samedi 21 janvier 2012

Jong Ki Mo - Order 27 (1985)

film corée du nord
Suite des chroniques du cinéma de Corée du Nord, après Bellflower et From 5PM to 5 AM, voici Order #27, sorti en 1985 (et visible intégralement sur youtube).En prenant compte des critères occidentaux et de nanarland.com, de film est un nanar total qui multiplie sans s'en rendre compte les scènes de mauvais goût. Si le réalisateur Jong Ki Mo voulait réaliser un film d'action monumental, il s'est complètement planté avec une production digne d'Eurociné. On imagine déjà Jess Franco tourner en Corée du Nord... mais il aurait du mal à cause de la censure.

Séance baston !
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Coup de pied latéral : up the bracket !

Order 27 est un film de genre "guerre/kung-fu" dont l'action, on le comprend au cours de ce film sans queue ni tête, se passe pendant la guerre civile entre la Corée du Nord communiste et la Corée du Sud capitaliste. Mais le film ne s’embarrasse pas des discours idéologiques. Des Nord-coréens doivent contacter une agente en Corée du Sud pour le bien du pays. A aucun moment il ne sera question des buts de la mission des Nord-Coréens.

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Cet acteur joue également dans Bellflower.

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Cet acteur joue dans From 5 AM to 5 PM.

Le côté "nanar" du film vient du fait que le réalisateur (un certain Jong Ki Mo) laisse passer des scènes totalement hallucinantes et incohérentes. Peut-on compter le nombre de faux raccords (la scène du lancer de fourchette dans le restaurant), d'arrêts sur image sur des scènes inutiles, des ralentis condescendants et d'accélérations de l'image totalement abusée quand un Nord-Coréen malmène un opposant politique ?

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Les décors exotiques de Corée du Nord.

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Everything but the girl.
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Les bonhommes de Corée du Nord : ils ont fait le boulot.

Order 27 reste une bonne tranche de rires pour ses scènes de combats façon "karate-kid sous cocaïne" mais un film assez ennuyeux (aucune intrigue, des acteurs plats). A la fin, le Nord est censé gagner contre le Sud. Mais on s'en fout un peu parce que le film est mauvais.

mercredi 18 janvier 2012

Film de Corée du Nord : From 5 PM to 5 AM

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Deuxième film nord-coréen chroniqué ici après Bellflower de Jo Kyong-sun, From 5 PM to 5 AM (5시부터 5시까지 ou encore 5 sibuto 5 sikkaji) est plus énigmatique. La date de production du film n'est pas vraiment connue : IMDB avance la date de 1990, ce qui doit être à peu près le cas. From 5 PM to 5 AM est un film de guerre qui raconte un événement du conflit entre la Corée du Nord et la Corée du Sud - soutenue par les États-Unis - survenu la nuit du 23 au 24 janvier 1953. Cette nuit-là, trois valeureuses troupes nord-coréennes réussirent à devancer une attaque américaine et asséner aux yankees une sévère défaite - en quelques minutes et sans réelle opposition. C'est du moins le scénario du film, tout à la gloire du "Grand Leader" Kim Il-sung et de la République Populaire Démocratique de Corée.

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Le Grand Leader Kim Il-sung : véritable héros de ce film de guerre.
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Le commandant en chef Yun Chun-il, pourtant malade, est dévoué à son Parti.

Dans ce film de 76 minutes, la trame historique est soutenue par plusieurs intrigues mettant en avant quelques soldats, une infirmière et deux commandants. Une personnes est omniprésente mais invisible à l'écran : Kim Il-sung. Ce dernier communique avec les deux commandants par téléphone. D'une voix posée, toujours réfléchie et jamais paniquée malgré l'imminence d'une attaque américaine, c'est Kim Il-sung qui dicte aux commandants pris de cours le plan d'attaque victorieux de son armée ; c'est aussi lui prend à plusieurs reprises des nouvelles de l'état de santé alarmant d'un des commandants ; c'est enfin lui qui réconforte le commandant de la mort de sa fille et de plusieurs soldats, tombés en "héros" pour le pays. Le sacrifice individuel pour le bien commun est sans cesse exalté - comme c'est le cas dans la plupart des films de guerre, nord-coréens, américains ou soviétiques.

