ji apprend à aimer son mari ; un enfant nait. Mais un soir, une dispute éclate entre les mariés : selon son mari, Jun Ji, qui se plaint des missions militaires intempestives, pense trop à elle et pas assez au Parti. Sur ce, le mari se fait exploser en écrasant une mine sur un cuirasser yankee. Veuve, Jun Ji part avec son fils à la campagne.

Jun Ji après la mort de son mari.
Le Parti va devenir la seule famille de Jun Ji.

Arrivée au village au Songnam, Jun Ji (qui vient d'accoucher d'un deuxième enfant qui ne connaîtra donc jamais son père) devient agricultrice. Acharnée de travail, en trois ans, elle devient meilleure chef agricole du village. Elle n'arrête jamais. Son but : produire autant de riz que le Général Kim Il-sung le demande et devenir Héros de la Nation comme son défunt mari. Tant qu'elle n'atteindra pas ce but, elle n'ira pas se recueillir sur la tombe de son mari. Son rêve est exhaussé après un travail de vingt ans ! Kim Il-sung (qu'on ne voit pas à l'écran) visite l'exploitation du village et se dit satisfait : le riz est produit en assez grande quantité pour être expédiée à Pyongyang. Jun Ji, devenue Héroïne de la Nation, participe à une cérémonie à Pyongyang et peut enfin aller se recueillir sur la tombe de son mari.

Soirée VIP : la nuit des Héros à Pyongyang.
Les traditionnels feux d'artifices devant une foule immense.

Traces of Life illustre bien une tendance du cinéma nord-coréen des années 1980 : la promotion de la vie rurale et du collectivisme agricole. Comme dans le film Broad Bellflower ou Urban Girl Comes to Get Married. La morale du film, rappelée à plusieurs reprises est que seul celui qui consacre toute sa vie au Parti laisse une trace dans l'histoire du pays. Une illustration de l'idéologie mise en place par Kim Il-sung : devenir à la fois le père et la mère de tous les Coréens, tout en infantilisant le peuple, qui doit toujours resté pure et innocent. Lire à ce propos le livre de B. R. Myers : La Race des purs. Comment les Nords-Coréens se voient. Traces of Life a eu une suite : Genuine Life Goes On (이어가는 참된 삶), toujours en deux parties (pour un film de près de 3 heures !), qui se penche sur l'avenir des deux enfants de Jin Ju.

Les joies du collectivisme agricole en chanson.
Photo souvenir : "Kim Il-sung looking at ears of corn".

Revenons sur un Comme dans de nombreuses productions nord-coréennes, le film commence par un flashback, ce qui enlève tout suspens (on sait que le mari de Jin Ju est mort et qu'elle est vivante) mais illustre bien la mentalité du pays quand il s'agit de raconter une histoire - ou l'Histoire : on part de la situation présente pour modeler ou inventer les faits passés. C'est ce qui s'est passé avec la biographie de Kim Il-sung et toute l'édification de la nation depuis 1945. Les exemples pullulent : un seul, assez amusant. Afin de justifier le règne des Kim, le Parti est allé jusqu'à faire du grand-père de Kim Il-sung le meneur d'une révolte contre les colons américains en 1866 ! Pour plus de révisionnisme historique, voir le traitement de la guerre de Libération nationale.

lundi 27 août 2012

Kim Song-gyo - On the Railway (1966)

On the Railway (철길우에서) est un film nord-coréen sur la guerre de libération nationale opposant la Corée du Nord à la Corée du Sud, soutenue par les États-Unis et l'ONU. L'action se déroule à l'automne 1950, soit quelques semaines après le début du conflit : selon le régime de Pyongyang (comme on le verra plus tard), le gouvernement sud-coréen, aidé par les États-Unis, a commencé les hostilités le 25 juin 1950, en franchissant le fameux 38è parallèle. D'après les historiens, c'est plutôt l'inverse qui s'est passé...

In Ho entouré de deux militaires américains.

Dans On the Railway (visible ici), les populations de Corée du Nord évacuent les villes pour se protéger des bombardements et du pillage des Américains. Malheureusement, In Ho, un chauffeur de train transportant de l'armement pour l'Armée populaire, se retrouve prisonnier des Américains. Il va alors feindre de se rendre à l'ennemi pour mieux l'attaquer, provoquant, parmi ses amis incrédules, le plus grand mépris. Ceux-ci comprennent bientôt qu'In Ho mène un double jeu pour espionner les convois ferroviaires de l'ennemi et favoriser le sabotage. In Ho et ses compagnons sont donc obligés d'évoluer parmi les Américains, dépeints comme des brutes cruelles désorganisées. Dans ce film de guerre bien rythmé et bien filmé (le film est moins kitsch que les productions des années 1980-1990), In Ho est le symbole du dévouement éternel pour sauver la démocratie et la liberté face à l'envahisseur impérialiste.

L'ennemi américain qui ne sourit jamais.
Occupation impérialiste sur le sol coréen.

Revenons maintenant sur l'histoire de la guerre de Corée (1950-1953), appelée guerre de Libération nationale par la Corée du Nord, en citant trois discours de Kim Il-sung. Ceux-ci sont probablemement antidatés afin de justifier a posteriori la guerre mais ils sont intéressants pour donner la vision qu'ont les Nord-Coréens de la guerre. Les États-Unis sont vus comme le plus grand ennemi du pays, empêchant la réunification entre le sud et le nord. Cette version de l'histoire est la trame de tous les films de guerre nord-coréens.

Un soldat américain maîtrisé par un civil nord-coréen.

Dans son discours prononcé le 25 juin 1950, Anéantissons les envahisseurs par une riposte résolue, Kim Il-sung affirme : "aujourd'hui à l'aube, l'armée fantoche de la clique traîtresse de Syngman Rhee a lancé une attaque armée par surprise contre la moitié nord de la République sur toute la ligne du 38è parallèle [...] La clique fantoche de Syngman Rhee directement manipulée par l'impérialisme américain avait depuis longtemps préparé son attaque contre la moitié nord de la République [...] Notre peuple ne veut ni redevenir l'esclave colonial de l'impérialisme ni céder à personne les libertés et droits démocratiques qu'il a déjà conquis [...] Si notre Armée populaire est numériquement inférieure à l'ennemi, elle n'en a pas moins une puissance incomparable à celle de l'ennemi".


Le lendemain, dans un discours radiodiffusé, Canalisons toutes nos forces pour gagner la guerre, Kim Il-sung en rajoute une couche sur la manipulation du gouvernement sud-coréen par les États-Unis au détriment du peuple : "les impérialistes américains ont entièrement disloqué l'économie nationale de la moitié sud après s'être emparés des leviers de commande de son économie. ils pillent le riz, tungstène, le graphite et beaucoup d'autres ressources naturelles dont notre pays a un besoin vital [...] La population sud-coréenne est en détresse et souffre de la famine".

Le plus beau plan d'On the Railway.

La diatribe anti-américaine prend plus d'ampleur dans le discours de Kim Il-sung du 8 juillet 1950, Repoussons résolument l'attaque armée des impérialistes américains : "les impérialistes américains, rêvant de dominer le monde, veulent coloniser notre patrie pour toujours et asservir notre peuple [...] Les bandits américains pensent que le peuple coréen n'est destiné qu'à être un esclave colonial qui doit travailler à remplir de dollars les bourses des marchands de guerre de Wall Street [...] Les sauvages agresseurs impérialistes américains, qui ont arrosé le sol de notre patrie du sang du peuple, seront maudits non seulement par nous mais aussi par nos enfants, pour toujours, et de génération en génération".

dimanche 26 août 2012

Taekwondo et mariage en Corée du Nord : O Youth ! (1994)

O Youth ! (청춘이여!) est une comédie familiale nord-coréenne qui traite du mariage et du sport. Comme dans A Family Basketball Team, O Youth ! met en scène une famille où le sport est primordial. Le père est journaliste mais voue au sport un immense culte : ses cinq filles en font toutes : football, basketball, haltérophilie, plongeon et gymnastique artistique. Seuls la mère et le fils, étudiant en histoire de 30 ans, détestent le sport. C'est dans cet univers familial que se trame l'intrigue du film : le mariage de Ki Ho, le fils étudiant toujours célibataire, au grand désespoir de sa mère. Le film est visible ici.