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On chante à table pour les hauts gradés...
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... et on chante à l'extérieur pour ses les soldats.

La mise en scène et le déroulement de l'histoire sont assez monotones (à noter : deux scènes de chanson, un "classique" du cinéma de Corée du Nord). Il est cependant indéniable que les cinq dernières minutes sont plus mouvementées. En moins de deux minutes, la maigre armée de Corée du Nord défait sans résistance possible - à coups de canon très impressionnants - l'armée américaine, qui célébrait par avance sa victoire et avait déjà prévenu les journalistes. Un des chefs américains avait pourtant tempéré l'enthousiasme de ses collègues en soulignant que le commandant en chef local avait naguère guerroyé en Mandchourie sous les ordres du "Grand Leader"... Il fallait donc se méfier !

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Explosions dans tous les sens, ça mitraille sec !
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James Dresnok, soldat américain déserteur rallié à la cause du Grand Leader.

Enfin, soulignons l'apparition de James Dresnok dans le rôle d'un des soldats américains. James Dresnok est célèbre pour avoir déserté l'US Army le 15 août 1962 pour rejoindre la Corée du Nord. En 1978, il joue le rôle d'un Américain dans le film Des Héros sans nom, et apparaît ensuite dans plusieurs autres films, accédant à une relative notoriété auprès du public nord-coréen. Il donne également des cours d'anglais dans une université à Pyongyang. En 2006, Dresnok est interviewé par le réalisateur britannique Daniel Gordon qui lui consacre le documentaire Crossing the Line. Dresnok affirme aujourd'hui vivre en Corée du Nord de son plein gré et n'avoir jamais regretté son choix.

lundi 16 janvier 2012

Kim Ki-duk - Arirang (2011)

Kim ki duk arirang
En mai 2011, après une "disparition" de trois ans, le célèbre réalisateur sud-coréen Kim Ki-duk revint au Festival de Cannes pour présenter son nouveau film, Arirang, dans la section "Un certain Regard". Le film n'a rien à voir avec ses précédents films, quinze tournés en treize ans, et presque tous excellents, parmi lesquels on peut citer L'Île (2000), Bad Guy (2001) et Locataires (2004). Arirang est un film expérimental tourné avec un Canon D5 Mark II, avec Kim Ki-duk pour seul acteur. Celui-ci se filme en pleine dépression alors qu'il vit depuis trois an en autarcie dans une cabane en bois. Dans ce film cathartique, on comprend très vite pourquoi Kim Ki-duk avait cessé son travail de réalisateur.

Kim ki duk arirangPour lutter contre le froid, Kim-Ki-duk a installé une tente dans sa cabane.

Kim ki duk arirang
Kim Ki-duk nous montre ses talents manuels en construisant une machine à café.

Pendant le tournage de son précédent film, Dream (2008), l'actrice principale, Lee Na-young, avait failli mourir lors d'une scène de pendaison. Plus de peur que de mal, heureusement. Très choqué par cet événement, Kim Ki-duk a commencé par remettre en question tout son travail de cinéaste. Dans Arirang - la chanson traditionnelle et folklorique de la musique coréenne la plus connue - Kim Ki-duk se filme lors des derniers mois de sa "retraite", au début de l'année 2011. Comme l'écrit Excessif, "ce qui est impressionnant, c'est que cette auto-psychanalyse est clairement montée comme une œuvre posthume, comme s'il avait pensé se tirer une balle dans la tête avant même de la finir". Une œuvre "différente" de cinéma-vérité qu'on aimera ou qu'on détestera en criant au nombrilisme et à l'onanisme.

Kim ki duk arirang
Kim Ki-duk répond à son ombre.

Kim Ki-duk a lui-même expliqué l'histoire du film :
Arirang
est une histoire
dans laquelle Kim Ki-duk joue trois rôles.
A travers Arirang, je franchis une colline de ma vie.
A travers Arirang, j'essaie de comprendre l'Homme, je remercie la nature et j'accepte ma condition actuelle.

De nos jours,
entre le monde des hommes, où s'entremêlent des désirs,
le monde des fantômes, rempli de chagrin
et le monde imaginaire, où se cachent nos rêves,
nous devenons fous,
sans début ni fin.

Qu'est-ce que l'affection, de stagner ici et là dans mon cœur et de pourrir ainsi ?
Pourquoi reste-t-elle au sommet de ma tête pour questionner mes émotions ?
Pourquoi se cache-t-elle au fond de mon cœur pour éprouver ma compassion ?
Quand je n'ouvre pas mon cœur à quelqu'un, je deviens une personne mauvaise et je l’oublie, mais quand je lui ouvre mon cœur, je ne peux jamais le laisser partir, comme un lâche.
Ô
Arirang.
Oui.
Entretuons-nous
cruellement dans notre cœur jusqu'à la mort.

Aujourd'hui aussi,
en me contrôlant, je me laisse envahir par la rage,
en souriant, je tressaille de jalousie,
en aimant, je hais,
en pardonnant, je tremble avec une envie de tuer.
Attendez voir.
Je vais me tuer,
moi qui me souviens toujours de vous.


Bande-annonce d'Arirang de Kim Ki-duk.

samedi 14 janvier 2012

Jo Kyong-sun - Broad Bellflower (1987)

Bellflower north korea
Le cinéma de Corée du Nord est fort méconnu, et ce, à juste titre, puisque le régime nord-coréen rechigne à exporter ses productions nationales en Occident - sauf cas exceptionnel comme Journal d'une jeune Nord-Coréenne en 2006. Grâce à Internet, il est malgré tout possible de visionner plusieurs films nord-coréens, comme The Broad Bellflower (Campanile en français) de Jo Kyong-sun (ou Kyun Soon Jo), distribué en 1987 - année de la création du Festival international du film de Pyongyang. On connaît la passion de feu Kim Jong-il pour le cinéma puisqu'en plus d'avoir réalisé des films (dont Sea of Blood sur la guerre entre le Japon et la Corée), il a également écrit des essais comme De l'art cinématographique. Deux reportages sur l'industrie cinématographique nord-coréenne sont particulièrement intéressants et incontournables : celui de Vice et celui d'Al Jazeera.

Bellflower north korea
Bellflower north korea
Les superbes paysages champêtres de la Corée du Nord.

Le cinéma nord-coréen s'inspire du réalisme socialiste déjà développé en URSS et en Chine. Le cinéma doit donc représenter le peuple et glorifier le régime politique. C'est le cas dans Broad Bellflower, qui narre le quotidien de villageois des années 1950, entre amours personnelles et développement des infrastructures. La mise en scène est particulièrement soignée puisqu'elle alterne les séquences entre le présent (le retour de Park Won Bong dans son village après l'avoir abandonné une trentaine d'années plus tôt) et le passé (l'explication du départ de Park Won Bong). La morale de l'histoire est simple : plutôt que d'abandonner son village natal pour chercher le bonheur et la prospérité en ville, mieux vaut rester dans son village, même pauvre, afin de le développer et de vivre dans un paradis possible grâce au régime communiste. Le mot "paradis" est d'ailleurs employé à plusieurs reprises par les acteurs pour qualifier leur village.

Bellflower north korea
Bellflower north korea
Il est beaucoup question de pauvreté dans Broad Bellflower.

Dans son article "Le cinéma nord-coréen : arme de destruction massive ?", Antoine Coppola écrit : "dans Broad Bellflower de Jo Kyong-sun, film esthétisant, complexe, aux accents littéraires marqués, c’est une femme appelée à une brillante carrière à la ville qui y renonce pour rejoindre un village isolé en voie de désertification, soudain consciente des besoins des paysans dont les cultures sont menacées". En effet, le film glorifie les actes de Jin Song Rim (interprétée par Mi Ran Oh, "actrice du peuple") qui n'hésite pas à sacrifier son amour pour Park Won Bong et préfère rester dans son village natal plutôt que de partir en ville. Une des trames principales du film est la modernisation du village, surtout son rattachement au réseau électrique, symbole du progrès.