Repas de famille : la table est fort bien remplie.
Famille heureuse devant le Rungrado May Day Stadium, le plus grand stade du monde.

Le film évolue d'abord en marivaudage grâce à un quiproquo amoureux : Ki Ho rencontre Kim Un Gyong, championne de Taekwondo, mais croit à tort qu'elle est couturière. Le fait que la jeune fille étudie un livre sur les arts martiaux à l'ère de l'empire Koguryo (37 avant JC - 668) aurait dû l'interpeler un peu plus. Quoi qu'il en soit, le jour même de cette rencontre, lui et sa mère pensent déjà au mariage alors qu'ils ignorent la véritable profession de la jeune fille. Une fois la méprise avérée vers le milieu du film (mais seulement comprise par la mère à la fin), O Youth ! fait place à un discours plus politique qui vise à vanter les mérites de Kim Jong-il et son action politique pour développer le sport en Corée du Nord.

Visite de Pyongyang : le Palais des Études du Peuple (la plus grande bibliothèque du pays).
Bâtiment d'entraînement aux arts martiaux.
Le plongeoir de 10 mètres de hauteur. Vertige assuré.

La propagande pro Kim Il-sung et Kim Jong-il commence lorsque Ki Ho et ses parents visitent les infrastructures sportives dans lesquelles s'entraînent les cinq filles de la famille. Une guide vante avec solennité, presque les larmes aux yeux, l'action de Kim Jong-il, qui a fait construire les bâtiments. Les plans de caméras montrent bien le respect et l'inclination des acteurs, le tout soutenu par une musique poignante. Dans les complexes sportifs, tout le monde sourit, tout est moderne et imposant, comme le plongeoir qui culmine à dix mètres de haut. Le père de Ki Ho est impressionné, lui qui affirme que les sportifs sont dorénavant respectés en Corée du Nord car, en cas de victoire, "ils sont honorés par le pays et on leur offre des maisons luxueuses".

Explication de thèse sur l'âme de la nation coréenne.
Kim Un Gyong fait la leçon au journaliste de la BBC.

La propagande continue quand Ki Ho parle à sa dulcinée Kim Un Gyong de sa thèse d'histoire qui traite justement du... taekwondo ! inventé vers le 2ème siècle après Jésus-Christ pendant l'empire Koguryo. Dans sa thèse, Ki Ho affirme que les Coréens sont naturellement les meilleurs au taekwondo puisque cet art est né en Corée. Il espère donc une victoire coréenne au prochain championnat international pour "valider" sa thèse !  Kim Un Gyong, qui participe évidemment au championnat explique à Ki Ho son erreur : "notre pays n'est le meilleur au taekwondo seulement parce que nous l'avons inventé mais aussi parce que nous avons un grand dirigeant". Une dédicace qu'elle réitérera après sa victoire au championnat, interrogé par la BBC : "nous ne sommes pas heureux seulement parce que nous sommes jeunes mais aussi parce que nous vivons sous la protection chaleureuse du grand Général".

Selon le Général Kim Il-sung, le football est le sport le plus populaire au monde.

Un tel dévouement et une telle reconnaissance pour son pays (et son dirigeant) forcent le respect. On imagine aisément Yvan Rioufol et Eric Zemmour verser une larme en regardant ce film et penser au comportement de Samir Nasri, Jérémy Ménez ou autre Hatem Ben Arfa lors de la dernière Coupe d'Europe de football. Les sportifs français ont beaucoup à apprendre de leurs homologues nord-coréens. La Corée du Nord sera peut-être bientôt un modèle, qui sait ? Pour en revenir à O Youth !, comment se termine l'intrigue amoureuse ? Pour le mieux, bien sûr, pour le mieux. Toujours.

samedi 25 août 2012

Kim Kil-in - Hong Kil Dong (1986)