Bellflower north korea
Joie immense : l'électricité arrive enfin au village!
Bellflower north korea
La morale du film : seul le combat pour le Parti rend heureux.

Impatient et individualiste, Park Won Bong préfère quitter son village plutôt que d'attendre "100 ans" sa modernisation. Au contraire, Jin Song Rim préfère couper du bois sous la neige pour construire des poteaux électriques et participer à l'amélioration de son train de vie et de celui des autres villageois. Dans sa dévotion, elle ira même jusqu'à mourir en voulant sauver une brebis lors d'un violent orage. Malheureusement pour elle, elle meurt en raison de son acte héroïque. Consécration posthume : elle figurera dans le registre du village comme "héroïne". L'honneur est sauf. Le régime communiste est légitimé.

mercredi 11 janvier 2012

Jacques Feyder - L'Atlantide (1921)

Jacques Feyder Atlantide
En 1920, après plusieurs années à cachetonner chez Gaumont comme acteur et scénariste, le belge Jacques Feyder commence le tournage du film à grand spectacle, L'Atlantide, tiré du roman à succès du même nom de Pierre Benoît, publié juste à la fin de la Première guerre mondiale. Pierre Benoît a beaucoup inspiré les réalisateurs puisque L'Atlantide a été adapté six fois, Koenigsmark quatre fois, et La Châtelaine du Liban trois fois. L'Atlantide, le film de Jacques Feyder, fut un grand pas dans le cinéma français : le film, d'une durée de 2h40, coûta 1,8 million de francs de l'époque, une somme alors jamais dépensée pour un film. Quand le film fut terminé, la publicité l'annonça sous le slogan : Seul un homme a osé ! illustré d'une photographie de Jacques Feyder en casque colonial. Fait original : le film a entièrement tourné dans des lieux naturels, en Algérie, pendant huit mois, de février à octobre 1920.

Jacques Feyder Atlantide
Prise de vue en plein air à Paris...

Jacques Feyder Atlantide
Jacques Feyder Atlantide
... et dans le désert algérien.

Le scénario de L'Atlantide est simple mais regorge de détails d'intrigues secondaires : deux officiers français, Morhange (Jean Angelo) et Saint-Avit (Georges Melchior), se perdent dans le Sahara et finissent par arriver au cœur du Hoggar dans le fabuleux palais où vit l'impératrice de l'Atlantide, l’énigmatique Antinéa (Stacia Napierkowska), qui règne sur un peuple de touareg. Elle les a attirés là pour en faire ses amants. Elle a l'habitude de les tuer après usage, et conserve leurs cadavres, soigneusement embaumés, dans une salle spéciale. Ensorcelé par Antinéa, Saint-Avit tue son rival Morhange, puis s'enfuit du palais. Mais épris d'amour pour Antinéa, il n'a qu'un désir, retourner s'asservir auprès d'Antinéa.

Jacques Feyder Atlantide
Morhange hilare et détendu sous l'effet du hachich.

Jacques Feyder Atlantide
Le lieutenant Massard désespéré sous l'effet de l'opium.

L'Atlantide fut un grand succès. Dans son Histoire générale du cinéma, Georges Sadoul estime que de 1921 à 1932, Atlantide a "probablement été vu par 10 ou 15 millions de personnes, chiffre vraiment exceptionnel dans le cinéma français de cet époque". Le film connut pourtant quelques critiques. Si tout le monde s'accorda à louer la beauté des prises de vue en décor naturel, les décors du palais d'Antinéa et le jeu d'actrice de Stacia Napierkowska (Antinéa) furent critiqués. George Sadoul remet même en question le physique de l'actrice et son "corps singulièrement alourdi par l'abus des loukoums et des couscous". Sympathique. Aujourd'hui, les décors un peu surannés et le jeu excessif de l'actrice principale ne choquent plus le spectateur, qui reste par contre émerveillé des plans en décors naturels, superbes. L'Atlantide a donc très bien vieilli.

Jacques Feyder Atlantide
Morhange et Antinéa.

Jacques Feyder AtlantideAntinéa (Stacia Napierkowska), archétype de la femme fatale.

Le 15 mai 1923, dans la revue Ciné-Miroir, Napierkowska revint sur les conditions du tournage :
Nous sommes restés cinquante jours à Touggourt, avec les Touaregs et leurs méhara, et l'on peut se rendre compte par quelques détails des difficultés que rencontra le grand metteur en scène qu'est Jacques Feyder. Les bandes de méhara, par exemple, devaient évoluer, combattre ou défiler dans le champ de prise de vues juste au moment précis où l'action comportait leur apparition.

Or, dans l'immensité du désert, le champ visuel embrasse parfois des étendues de plusieurs kilomètres. Ordinairement, dans ce cas, on se sert d'appareils téléphoniques en campagne, reliant les différents groupes avec les metteurs en scène. Mais il était impossible d'utiliser ces appareils, parce que la chaleur du sable où reposait le fil était telle qu'elle faisait fondre la couche isolante, et le courant se perdait dans le sable. il fallait utiliser des estafettes à cheval ou des signaux optiques, et nous étions souvent obligés de recommencer plusieurs fois les mêmes scènes, en plein Sahara, par 45° de chaleur à l'ombre.

Jacques Feyder Atlantide
Petite publicité pour Guerlain.

Ci-dessous, la scène de l'Atlantide où Saint-Avit assassine son ami Morhange, sous l'effet néfaste de la drogue et du charme d'Antinéa.


dimanche 8 janvier 2012

Mae Murray dans Gilded Lily de Robert Z Leonard

mae murray
L'actrice Mae Murray, the lady with bee-stung lips, danseuse pour les Ziegfeld Follies, actrice pour Erich von Stroheim en 1925 dans Merry Widow, a joué dans une quarantaine de films pendant l'âge d'or du cinéma muet. En 1921, elle est l'héroïne de Gilded Lily (Liliane en France), réalisé par son troisième mari, Robert Z. Leonard. Il est aujourd'hui bien difficile de visionner le film. Peut-être est-il perdu. Dans son n°31 daté du 30 septembre 1921, Cinémagazine vantait les mérites du film et de l'actrice principale. Voici l'article :

A sa vivacité, à son charme irrésistible, à sa sincérité bien reconnus, Mae Murray semble nous avoir révélé dans Liliane de nouvelles qualités sentimentales et imprévues. Cette parfaite artiste a tant de personnalité, de beauté inquiétante, de grâce et de vie qu'elle a créé un type qu'aucune autre étoile de l'écran n'aurait pu évoquer.

Le sujet profondément dramatique de Liliane a été spécialement écrit pour Mae Murray par Clara Béranger. Ce rôle d'ensorceleuse et blonde artiste est admirablement interprété par Mae Purray, et la réalisation tout entière de cette œuvre est présentée avec une telle science de l'art cinématographique qu'elle peut être comparée à n'importe qu'elle super-production parmi les plus célèbres.

En effet, Robert Z. Leonard a apporté à l'écran des idées et des réalisations nouvelles qui le classent parmi les meilleurs metteurs en scène de Paramount dont Mae Murray, sa femme, est une des plus brillantes étoiles.

mae murray

Les effets de la mise en scène sont extraordinaires, et on ne saurait trop le féliciter de ses scènes à grand spectacle qu'il convient de classer non seulement parmi les plus belles, mais aussi parmi les plus originales.

La plus curieuse de ces scènes représente un cabaret de nuit dont Liliane est la grande attraction. Avec ses tables remplies de joyeux convives, la salle est d'un aspect féérique et élégant. A l'extrémité du parquet de danse, les lourds rideaux de velours s'entr'ouvrent doucement et découvrent à nos yeux ravis une immense urne d'argent remplie de ballons de toutes grandeurs. Doucement, ces ballons s'envolent et entourent Mae Murray vêtue du plus délicat et du plus merveilleux costume de danse. Ses qualités de danseuse sont déjà bien connues mais lorsqu'elle tourne gracieuse et légère, les ballons flottant dans l'air autour d'elle, l'effet produit est si beau qu'il semble irréel et qu'il est au-dessus de toutes descriptions.