Hong Kil Dong est le Robin des Bois coréen. Ce personnage a été inventé à la fin du 16ème ou au début du 17ème siècle par Heo Gyun, un homme politique et écrivain de la dynastie Joseon (1392-1897). Libéral et progressiste, Heo Gyun a connu une carrière politique mouvementée puisqu'il a été exilé à plusieurs reprises pour avoir participé à des querelles politiques. il a finalement été exécuté pour trahison. Son œuvre littéraire majeure, Les Contes de Hong Kil Dong, a été adaptée au cinéma à la fois par la Corée du Nord et la Corée du Sud. L'histoire d'un fils illégitime qui vole aux riches pour donner aux pauvres devait forcément intéresser le régime du Juche. Le film de Kim Kil-in est visible ici.

Le jeune Hong Kil Dong et sa mère.

Hong Kil Dong est le fils illégitime d'un ministre et d'une femme non noble. Les concubines sont pourtant reconnues mais là où le bât blesse est que la concubine ne fait pas partie de la classe dominante. La vie de famille est donc plutôt cocasse : le ministre, sa femme, son fils légitime, sa concubine et Hong Kil Dong vivent donc sous le même toit ! La femme légitime condamne cette situation déshonorante et voue une haine infaillible à la concubine et son bâtard de fils. Malgré cette ambiance familiale électrique, le jeune Hong Kil Dong montre très vite les signes d'une grande intelligence : il est plus doué que son demi-frère, avec qui il s'entend pourtant très bien. Mais un jour, la femme légitimer du ministre fait exécuter Hong Kil Dong et sa mère. Le père de cette dernière, un expert en arts martiaux, les sauve de l'attaque des brigands. Impressionné par les techniques de combat de son grand-père, Hong Kil Dong décide de vivre avec lui et sa mère dans la montagne afin de devenir un grand combattant.

La classe dominante de la société féodale de la dynastie Joseon.

Alors que Hong Kil Dong et sa mère vivent tranquillement dans la montagne pendant une dizaine d'années, tout le monde les croit morts. Les brigands se sont bien  gardés d'avouer leur échec. Un jour, alors qu'il vend un élan à un aubergiste de la montagne, Hong Kil Dong rencontre à nouveau les brigands. Devenu expert en arts martiaux, il les met facilement en déroute. Les brigands n'avait pas les mains vides : il détenait la fille d'un futur ministre. Sauveur de la jeune fille, Hong Kil Dong va bientôt réapparaître dans la société, à la grande surprise de son père, toujours ministre. Toujours rejeté par sa belle-mère et par le reste de sa noblesse (il devait épouser la jeune fille qu'il a sauvé), Hong Kil Dong fuit sa famille pour parcourir le pays. Choqué par la corruption des élites et l’asservissement des paysans, il décide de sa battre. En luttant contre l'injustice, il devient rapidement un héros populaire.

Hong Kil Dong et son grand-père sur la montagne.
Superbes paysages de Corée.

Les circonstances font que Hong Kil Dong s'attaquera contre un groupe de brigands étrangers qui ont enlevé des femmes et volé le trésor personnel du Prince. Malgré cela, le Prince refuse que Hong Kil Dong épouse la fille d'un noble. Il refuse également de l’anoblir. Hong Kil Dong décide finalement de quitter la Corée pour vivre avec sa future femme et des amis dans "un pays harmonieux ou les hommes sont tous égaux et où la pauvreté n'existe pas". "Un tel pays existe-t-il ?" demande naïvement le narrateur ? Mais oui, c'est la République démocratique populaire de Corée.

Bagarre entre Hong Kil Dong et un brigand.
Hong Kil Dong, sa femme et sa mère à la recherche d'un monde meilleur.