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Mae Murray danse depuis sa plus tendre enfance. A Portsmouth où elle est née, elle faisait le désespoir de sa grand-mère qui, après l'avoir longtemps cherchée, la trouvait en train de danser au milieu d'un cercle d'enfants, aux sons lamentables des orgues de barbarie. Ce n'est que vers 1915 qu'elle se fit remarquer par le public.

Son premier grand succès fut Nell Brinkley Girl, aux Folies Ziegfeld, et c'est vers cette époque qu'elle imagina un sketch original. la première partie était un film tourné par Mae Murray dont l'image s'arrêtait dans un coin en gros premier plan. On escamotait rapidement l'écran, et, au milieu d'une projection éblouissante, Mae Murray apparaissait en personne aux spectateurs émerveillés de voir la vision cinématographique devenir une réalité.

Nombreuses furent les offres faites à Mae Murray. Elle les déclina toutes, car, très artiste, cette jeune et jolie danseuse avait accepté les offres de M. Zukor, qui lui promit formellement de ne lui faire tourner que les films dont les rôles lui conviendraient.

mae murray

Et c'est ainsi que Mae Murray débuta à l'écran par Sweet Kitty Bellairs dont elle avait toujours beaucoup aimé à lire l'histoire, car Mae Murray est une liseuse enragée, et, parmi ses livres préférés, citons les célèbres histoires d'Elsie Dinsmore, les fables d’Ésope et... les Trois Mousquetaires.

Dans les danses de caractère qu'elle exécute dans Liliane, Mae Murray porte autour de sa cheville droite un double rang de véritables perles dont elle n'a pas hésité à se servir pour tourner. Ces perles qui lui furent offertes par des admirateurs de son grand talent, sont d'un orient des plus rares, et, sur la photographie, on en remarque le merveilleux chatoiement.

samedi 7 janvier 2012

Sono Sion et Tokyo GAGAGA

Lorsqu'on évoque la carrière du réalisateur japonais Sono Sion (maintenant célèbre pour ses excellents films Love Exposure et Guilty of Romance), on cite souvent son implication dans le collectif artistique Tokyo GAGAGA qui consistait, vers 1993, à manifester dans la rue pour dénoncer la société japonaise. Une des manifestations de ce mouvement éphémère et marginal a été filmée par Jean-Jacques Beineix au début de son reportage Otaku, diffusé en France en mai 1994. Cette scène insolite (le documentaire n'est pas consacré à Tokyo GAGAGA et Sono Sion n'est pas interrogé) prend maintenant valeur de témoignage sur une période méconnue de Sono Sion qui avait, à l'époque, déjà réalisé plusieurs films dont The Room.

sono sion tokyo gagaga
Sono Sion en pleine manif Tokyo GAGAGA.

Dans un long entretien réalisé en février 2010, Sono Sion s'est expliqué sur ce collectif artistique : "entre 17 et 21 ans, j'ai écrit des poèmes avant de tourner des films auto-produits en 8 mm. Après ces premiers essais cinématographiques j'ai voulu revenir vers la poésie et j'ai créé le mouvement Tokyo GAGAGA. Vu de loin, ce mouvement pouvait paraître comme des manifestations de rue mais en fait il s'agissait de personnes qui écrivaient des poèmes sur des drapeaux et marchaient dans la rue en arborant leurs drapeaux. Il n'y avait aucun message politique ou social définis. Les policiers venaient souvent empêcher nos manifestations mais comme il n'y avait aucune raison pénale de nous en empêcher, ils ne pouvaient pas nous arrêter. Cette activité n'avait rien d'artistique. Ce n'était même pas un performance. Nous étions environ 200 personnes à descendre dans la rue et je pense que personne ne pensait faire quelque chose d'artistique. C'était comme si une foule se rendait à un concert de punk. Tout ça n'avait rien de politique, il n'y avait aucune revendication. Nous n'étions pas des gauchistes. En apparence, on pouvait comparer ça à une renaissance des luttes des années 1960 mais nous prenions simplement du plaisir à écrire des poèmes et à les montrer. Et je criais GAGAGA, GAGAGA !"

Ci-dessous, l'extrait vidéo d'Otaku qui montre une manifestation de rue de Tokyo GAGAGA.