Hong Kil Dong est un bon film qui bénéficie d'une très belle photographie, d'un scénario solide et scènes de combat bien chorégraphiés : comme dans les films de la Shaw Brothers, les personnages volent dans les airs et les bruitages pourraient être samplés par le Wu-Tang Clan. Le message de lutte des classes est bien traité, notamment à la fin du film où Hong Kil Dong préfère quitter le pays plutôt que d'affronter le système féodal, dépeint comme un système conservateur et sclérosé par des ministres corrompus. Pourtant, le film prend soin de ne pas faire du Prince un être mauvais : il est décrit comme une personne voulant faire le bien du peuple mais trompé par son entourage. On n'attaque pas ainsi la dynastie Joseon, qui a tout de même régné sur la Corée pendant près de 500 ans. Mieux vaut attaquer les impérialistes japonais et américains.

lundi 20 août 2012

Kim Yu-sam - Our Lifeline (2002)

Our Lifeline (우리의 생명) est un film d'espionnage nord-coréen distribué en 2002, même si le spectateur a plutôt l'impression de regarder un Derrick coréen des années 1970. Le film est séparé en deux épisodes pour une durée totale de 2h20. Les deux parties sont visibles ici (partie 1) et là (partie 2).

Fanfare dans un pays en reconstruction.

 Le genre des films d'espionnage est apparu tôt Corée du Nord, dès 1953 avec Scouts, mais a connu un engouement plus important dans les années 1970, avec des films comme The Plum-Blossom is Fallen, Operation Document, et la série de vingt films Unknown Heroes (1978-1980). Comme les films de guerre sur la libération nationale, les films d'espionnage sont un bon moyen d'exalter le sacrifice patriote pour le Juche Kim Il-sung.

Jo Yun Chol en mauvaise posture.
Le Général Kim Il-sung est évoqué dès les premières minutes.

Our Lifeline raconte l'histoire de Jo Yun Chol, un orphelin analphabète devenu professeur d'école dans un village et qui va devenir un héros de la révolution en luttant contre les traites coréens et les impérialistes américains. En juin 1950 débute la guerre entre les deux Corée. Dans le film, tout laisse croire que ce sont les Sud-Coréens, aidés par la CIA et les services secrets japonais, qui ont provoqué ce conflit. Quand Jo Yun Chol apprend que Kim Thae Son, un homme qu'il a connu dans les années 1930, est en réalité un agent double à la solde des États-Unis et du Japon, il décide de quitter le professorat pour entrer dans l'armée. Cette décision compromet son futur mariage mais il n'hésite pas une seconde, par respect et allégeance pour le Général Kim Il-sung, libérateur de la nation.

Way of the gun : l'éloge du flingue par l'armée de Corée du Nord.
Jo Yun Chol et sa copine In Ok réunis autour d'un fusil.
Brève apparition de James Dresnok, le célèbre déserteur américain !

Jo Yun Chol et le spectateur sont alors confrontés à la difficulté de reconnaître les alliés des ennemis. N'importe qui est un potentiel agent secret ; les rebondissements ne finissent pas : celui-ci d'abord considéré comme un allié mais qui s'avère travaillé pour le Japon ou celle-là, suspecte mais qui est en réalité membre du réseau nord-coréen ultra-secret de l’Étoile Rouge à Cinq Branches. Tout est tellement rapide et peu clair qu'il est difficile de savoir vraiment qui est qui ou qu'elles sont les missions exactes de Jo Yun Chol. Plus d'explications et de développement des personnages n'auraient pas été du luxe.

A trop vouloir jouer l'agent secret, on se blesse !
Jo Yun Chol et la belle In Ok. Relève la tête.
Pistolet sur la tempe d'une femme innocente : un plan digne de John Woo.

Ajoutons à cela une mise en scène aléatoire : le réalisateur Kim Yu-sam utilise des gros plans aussi étranges et iconoclastes que Jess Franco ! Comme ce gros plan de plus de vingt secondes sur les vagues s'écrasant sur une falaise alors que deux personnages dialoguent. Du coup, on ne sait même pas si les personnages se parlent vraiment ou monologuent intérieurement... rêvent-ils ? En plus de cela, la post-synchronisation est catastrophique : les personnages parlent parfois à haute voix sans que leurs lèvres bougent. Enfin, l'acteur principal est loin d'avoir l'assurance d'un Alain Delon même s'il prend plus d'épaisseur au cours du film. Bref, Our Lifeline est loin d'être un chef-d’œuvre mais peu importe : le complot terroriste fomenté contre le Général Kim Il-sung est déjoué. L'honneur est sauf. Une fois de plus.